N°22 - Novembre/décembre 2023 (Syndicats professionnels)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Exécution du contrat de travail / Rupture du contrat de travail / Syndicats professionnels / Action en justice / QPC).

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Syndicat, intérêt collectif de la profession, égalité de traitement et recevabilité de l’action en justice (deux arrêts)

Soc., 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-11.238, FS-B

Sommaire

Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui juge que relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, l'action d'un syndicat, fondée sur le principe d'égalité de traitement, tendant d'une part à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, et d'autre part, à mettre fin à l'inégalité invoquée, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.

Soc., 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-14.807, FS-B

Sommaire

Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.

Dès lors, doit être approuvée la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, cette action collective du syndicat tendant à la modification de la situation individuelle des salariés concernés.

En revanche, encourt la cassation la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ainsi qu'à condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, cette action collective du syndicat ne tendant pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés.

 

Commentaire commun aux deux arrêts

Dans ces deux affaires, était contestée l’existence d’un intérêt collectif des syndicats à agir sur le fondement du principe d’égalité de traitement pour obtenir, dans la première affaire (pourvoi 22-11.238), des augmentations générales de salaire revalorisées et, dans la seconde affaire (pourvoi 22-14.807), le paiement d’une prime de treizième mois à certains salariés n’en bénéficiant pas.

La recevabilité de l’action collective d’un syndicat en matière d’égalité de traitement, déjà admise depuis 2013 (Soc., 12 février 2013, pourvoi n° 11-27.689, Bull. 2013, V, n° 36) ne faisait guère difficulté.

En revanche, la réponse aux pourvois est l’occasion pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, à l’aune de l’évolution de sa jurisprudence depuis 2013, de séparer les demandes relevant effectivement de l’intérêt collectif de la profession de celles qui relèvent de la sphère individuelle des salariés et ne peuvent donc pas être présentées par un syndicat. Cette distinction entre les demandes relevant de l’action des syndicats de celles ne relevant que de la liberté individuelle des salariés permet également de prévenir de nombreuses difficultés, tant pour l’application des règles de prescription que pour l’exécution des décisions de justice.

Dans la ligne d’arrêts récents (Soc., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-11.495, Bull. 2017, V, n° 131 ; Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 19-18.226, publié ; Soc., 30 mars 2022, pourvois n° 20-15.022 et 20-17.230, publié ; Soc., 6 juillet 2022, pourvoi n° 21-15.189, publié), la Chambre sociale écarte la possibilité pour le syndicat de demander au juge d’enjoindre à l’employeur de procéder à des régularisations de situations individuelles, en précisant que cela empiéterait sur la liberté personnelle des salariés, à laquelle la Chambre sociale a déjà fait expressément référence dans une décision de non-lieu à renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (Soc., 20 avril 2023, QPC n° 23-40.003, publié).

La Chambre sociale admet toutefois que la demande du syndicat puisse, dans son principe même, viser le passé, à condition qu’elle ne porte que sur la réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession. Elle admet également que le syndicat puisse demander pour l’avenir qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin de façon générale à l’irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

Les arrêts sont cités dans le podcast « La Sociale Le Mag » n° 23, janvier 2024, Décryptage.

Syndicat, intérêt collectif de la profession, égalité de traitement et comparaison de l’évolution de la rémunération

Soc., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-11.676, FS-B+R

Sommaire 

Il résulte de l'article L. 2141-5-1 du code du travail et de l'exposé des motifs de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, combinés aux articles L. 3141-24, alinéa 1, L. 3121-63, L. 2241-8, alinéa 1, et L. 2241-9 du code du travail, qu'en l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés à l'article L. 2141-5-1 du code du travail au moins aussi favorables, la comparaison de l'évolution de leur rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 de ce code, au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise, doit être effectuée annuellement.

Encourt dès lors la cassation la cour d'appel, qui, pour débouter un syndicat de ses demandes fondées sur la violation des dispositions de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, retient que l'employeur a examiné l'évolution de la rémunération du salarié en lui attribuant à la fin de ses mandats des points de compétence en se fondant sur la moyenne des points attribués, durant toute la période de ses mandats, aux salariés inclus dans le panel de comparaison.

Il résulte de l'article L. 2141-5-1 du code du travail, de l'étude d'impact relative à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ayant créé ce texte, ainsi que des travaux parlementaires, que les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable, au sens de ce texte, sont ceux qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l'entreprise pour le même type d'emploi, engagés à une date voisine ou dans la même période.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation.

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