N°21 - Septembre/Octobre 2023 (Rémunération)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Existence du contrat de travail / Contrat à durée déterminée / Rémunération / État de santé, inaptitude / Libertés fondamentales / Rupture du contrat de travail / Élections professionnelles / Représentants du personnel / Convention et accords collectifs / QPC).

  • Droits de l'Homme
  • Santé
  • Travail
  • contrat de travail
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • contrat de travail, rupture
  • conventions et accords collectifs : interprétation et application
  • représentation des salariés
  • conventions collectives

Lettre de la chambre sociale

N°21 - Septembre/Octobre 2023 (Rémunération)

Égalité de traitement : différence de qualification lors de l’embauche et différence de salaire

Soc., 13 septembre 2023, pourvois n° 22-11.338, FR-B

Sommaire

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour débouter un salarié de sa demande de rappel de salaire fondée sur le principe d'égalité de traitement, retient que la différence de qualification lors de l'embauche des deux salariés constitue une raison objective à la différence de salaire, sans préciser en quoi la différence de qualification des salariés, lors de leur engagement en 1999, respectivement en qualité d'assistant journaliste reporter d'images stagiaire et d'assistant journaliste reporter d'images, constituait une raison objective et pertinente justifiant la disparité de traitement dans l'exercice des mêmes fonctions de grand reporter groupe 9 entre juillet 2014 et juin 2015.

 

Commentaire

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, aux termes de laquelle l'expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur ne peut justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'elle est en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées (Soc., 11 janvier 2012, pourvoi n° 10-19.438).

Il précise encore qu’une différence de qualification entre les salariés lors de leur embauche ne peut suffire à constituer une raison objective à la différence de salaire entre ces mêmes salariés quinze années plus tard, alors que ces derniers avaient été engagés sur des postes distincts et qu’après le déroulement de leur carrière ils occupaient les mêmes fonctions.

Participation : assiette de calcul et mi-temps thérapeutique

Soc., 20 septembre 2023, pourvoi n° 22-12.293, FS-B

Sommaire

Il résulte de la combinaison de l'article L. 1132-1 du code du travail et des articles L. 3322-1 et L. 3324-5 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, que la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l'entreprise, de sorte que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'assiette de la participation due à ce salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé.

 

Commentaire

Cet arrêt est l’occasion pour la Chambre sociale de la Cour de cassation de préciser quelle est l’assiette de calcul de la participation due par l’employeur à un salarié qui a travaillé pendant la période de référence, à mi-temps thérapeutique après un accident du travail.

En l’espèce, l’accord de participation fixait la répartition de la participation aux bénéfices de l’entreprise entre les salariés en fonction de la durée de présence effective ou assimilée dans l’entreprise.

Si l’article L. 3324-6, 2°, du code du travail prévoit que, pour la répartition de la réserve spéciale de participation, sont assimilés à des périodes de présence, quel que soit le mode de répartition retenu par l’accord de participation, les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, aucune disposition n’est prévue pour les salariés en mi-temps thérapeutique.

En considération de l’objet de la participation, défini à l’article L. 3322-1 du code du travail, qui est de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise, de l’interdiction des discriminations en raison de l’état de santé posée à l’article L. 1132-1 de ce code et des règles de répartition de la réserve spéciale de participation énoncées à l’article L. 3324-5 dudit code, la Cour de cassation a jugé que la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l'entreprise.

Elle en déduit que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'assiette de la participation due au salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé.

La Cour de cassation adopte ainsi une position similaire à celle retenue pour le calcul de l’indemnité d’éviction lorsque le licenciement du salarié, victime d’un accident du travail et dont le contrat de travail est suspendu, est nul (Soc., 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-16.448) et pour le calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur lorsque le salarié protégé a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction (Soc., 1er juin 2023, pourvoi n° 21-21.191, publié).

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et égalité de traitement entre salariés permanents et salariés intérimaires

Soc., 25 octobre 2023, pourvoi n° 21-24.161, FS-B

Sommaire

Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l’article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place dans l’entreprise utilisatrice en application de l’article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

 

Commentaire

La Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur l’application du principe d’égalité de traitement entre salariés intérimaires et salariés permanents, quant au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA).

La PEPA, créée par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales, et exonérée d’impôt sur le revenu et de toutes cotisations et contributions sociales, est mise en place soit par accord collectif, soit par décision unilatérale de l’employeur.

Au cas précis, les entreprises utilisatrices concernées ont, par décisions unilatérales, prévu l’octroi de cette prime à leurs seuls salariés permanents, en excluant expressément les salariés intérimaires de son bénéfice.

Les premiers juges ont, sur le fondement de ces décisions unilatérales, rejeté les demandes en paiement présentées par ou pour le compte des salariés intérimaires.

L’article L. 1251-18 du code du travail, qui renvoie à l’article L. 1251-43 du même code, consacre l’égalité de traitement entre salariés permanents et salariés intérimaires en posant pour règle que la rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l’article L. 1251-43, cette disposition prévoyant que le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié comporte le montant de la rémunération avec ses différentes composantes, y compris, s’il en existe, les primes et accessoires de salaire que percevrait dans l’entreprise utilisatrice, après période d’essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

Par ailleurs, la loi susvisée ne contient pas de disposition relative à la situation des salariés intérimaires quant au bénéfice de la PEPA au sein de l’entreprise utilisatrice.

Par conséquent, les salariés intérimaires ne peuvent être exclus de ce dispositif de versement d’une prime, constitutive d’un élément de rémunération.

La Chambre sociale censure les jugements attaqués, en jugeant que la PEPA aurait dû être versée aux salariés intérimaires de la même façon qu’elle l’a été aux salariés permanents de cette entreprise, au regard du principe d’égalité de traitement.

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et possibilité de cumul au profit des salariés intérimaires

Soc., 25 octobre 2023, pourvoi n° 22-21.845, FS-B

Sommaire

Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l’article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place dans l’entreprise utilisatrice en application de l’article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

Le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat versée en exécution de son engagement unilatéral au profit de ses salariés permanents et temporaires, ne dispense pas l’entreprise de travail temporaire du paiement, en application de l’article L. 1251-18 du code du travail, de celle instituée au sein de l’entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer.

 

Commentaire

Le présent arrêt pose la question de la possibilité pour un salarié intérimaire de percevoir, à la fois, la prime PEPA instituée par l’entreprise de travail temporaire pour ses propres salariés, avec celle instituée par l’entreprise utilisatrice.

La Chambre sociale de la Cour de cassation répond par l’affirmative, puisque les fondements juridiques des PEPA sont distincts (le contrat de travail le liant à l’entreprise de travail temporaire, d’une part, et l’application du principe d’égalité de traitement dans le cadre duquel sa rémunération a été comparée à celle des salariés permanents au sein de l’entreprise utilisatrice, d’autre part).

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