Hors-série n°2 - Juin 2022 - Procédure de l'appel civil (I. Déclaration d'appel, nullité et absence d'effet dévolutif)

Lettre de la deuxième chambre civile

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I.1. Procédure avec représentation obligatoire

I.1.1. Nullité de forme

 

Avis du 20 décembre 2017 - pourvois 

n°17-70.034

n°17-70.035

n°17-70.036

Bulletin 2017 - Avis, n°12 *

 

Sommaire :

La sanction attachée à la déclaration d’appel formée à compter du 1er septembre 2017, portant comme objet "appel total" ou " appel général", sans viser expressément les chefs du jugement critiqués lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile.

Cette nullité peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel.

La régularisation ne peut pas intervenir après l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 1er, du code de procédure civile.

 

Commentaire :

Par ces trois avis importants, qui forment le socle de la jurisprudence ultérieure, la deuxième chambre civile a répondu à l’interrogation des juges du fond sur la sanction à retenir lorsque la déclaration d’appel ne répond pas aux exigences résultant de la mise en œuvre combinée des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

Le décret du 6 mai 2017, applicable aux déclarations d’appel formées à compter du 1er septembre 2017, a profondément modifié l’article 562 du code de procédure civile en supprimant l’effet dévolutif total de l’appel non limité. Désormais, l’appel ne défère à la cour d’appel que la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Par cohérence, ce même décret a complété, par un “4°”, le texte de l’article 901 du code de procédure civile, aux termes duquel « [La déclaration est faite par un acte contenant,…, et à peine de nullité] 4° Les chefs auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Pour sanctionner la méconnaissance de ces exigences, fallait-il s’attacher, au regard de l’article 562 du code de procédure civile, à une absence d’effet dévolutif de l’appel formé par une déclaration qui n’énonce pas les chefs de dispositif du jugement ou bien se référer au texte de l’article 901 dont les prescriptions sont prévues à peine de nullité ?

En cohérence avec la jurisprudence relative à la sanction des mentions de la déclaration d’appel, la Cour de cassation a donné la préférence à une nullité de nature formelle, laquelle, par application de l’article 114, alinéa 2, du code de procédure civile, ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité et induit, sur le fondement de l’article 115, une possible régularisation.

C’est ainsi que, dès lors que la nullité de la déclaration d’appel est susceptible d’être encourue, c’est par un acte identique, en d’autres termes par une nouvelle déclaration d’appel, que le vice affectant l’acte d’origine peut être réparé.

On comprend que la régularisation ne peut être effective que si l’appelant dispose d’un temps suffisant pour déposer une nouvelle déclaration d’appel propre à couvrir la nullité encourue par la déclaration initiale.

Telle est la raison pour laquelle le délai de régularisation court pendant trois mois après la déclaration d’appel affectée d’un vice de forme. Il coïncide, on le voit, avec le délai imparti à l’appelant pour mettre ses premières conclusions en état. On comprend, en revanche, que si le délai de régularisation avait été le délai d’appel, la possibilité de régularisation aurait été privée d’effectivité dès lors que, le plus souvent, le délai concerné aurait déjà expiré à la date à laquelle la nécessité de régulariser serait apparue à l’appelant.

I.1.2. Absence d’effet dévolutif

2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié au Bulletin

Sommaire :

Une cour d’appel, qui constate que les déclarations d’appel tendant à la réformation d’un jugement se bornent à mentionner en objet que l’appel est « total » et n’ont pas été rectifiées par une nouvelle déclaration d’appel, retient à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que cette mention ne peut être regardée comme emportant la critique de l’intégralité des chefs de jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement.

 

Commentaire :

Lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas. Aucune régularisation de la déclaration d’appel ne peut intervenir par conclusions. Ces règles ne portent pas atteinte au droit d’accès au juge.

La question essentielle résolue par cet arrêt est celle de la portée d’une déclaration d’appel non-conforme aux exigences de l’article 901, 4°, du code de procédure civile et qui n’a été ni annulée ni régularisée.

Par cet arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation détermine, pour la première fois, les conditions de la dévolution de l’appel, telle que définie par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

Jusqu’alors, la dévolution totale était le principe dès lors que l’appel n’était pas limité.

La réforme issue du décret précité a redéfini l’objet de l’appel, désormais circonscrit par l’acte d’appel. L’appel est limité, en effet, aux chefs de jugement expressément critiqués dans la déclaration d’appel. L’appel général est, par conséquent, exclu.

