N°1 - Mai 2023 (Les décisions d’assemblée plénière)

Lettre de la Cour

Retrouvez une sélection commentée des arrêts rendus en assemblée plénière et en chambre mixte, mais aussi les actualités essentielles et les rendez-vous à ne pas manquer.

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Lettre de la Cour

N°1 - Mai 2023 (Les décisions d’assemblée plénière)

Le lien permettant d’accéder à la décision d’assemblée plénière vous donne également accès aux travaux préparatoires : le rapport du conseiller rapporteur et l’avis de l’avocat général.

Qu’est-ce qu’une assemblée plénière ?

L’assemblée plénière est la formation de jugement la plus solennelle de la Cour de cassation au sein de laquelle toutes les chambres sont représentées. Elle est réunie lorsque l’affaire pose une question juridique de principe. De plus, elle doit siéger lorsque, après cassation par l'une des chambres, le tribunal ou la cour d'appel chargé de rejuger l'affaire rend une décision qui est de nouveau attaquée devant la Cour de cassation, sur la base des mêmes arguments juridiques que ceux avancés lors du premier pourvoi. La décision rendue par l'assemblée plénière s'imposera à la nouvelle juridiction de renvoi.

Compétence universelle de la justice française à l’égard des crimes commis en Syrie

En principe, la justice française n’est compétente que pour juger les crimes commis en France, et, sous certaines conditions, les crimes commis à l’étranger, en particulier lorsque leur auteur est français ou que la victime est française. Néanmoins, dans certains cas, la justice française est, également, compétente pour juger de crimes commis à l’étranger par une personne étrangère sur une victime étrangère. Il s’agit alors d’une compétence dite « universelle ». Celle-ci est soumise à certaines conditions.

 

La résidence habituelle

En application de l’article 689-11 du code de procédure pénale, un ressortissant étranger peut être jugé devant une juridiction française pour des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre commis à l’étranger sur des victimes étrangères, à la condition qu’il réside habituellement sur le territoire français.

Pour que cette condition soit remplie, il faut qu’il existe entre la France et cette personne un lien de rattachement suffisant. Le juge doit apprécier la nature de ce lien sur la base d’un faisceau d’indices : la durée de cette présence sur le territoire, mais aussi les raisons de cette installation, les conditions dans lesquelles elle a eu lieu, les manifestations d’une volonté de résider durablement en France, l’existence de liens familiaux, sociaux, matériels ou professionnels.

 

La législation de l’État étranger

Selon ce même texte, un ressortissant étranger peut être jugé devant une juridiction française à la condition que les faits qualifiés en droit français de crime contre l’humanité ou de crime ou délit de guerre soient punis par la législation de l'État où ils ont été commis. C’est ce qu’on appelle la condition de double incrimination.

Pour qu’il y ait double incrimination, il n’est pas nécessaire que les faits relevant en France des infractions de crime contre l’humanité ou de crime de guerre soient qualifiés de manière identique par les lois du pays étranger : il suffit que la législation étrangère punisse ces actes comme infraction de droit commun tels le meurtre, le viol ou la torture.

 

La fonction de l’auteur de tortures au sein de l’État étranger

En application de l’article 689-2 du code de procédure pénale, la compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de torture commis à l’étranger lorsque ni l’auteur ni la victime ne sont français concerne uniquement les actes commis par les agents de la fonction publique et les personnes agissant à titre officiel.

Cependant, la notion de personne ayant agi à titre officiel vise également une personne agissant pour le compte ou au nom d'une entité non gouvernementale, lorsque celle-ci occupe un territoire et y exerce une autorité quasi-gouvernementale.

L’indemnisation d’une victime en cas de relaxe par le juge pénal de la personne poursuivie pour blessures ou homicide involontaires

14 avril 2023 – Communiqué / DécisionRapportAvis / Audience en vidéo

Lorsque le juge pénal relaxe un prévenu, il n’est en principe pas compétent pour se prononcer sur les dommages-intérêts demandés par la partie civile. Si celle-ci souhaite obtenir une indemnisation, elle doit se tourner vers le juge de la responsabilité civile.

La loi réserve toutefois une exception lorsque le juge pénal relaxe une personne à laquelle est reprochée une infraction non intentionnelle comme des blessures involontaires ou un homicide involontaire. Dans ce cas, il reste compétent, à la demande de la partie civile, pour se prononcer sur les dommages-intérêts.

Toutefois, cette faculté reste une simple option : si la victime n’en fait pas usage, elle conserve le droit de soumettre sa demande d’indemnisation au juge civil, sans que puissent lui être opposés le principe de concentration des moyens et l’autorité de la chose jugée.

En revanche, lorsqu’elle a formé sa demande devant le juge pénal, comme la loi le lui permet, elle doit, en application du principe de concentration des moyens, présenter l’ensemble des arguments fondant sa demande car elle ne pourra plus, ensuite, saisir le juge civil de la même demande. 

Procédure pénale : information du prévenu sur la date d’audience et droit à un procès équitable

3 mars 2023 – Communiqué / DécisionRapport - Avis

Le prévenu qui a déclenché une procédure d’appel doit s’attendre à être convoqué devant la cour d’appel.

Dès lors, si l’huissier ne trouve personne à l’adresse donnée par le prévenu lorsque celui-ci a formé appel, il n’a pas à vérifier si le prévenu y demeure effectivement et doit simplement l’informer du fait que la citation doit être retirée à son étude.

Lorsque l’huissier informe le prévenu par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, il doit le faire sans délai. L’envoi de cette lettre suffit à rendre la procédure régulière.

