N°7 - Novembre/décembre 2020 (Contrat de travail, exécution)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°7 - Novembre/décembre 2020 (Contrat de travail, exécution)

Travailleurs transfrontaliers, certificats UE E101/A1 et travail dissimulé

Soc., 4 novembre 2020, pourvois n° 18-24.451 et s., FS-P+B+R+I

Sommaire 1 :

Il résulte des articles 13 § 2, sous a), et 14, points 1, sous a), 2, du règlement (CEE) n°1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, des articles 11 § 1 et 12 bis, points 1, sous b), 2 et 4, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/2009 de la Commission, du 9 février 2009, ainsi que des articles 11 § 3, sous a), 12 § 1 et 13 § 1 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et des articles 15 § 1, 16 § 2 et 19 § 2 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004, que, en l'absence de certificat E101/A1 résultant d'un refus de délivrance ou d'un retrait par une institution compétente, seule s'applique la législation de l'Etat membre où est exercée l'activité salariée.

 

Sommaire 2 :

Il résulte des articles L.8222-3, 3°, du code du travail et L.8222-5, alinéas 1 et 2, de ce code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice, informée de l'intervention de salariés, employés par une entreprise de travail temporaire, en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L.8221-5 de ce code, d'enjoindre aussitôt à celle-ci de faire cesser sans délai cette situation. A défaut, elle est tenue solidairement avec l'entreprise de travail temporaire au paiement des indemnités pour travail dissimulé.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Contrat de mission : contrôle du caractère par nature temporaire de l’emploi sous peine de requalification en CDI

Soc., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-11.402, FS-P+B+I

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 124-2, alinéa 1, devenu l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon les articles L. 124-2, alinéa 2, L. 124-2-1 et D. 124-2 devenus les articles L. 1251-6 et D.1251-1 du même code, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » pour certains des emplois en relevant lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats de mission successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.

Il résulte de l'application combinée de ces textes, que le recours à l'utilisation de contrats de missions successifs impose de vérifier qu'il est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Doit être approuvé, l'arrêt qui requalifie la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du premier contrat de mission irrégulier au motif que l'entreprise utilisatrice, qui avait ensuite directement recruté le salarié au moyen de contrats à durée déterminée d'usage successifs, ne produisait aucun élément permettant au juge de contrôler de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

 

Commentaire :

Pour la première fois, la chambre sociale transpose par cet arrêt, aux contrats de mission successifs, les solutions bien établies et réaffirmées qu’elle a dégagées à propos de la succession des contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs des dockers occasionnels (Soc., 23 janvier 2008, pourvoi n° 06-44.197, Bull. 2008, V, n° 16 ; Soc., 23 janvier 2008, pourvoi n° 06-43.040, Bull. 2008, V, n° 16). Pour mémoire, la jurisprudence précitée de 2008 avait été rendue par application du droit national, soutenu par le droit de l’Union au travers de l’accord-cadre relatif au travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 mis en œuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999

Au visa des articles L. 124-2, alinéa 2, L. 124-2-1 et D. 124-2 du code du travail, devenus L.1251-5, L. 1251-6 et D. 1251-1 du même code, la chambre sociale précise à cet égard qu’il appartient aux juges de fond de vérifier in concreto que l’employeur justifie le recours aux contrats de mission successifs par des raisons objectives établissant le caractère temporaire de l’emploi concerné.

Contrat de mission : délai de carence, requalification et condamnation in solidum

Soc., 12 novembre 2020, pourvoi n°18-18.294, FS-P+B+I

Sommaire :

Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite n'ont pas été respectées.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015,  et de l'article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité.

Doit, en conséquence, être approuvée la cour d'appel qui, ayant fait ressortir que l'entreprise de travail temporaire avait conclu plusieurs contrats de mission au motif d'un accroissement temporaire d'activité sans respect du délai de carence, en a exactement déduit, d'une part, que la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire devait être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée, et, d'autre part, que le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, cette dernière  devait être condamnée in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que l’inobservation des règles relatives au délai de carence encadrant le recours à une succession de contrats de mission, pour pourvoir un même poste, place l’entreprise de travail temporaire hors du champ du travail temporaire et entraîne, notamment, la requalification de la relation contractuelle entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée (Soc., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-16.362, Bull. 2014, V, n° 145). Pour ce faire, il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement si un manquement peut être imputé à l'entreprise de travail temporaire dans l'établissement des contrats de mise à disposition (Soc., 14 février 2018, pourvoi n° 16-21.940, Bull. 2018, V, n° 29).

Elle décide en outre, dans la lignée de sa jurisprudence bien établie (Soc., 20 décembre 2017, pourvoi n° 15-29.519, Bull. 2017, V, n° 228), d’approuver la condamnation in solidum de l’entreprise de travail temporaire – le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par cette dernière par aux obligations qui lui sont propres, parmi lesquelles son obligation de conseil, dans l’établissement des contrats de mission – avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de cette requalification, l’entreprise utilisatrice restant toutefois seule débitrice de l’indemnité de requalification.

La chambre sociale maintient donc sa jurisprudence fondée, d’une part, sur la particularité de la relation triangulaire existant entre le salarié, l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice et, d’autre part, sur le croisement des règles du code du travail et celles du code civil.

Coemploi : maintien d’une qualification d’exception

Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769, FS-P-B-R-I

Sommaire :

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

 

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.