Ce « périmètre » de l’effet dévolutif est ainsi délimité par l’article 562 du code de procédure civile qui énonce, dans son premier alinéa, que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Cette règle ne s’applique pas lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’étendue de l’effet dévolutif est déterminée par le contenu de la déclaration d’appel, désormais soumis à des règles contraignantes.

Si l’effet dévolutif opérait alors que la déclaration d’appel, bien que non-annulée, ne respectait pas ces règles, il s’en déduirait que l’effet dévolutif pourrait être détaché du contenu de la déclaration d’appel. Un tel résultat contredirait les fins de la réforme introduite par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, mettant fin à l’appel général.

C’est pourquoi la Cour de cassation a décidé qu’un acte d’appel qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement est privé d’effet dévolutif dès lors qu’il ne peut produire d’effet au-delà de l’objet qu’il se donne.

 

2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié au Bulletin

Sommaire :

Une cour d’appel, qui constate que la déclaration d’appel se borne à solliciter la réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumère et que l’énumération ne comporte que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en déduit à bon droit, sans dénaturer la déclaration d’appel et sans méconnaître les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’elle n’est saisie d’aucun chef du dispositif du jugement.

 

Commentaire :

Lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement en énonçant les demandes formulées devant les premiers juges, mais sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.

Cet arrêt apporte la confirmation que l’effet dévolutif de l’appel est sans rapport avec la nullité de l’acte d’appel puisque, si bien, l’irrégularité de celui-ci, même non sanctionnée par une nullité, fait obstacle à ce que la cour d’appel soit saisie des chefs de dispositif du jugement.

L’attention des praticiens doit être attirée sur la rédaction de la déclaration d’appel, qui doit se référer expressément aux chefs de dispositif du jugement frappé d’appel, et non aux demandes sur lesquelles il a été statué par cette décision. Ces demandes ou prétentions peuvent avoir subi des sorts différents : irrecevabilité, rejet, condamnation…que l’appelant n’a pas nécessairement l’intention de critiquer en leur totalité. Aussi est-il indispensable à la sécurité juridique de l’intimé et à l’organisation de la défense de ses droits qu’il acquière une connaissance précise de ce que l’appelant entend remettre en discussion devant la cour d’appel.

On soulignera, enfin, que l’arrêt rappelle que ces règles, qui encadrent les conditions d’exercice du droit d’appel, dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, dépourvues d’ambiguïté et concourant à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité de cette procédure, ne portent pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au juge d’appel, ne méconnaissent pas l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Différentes décisions, non publiées, sont à rapprocher de cet arrêt. Ainsi de : 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-15.230, 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-12.037, 2e Civ., 1er juillet 2021, pourvoi n° 20-12.339, 2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 20-10.898, 2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-19.734.

 

2e Civ., 13 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.516, publié au Bulletin

Sommaire :

Il résulte de la combinaison des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ainsi que des articles 748-1 et 930-1 du même code, que la déclaration d’appel, dans laquelle doit figurer l’énonciation des chefs critiqués du jugement, est un acte de procédure se suffisant à lui seul.

Cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

 

Commentaire :

Depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, entré en vigueur le 1er septembre 2017, applicable aux appels interjetés à compter du 1er septembre 2017, qui a modifié l’article 901, 4°, du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit contenir, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Dans les procédures avec représentation obligatoire, cet acte s’accomplit par la voie électronique en application des articles 748-1 et 930-1 du même code, dans les conditions prévues à l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, modifié par l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant les cours d’appel.

L’article 6 de l’arrêté du 30 mars 2011 prévoyant qu’un document pouvait être joint à un acte de procédure sous la forme d’un fichier PDF, la question s’est posée de savoir si les chefs de dispositif du jugement entrepris pouvaient figurer dans l’annexe, et non dans la déclaration d’appel elle-même.

Saisie de cette question, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative. Elle a jugé que les mentions prévues au 4° de l’article 901 du code de procédure civile, c’est-à-dire « les chefs du jugement expressément critiqués », doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul, et que ce n’est qu’en cas d’empêchement d’ordre technique que l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

L’irrégularité de la déclaration d’appel est sanctionnée soit par la nullité de la déclaration d’appel, nullité de forme qui suppose l’existence d’un grief, soit par l’absence d’effet dévolutif, constaté par la cour d’appel (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié).

Cette solution s’inscrit dans l’esprit et la logique de la réforme accomplie par le décret du 6 mai 2017.

Elle préserve les droits de l’appelant à l’accès au juge d’appel, dès lors qu’est prise en considération l’existence d’un empêchement d’ordre technique, cette notion devant s’entendre de manière très large.

