N°5 - Juin/juillet 2020 (Contrat de travail, exécution)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°5 - Juin/juillet 2020 (Contrat de travail, exécution)

Grève dans les transports publics terrestres de voyageurs : quelle retenue s’applique ?

Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-13.767, FS-P+B

Si l’article L. 2512-5 du code du travail, complété par l’article 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 relative aux retenues pour absence de service fait par les personnels de l’État, des collectivités locales et des services publics, s’applique de manière générale aux retenues effectuées sur les rémunérations des personnels des établissements privés chargés dun service public, il en va autrement lorsquun texte spécifique pvoit un autre mode de calcul de ces retenues pour un service public particulier, en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel n° 87-230 du 28 juillet 1987.

S’agissant des transports terrestres de voyageurs, larticle L. 1324-11 du code des transports, issu de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres guliers de voyageurs, prévoit que « la rémunération dun salarparticipant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l'exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève ».

Il en résulte que cest à bon droit que le conseil de prud’hommes a dit que l’employeur était fondé à appliquer une retenue sur salaire proportionnelle aux heures non travaillées en raison de la grève en application de l’article L. 1324-11 du code des transports.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que la retenue sur salaire pour cessation concertée du travail dans un établissement privé chargé de la gestion dun service public de transport terrestre de voyageurs doit être calculée selon les dispositions de l’article L. 1324-11 du code des transports, et non selon celles de l’article L. 2512-5 du code du travail complées par l’article 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982, dispositions s’appliquant de manière générale aux personnels des établissements privés chargés d’un service public.

En effet, l’article L. 1324-11 du code des transport, issu de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, est un texte spécifique à ce service public particulier, si bien qu’il prime sur lapplication des dispositions de droit commun du droit du travail. C’est donc une retenue strictement proportionnelle qui doit être pratiquée.

Harcèlement sexuel : quel contrôle de la Cour de cassation ?

Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.410, FS-P+B

Il résulte des dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement sexuel, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments psentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarétablit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

connaît cette gle de preuve la cour dappel qui retient que les éléments produits par la salariée ne laissent pas présumer lexistence dun harcèlement sexuel, sans prendre en considération, parmi les éléments invoqués par celle-ci, l’avertissement prononcé à l’encontre de son supérieur hiérarchique pour comportement inapproprié vis à vis de sa subordonnée.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur la question du contrôle, par la Cour de cassation, de la caractérisation par les juges du fond de faits constitutifs de harlement sexuel.

Dans ses arrêts du 24 septembre 2008 (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-45.794, Bull. 2008, V, n° 175 ; Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-43.504, Bull. 2008, V, n° 175 ; Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-45.579, Bull. 2008, V, n° 175), commentés au rapport annuel de la Cour de cassation, la chambre sociale a précisé la démarche que devaient suivre les juges du fond en matière de preuve du harlement, en énonçant que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harlement, il appartient au juge dapprécier si ces éments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harlement, et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harlement.

La chambre sociale sest dabord réservée le contrôle de la caractérisation du harlement. Puis, dans un arrêt rendu le 8 juin 2016, dans une affaire où était en litige l’existence d’un harlement moral, elle a modifié l’étendue de son contrôle (Soc., 8 juin 2016, pourvoi n° 14-13.418, Bull. 2016, V, n° 128, publié au Rapport annuel). Ainsi, sans remettre en cause le contrôle sur la bonne application par les juges du fond de la règle probatoire, la chambre sociale leur laisse désormais le soin dapprécier souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harlement.

La chambre sociale reprend ici cette jurisprudence en l’appliquant aux faits de harlement sexuel dès lors que le régime de la preuve est le même dans les deux cas.

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