Le prévenu pourra invoquer un événement de force majeure qui l'aura mis dans l'impossibilité de prendre connaissance, en temps utile, de la lettre de l’huissier de justice, telle qu’une défaillance du système postal.

Ces règles ne méconnaissent ni les droits de la défense, ni le droit à un procès équitable.

Elles participent d'une bonne administration de la justice en permettant :

  • au prévenu d’être effectivement informé de la date de son audience ;
  • de faire échec à la mauvaise foi ou à la négligence de ceux qui déclarent une adresse inexacte ou ne retirent pas la lettre recommandée qui leur a été envoyée.

 

Il doit être observé que, dans cette affaire, un premier pourvoi en cassation a été jugé irrecevable. La requérante a alors saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui n’a pas rendu de décision car le Gouvernement français a fait une déclaration unilatérale, reconnaissant en l’espèce une atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La requérante a ensuite saisi la Cour de révision et de réexamen qui, pour la première fois, a jugé qu’un réexamen était possible, non seulement après condamnation de la France par la CEDH, mais aussi à la suite d’une déclaration unilatérale de la France devant cette Cour. L’affaire a donc été renvoyée devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation, afin que le pourvoi soit réexaminé.

Crise sanitaire liée à la Covid-19 : procédure suivie devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR)

20 janvier 2023 – Communiqué / DécisionRapport - Avis

Du délit de mise en danger d’autrui

A la suite de la crise sanitaire liée à la propagation du virus de la Covid-19, une ancienne ministre de la santé a été mise en examen par la commission d’instruction de la CJR pour mise en danger d’autrui.

Cependant, le délit de mise en danger d’autrui ne peut être reproché à une personne que si une loi ou un règlement lui impose une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Cette obligation doit être objective, immédiatement perceptible et clairement applicable.

Or, aucun des textes auxquels s’est référée la commission d’instruction pour mettre en examen l’ancienne ministre de la santé ne prévoit d’obligation particulière de prudence ou de sécurité.

Dès lors, la mise en examen de l’ancienne ministre est annulée.

 

L’audition des membres du gouvernement en exercice par la commission d’instruction de la CJR

La loi organique sur la CJR prévoit que les auditions des membres du Gouvernement doivent être effectuées par la commission d'instruction, composée de ses trois membres.

Cette règle est d'ordre public : les parties à la procédure peuvent l’invoquer sans avoir à démontrer que son non-respect leur a causé un tort.

 

Dès lors, les auditions des membres du Gouvernement qui ont été menées par un ou deux membres de la commission d’instruction sont annulées.

Amiante : indemnisation des salariés victimes ou de leurs ayants droit

20 janvier 2023 – Communiqué / Décision n°1RapportAvis / Décision n°2RapportAvis

Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait que la rente prévue par le code de la sécurité sociale versée aux victimes de maladie professionnelle ou d’accident du travail en cas de faute inexcusable de l’employeur indemnisait tout à la fois la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire le handicap dont vont souffrir les victimes dans le déroulement de leur vie quotidienne.

Aussi, pour obtenir de façon distincte une réparation de leurs souffrances physiques et morales, les victimes devaient rapporter la preuve que leur préjudice n’était pas déjà indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent, cette preuve pouvant être difficile à apporter.

Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation retient désormais que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent.

Elle leur permet ainsi d’obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après « consolidation », sans qu’elles aient à fournir la preuve que la rente prévue par le code de la sécurité sociale ne couvre pas déjà ces souffrances.

Autorité des marchés financiers : visites domiciliaires et saisies

16 décembre 2022 – Communiqué / Décision n°1RapportAvis / Décision n°2Rapport - Avis

Lorsque le juge des libertés et de la détention rend une ordonnance autorisant l’Autorité des marchés financiers (AMF) à procéder à des visites domiciliaires et des saisies dans un lieu déterminé, les enquêteurs peuvent saisir les ordinateurs et les téléphones des personnes de passage dans ce lieu dès lors :

  • que le juge des libertés et de la détention a désigné ce lieu comme pouvant faire l’objet d’une visite domiciliaire et de saisies ;
  • et que les objets saisis ont un lien avec l’enquête.

 

Cette solution ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que :

  • ces visites et ces saisies ont fait l’objet d’une autorisation par un juge, qui en assure le contrôle ;
  • elles sont strictement nécessaires à la recherche de l’infraction objet de l’enquête ;
  • les occupants des lieux sont informés de leurs droits ;
  • ces opérations peuvent être contestées devant un premier président de cour d’appel.

Téléphone portable : code de déverrouillage de l’écran d’accueil et cryptologie

7 novembre 2022 – Communiqué / DécisionRapport - Avis

Un « moyen de cryptologie » a pour but de rendre des informations incompréhensibles, afin de sécuriser leur stockage ou leur transmission.

Une « convention secrète de déchiffrement » permet la mise au clair des informations cryptées.

Lorsqu’un téléphone portable est équipé d’un « moyen de cryptologie », le code de déverrouillage de son écran d’accueil peut constituer une « clé de déchiffrement » si l’activation de ce code a pour effet de mettre au clair les données cryptées que l’appareil contient ou auxquelles il donne accès.

Dès lors, si un téléphone portable doté de ces caractéristiques techniques est susceptible d’avoir été utilisé pour la préparation ou la commission d’un crime ou d’un délit, son détenteur, qui aura été informé des conséquences pénales d’un refus, est tenu de donner aux enquêteurs le code de déverrouillage de l’écran d’accueil.

S’il refuse de communiquer ce code, il commet l’infraction de « refus de remettre une convention secrète de déchiffrement ».

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