Elle garantit également à l’intimé qu’il disposera, dès la signification qui lui sera faite de la déclaration d’appel, de l’ensemble des informations qui, touchant à l’étendue de l’appel, sont nécessaires à l’exercice de ses droits, des droits de la défense, à ce qu’exige son droit à un procès équitable. En effet - insistons-y - avant l’entrée en vigueur de l’arrêté du 20 mai 2020, le récapitulatif émis par le greffe, l’était à partir de la seule déclaration d’appel, à l’exclusion de l’annexe. Or, c’est ce récapitulatif, et non la déclaration d’appel, qui est signifié à l’intimé.

Cette situation était celle de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la deuxième chambre civile du 13 janvier 2022, la déclaration d’appel ayant été formée (le 18 septembre 2017) avant l’entrée en vigueur de l’arrêté du 20 mai 2020.

L’arrêté du 20 mai 2020 a abrogé les dispositions en cause de l’arrêté du 30 mars 2011 pour prévoir et organiser la transmission par le greffe à l’appelant, en vue de la signification à l’intimé, du récapitulatif, accompagné, le cas échéant, de la pièce jointe établie sous forme numérique et qui fait corps avec la déclaration d’appel.

Postérieurement, le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 a modifié l’article 901, 4°, du code de procédure civile, en énonçant que “La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe… », tandis qu’un arrêté du même jour est venu modifier l’arrêté du 20 mai 2020 aux fins d’adapter les conditions de la communication électronique de la déclaration d’appel.

I.2. Procédure sans représentation obligatoire

2e Civ., 9 septembre 2021, pourvois n° 20-13.662 et autres, publié au Bulletin et au Rapport

Sommaire :

En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant. L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter. A la différence de l'article 901 du code de procédure civile, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933 du même code, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel. Il se déduit de l'article 562, alinéa 1, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, Bull. 2020(cassation partielle sans renvoi)).

De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, (rejet)). Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. Par conséquent, doit être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui statue sur le fond d'une affaire, dans une procédure sans représentation obligatoire, alors même qu'elle constatait que les déclarations d'appel indiquaient tendre à l'annulation ou, à tout le moins, à la réformation de la décision déférée, sans mentionner les chefs du jugement critiqués.

 

Commentaire :

L’arrêt de la deuxième chambre civile rendu le 9 septembre 2021 concerne la procédure d’appel sans représentation obligatoire, qui trouve application en certaines matières, en particulier dans le contentieux de la sécurité sociale, auquel est relatif l’arrêt commenté.

Dès lors que les parties à une procédure d’appel sans représentation obligatoire sont dispensées de constituer un avocat, la procédure répond nécessairement à un formalisme allégé, ainsi que l’énonce l’arrêt commenté. L’arrêt précise, à cet égard, que cet allègement est destiné à mettre de façon effective les parties, même non représentées par un avocat, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

On se souvient que la Cour de cassation a déduit de l’article 562 du code de procédure civile qu’une déclaration d’appel mentionnant qu’il est formé un appel total, et n’indique pas les dispositions critiquées du jugement, n’emporte aucun effet dévolutif (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié au Bulletin). De même a-t-elle précisé, par la suite, que ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté, pour en déduire qu’elles ne portent pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel. (2e civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié au Bulletin).

Pouvait-on étendre ces solutions à l’appel formé dans une procédure sans représentation obligatoire par une application aussi rigoureuse de l’article 562 du code de procédure civile ?

Telle n’a pas été la solution retenue par la Cour de cassation.

Par l’arrêt commenté, la deuxième chambre civile a jugé, en effet, que la règle et la sanction prévues par l’article 562 ne peuvent pas trouver à s’appliquer dans la procédure sans représentation obligatoire, pour en déduire qu’une déclaration d’appel ne précisant pas les chefs du jugement dont il est sollicité l’infirmation doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

L’arrêt souligne que dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d’exigence dans les formalités à accomplir par l’appelant constituerait une charge procédurale excessive dès lors que celui-ci n’est pas tenu d’être représenté par un professionnel du droit.

Pour aboutir à cette solution, la Cour de cassation prend appui sur le droit à l'accès au juge, qui résulte de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel impose que les parties soient mises en mesure effective d’accomplir les charges procédurales qui leur incombent (V. par exemple : 2e Civ., 21 février 2019, pourvoi n° 17-28.285, publié au Bulletin ; 2e Civ., 5 septembre 2019, pourvoi n° 18-21.717, publié au Bulletin).

