N°22 - Novembre/décembre 2023 (Action en justice)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Exécution du contrat de travail / Rupture du contrat de travail / Syndicats professionnels / Action en justice / QPC).

  • Contrat
  • Travail
  • contrat de travail
  • contrat de travail, rupture
  • syndicat professionnel
  • action en justice

Droit à la preuve et secret médical

Soc., 20 décembre 2023, pourvoi n° 21-20.904, FS-B

Sommaire

Aux termes de l'article L.1110-4, alinéa 2, du code de la santé publique, le secret médical couvre l'ensemble des informations concernant la personne venue à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Il résulte de ce texte et de l'article L.1234-1 du code du travail que la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi.

Commentaire

Cette affaire pose la question de savoir si un salarié peut produire des pièces couvertes par le secret médical, sans méconnaître le secret professionnel auquel il est soumis.

La Chambre sociale juge qu'un salarié peut produire en justice pour assurer sa défense les documents de l'entreprise dont il a connaissance à l'occasion de ses fonctions, même couverts par le secret professionnel, dès lors que cela est strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense du salarié dans le litige l'opposant à son employeur (Soc, 5 juillet 2011, pourvoi n° 09-42.959).

Le présent arrêt affirme que la production des pièces couvertes par le secret médical doit, à la fois, être indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi.

Son apport est donc double. D'une part, il n'évoque plus les droits de la défense du salarié, ce qui signifie que l'employeur peut également se prévaloir de son droit à la preuve pour produire des éléments couverts par le secret médical. D'autre part, il introduit un contrôle de proportionnalité, s'agissant de pièces qui portent sur des données personnelles. En effet, pour ces pièces, l'arrêt de la CJUE du 2 mars 2023 C-268/21 rappelle que « la prise en compte des intérêts en présence s'inscrit dans le cadre de l'examen de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure, qui sont prévues à l'article 6, paragraphes 3 et 4, du RGPD et qui conditionnent la licéité du traitement de données à caractère personnel. À cet égard, il convient donc de tenir également compte de l'article 5, paragraphe 1, de celui-ci, et en particulier du principe de la « minimisation des données » figurant au point c) de cette disposition, lequel donne expression au principe de proportionnalité. »

Droit à la preuve et loyauté (deux arrêts)

Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648, B+R

Sommaire

Lorsque le droit à la preuve tel que garanti par l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.

Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 21-11.330, B+R

Sommaire

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Dès lors, une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d’être justifié, de sorte que l’employeur n’est pas fondé à invoquer la méconnaissance de son droit à la preuve.

Doit en conséquence être approuvé, l'arrêt qui, après avoir constaté que le salarié a été licencié pour faute grave en raison de propos échangés lors d’une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel, en déduit que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire.

Un communiqué de presse commun à ces deux arrêts est disponible sur le site internet de la Cour de cassation.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.