Ainsi que l’indique l’arrêt commenté, l’effectivité de ce droit impose en particulier d’avoir égard à l’obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter. Il convient, en effet, de rappeler que pour apprécier le caractère proportionné du formalisme procédural, la Cour européenne des droits de l’homme invite à prendre en particulière considération la représentation ou non des parties par un professionnel (Par exemple : CEDH, 23 oct. 1996, Levages Prestations services c/ France, req. n° 21920/93 ; 15 janvier 2009, req. 24488/04, Guillard c/ France ; CEDH, 24 avril 2008, Kemp et autres, c. Luxembourg, req. 17140/05). Dans sa jurisprudence, la Cour de cassation donne toute sa place à ce critère d’appréciation (par exemple :  2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.431, Bull. 2016, II, n° 247 ; 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.624, publié au Bulletin).

Dans cette même logique, l’arrêt prend soin d’indiquer que la faculté de régularisation de la déclaration d’appel, offerte à l’appelant, ne serait pas de nature – ou, si l’on préfère, ne saurait suffire – à remédier à l’atteinte excessive au droit d’accès au juge qui résulterait pour l’appelant de la privation d’effet dévolutif de l’appel, si elle était retenue en pareille situation.

La solution repose, on le voit, sur la distinction entre procédures avec et sans représentation obligatoire par avocat. Dans une procédure d’appel sans représentation obligatoire, les parties doivent bénéficier d’un formalisme allégé, destiné à les mettre de façon effective en mesure d’accomplir les actes de la procédure d’appel. Il doit en être tout particulièrement ainsi de l’appelant pour l’établissement de sa déclaration d’appel.

On mentionnera qu’un précédent arrêt (2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 18-23.299, publié au Bulletin), avait mis en œuvre une semblable approche pour trancher du point de départ du délai pour déférer à la cour d’appel une ordonnance du magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Dans la procédure d’appel sans représentation obligatoire, l’article 945, alinéa 3, du code de procédure civile fixe le point de départ de ce délai au jour du prononcé de l’ordonnance.

Dans la procédure avec représentation obligatoire, régie sur ce point particulier, par des textes rédigés dans les mêmes termes, la jurisprudence retient que cette règle est conforme au droit d’accès au juge dès lors que l’avocat constitué est en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, au nombre desquels figure le déféré, dans les formes et délais requis (2e Civ., 21 février 2019, pourvoi n° 17-28.285, publié au Bulletin).

C’est une solution contraire qu’adopte, dans la procédure sans représentation obligatoire, l’arrêt du 25 mars 2021. Pour se déterminer en ce sens, il retient que le droit d'accès au juge implique qu'à défaut pour la partie ou son représentant d'avoir été informé de la date de cette ordonnance, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle la partie ou son représentant a reçu cette information.

Les approches, la logique qui les sous-tend, comme les considérations à l’œuvre, sont de même nature dans le cas de l’arrêt du 25 mars 2021, comme dans celui du 9 septembre 2021.

I.3. Irrecevabilité d'un second appel faisant suite à un premier appel dont la cour d'appel est régulièrement saisie et n'ayant pas donné lieu à une décision de caducité

2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.423

Commentaire :

La question posée par cet arrêt est celle de la réitération de déclarations d’appel, outre celle de savoir si, sous l’empire des dispositions issues du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, un appelant peut former une seconde déclaration d’appel après une première déclaration ayant régulièrement saisi la cour d’appel.

On sait qu’en application de l’article 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité dans les conditions prévues aux articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un (nouvel) appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.

Qu’en est-il d’une seconde déclaration d’appel, si lorsqu’elle est formée, aucune irrecevabilité ou aucune caducité n’a été prononcée à l’encontre de la déclaration initiale ?

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer à ce sujet, en se fondant, non sur les dispositions précitées de l’article 911-1 précité, qui n’ont pas vocation à recevoir application dans l’hypothèse considérée, mais sur celles de l’article 546, selon lequel le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, celui-ci s’entendant d’un intérêt légitime.

Elle retient que lorsque la cour d'appel est régulièrement saisie par une première déclaration d'appel dont la caducité n'a pas été constatée, un second appel est irrecevable, faute pour son auteur de disposer d’un intérêt à interjeter un appel dirigé contre le même jugement entre les mêmes parties. Il en découle que l'appelant ne peut réitérer une déclaration d'appel dans les mêmes termes, après une précédente déclaration d’appel ayant saisi régulièrement la cour d'appel.

L’arrêt précise que les dispositions considérées ne restreignent pas l’accès au juge d’appel d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même et souligne que d’une part, elles poursuivent le but légitime d'une bonne administration de la justice, un appelant ne pouvant multiplier les déclarations d'appel alors que sa déclaration initiale a régulièrement saisi la cour d'appel, d'autre part, les restrictions qu’elle comportent ne sont pas disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

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