N°21 - Septembre/Octobre 2023 (Durée du travail)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Existence du contrat de travail / Contrat à durée déterminée / Rémunération / État de santé, inaptitude / Libertés fondamentales / Rupture du contrat de travail / Élections professionnelles / Représentants du personnel / Convention et accords collectifs / QPC).

  • Droits de l'Homme
  • Santé
  • Travail
  • contrat de travail
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • contrat de travail, rupture
  • conventions et accords collectifs : interprétation et application
  • représentation des salariés
  • conventions collectives

Lettre de la chambre sociale

N°21 - Septembre/Octobre 2023 (Durée du travail)

Congé payé et maladie non professionnelle

Soc., 13 septembre 2023, pourvois n° 22-17.340, FP-B+R

Sommaire

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat.

S'agissant d'un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, les dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail, qui subordonnent le droit à congé payé à l'exécution d'un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l'Union. Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale.

Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif  l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.

Une note explicative de cet arrêt et un communiqué de presse sont disponibles sur le site internet de la Cour de cassation.

L’arrêt est par ailleurs cité dans le podcast thématique « congé payé » « La Sociale Le Mag » n° 22, décembre 2023.

Indemnité de congé payé : base de calcul, prescription et période d’éviction en cas de nullité du licenciement

Soc., 13 septembre 2023, pourvois n° 22-10.529 et 22-11.106, FP-B+R

Sommaire n° 1

La rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de congé payé est la rémunération totale du salarié, incluant les primes et indemnités versées en complément du salaire si elles sont versées en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Viole la loi la cour d'appel qui retient que la correction de copies et les soutenances "LP" ne doivent pas être intégrées dans le calcul de l'indemnité de congé payé, alors que les rémunérations correspondantes sont versées en contrepartie ou à l'occasion du travail.

 

Sommaire n° 2

Lorsque l'employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.

 

Sommaire n° 3

Le salarié, dont le licenciement est nul en application de l'article L. 1151-3 du code du travail, peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail, sauf lorsqu'il a occupé un autre emploi durant cette période.

Une note explicative de ces arrêts et un communiqué de presse sont disponibles sur le site internet de la Cour de cassation.

Les arrêts sont par ailleurs cités dans le podcast thématique « congé payé » « La Sociale Le Mag » n° 22, décembre 2023.

Congé payé annuel, congé parental et report de droits

Soc., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-14.043, FP-B

Sommaire

Il résulte des articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, portant application de l'accord-cadre révisé sur le congé parental, que lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année de référence en raison de l'exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.

 

Commentaire

La Chambre sociale de la Cour de cassation excluait la possibilité pour un salarié de reporter des droits à congés payés acquis et non exercés à la fin d’un congé parental (Soc., pourvoi n° 01-46.314, Bull., V, n° 32).

Cette jurispridence se heurtait, à la fois, aux dispositions de la clause 5, point 2, de l’accord-cadre révisé sur le congé parental figurant à l’annexe de la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, et à la jurisprudence de la CJUE (CJUE, arrêt du 16 juillet 2009, Gomez-Limon Sanchez-Camacho, C-537/07, point 39 ; CJUE, arrêt du 22 octobre 2009, Meerts, C-116/08, points 37-38-39 ; CJUE, arrêt du 22 avril 2010, Land Tirol, C-486/08, points 50 et s.).

Le présent arrêt du 13 septembre 2023 constitue donc un revirement de jurisprudence, par lequel la Chambre sociale, interprétant les dispositions de droit interne à la lumière de la directive précitée, assure la conformité du droit interne avec le droit de l’Union.

Cette solution est désormais consacrée par la loi puisque l’article L. 1225-54, al. 3, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, dispose que « le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de son congé ».

Temps de travail effectif et temps de déplacement professionnel des salariés itinérants

Soc., 25 octobre 2023, pourvoi n° 20-22.800, FS-B

Sommaire

Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code.

Doit être approuvée la cour d’appel qui, ayant retenu, en premier lieu, que le contrôle de l’employeur quant au respect des plannings, à l’optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisait pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l’employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu’il prenait l’initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l’employeur n’étant que rétrospectifs et se justifiant par la mise en place d’un dispositif d’indemnisation des trajets anormaux, que le salarié pouvait choisir les soirées étapes au-delà d’une certaine distance et que cette prescription n’avait pas pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l’employeur mais d’éviter de trop longs trajets, et qu’un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation, en second lieu, que le salarié ne caractérisait pas l’importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, ce dont elle a pu en déduire que l’accomplissement de ces tâches ne conférait pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l’employeur lui allouât une indemnité mensuelle, en a déduit que les temps de trajet entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituaient pas du temps de travail effectif.

 

Commentaire

Affinant sa jurisprudence sur la notion de temps de travail effectif, notamment dans la situation des salariés itinérants confrontés à des problématiques de temps de déplacement professionnel, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur des questions inédites tenant à l’incidence de la surveillance exercée par l’employeur sur ces temps de déplacement (avec au cas précis un système de géolocalisation installé dans les véhicules de service) et sur la qualification du domicile comme lieu de travail dès lors que les salariés itinérants y accomplissent des tâches professionnelles (ici des tâches administratives).

Ainsi, elle approuve la cour d’appel :

- D’avoir retenu que les salariés pouvaient vaquer librement à des occupations personnelles pendant leurs temps de déplacement professionnel entre leur domicile et les sites des premiers et derniers clients, notamment en tenant compte de la possibilité, pour les intéressés, de couper le dispositif de géolocalisation et du fait que le contrôle de l’employeur était rétrospectif,

- Et d’avoir écarté la qualification en lieu de travail du domicile des intéressés, qui aurait pu, si elle avait été retenue, emporter la qualification en temps de travail effectif des temps de déplacement entre deux « lieux de travail », notamment au regard du faible volume des tâches accomplies par les intéressés à leur domicile.

Les juges du fond doivent procéder à une vérification concrète de l’exécution de la prestation fournie par le salarié. La Chambre sociale confirme, par ailleurs, le contrôle lourd exercé sur la qualification en temps de travail effectif des temps de déplacement professionnel, qu’elle avait retenu dans l’arrêt rendu le 23 novembre dernier en plénière de chambre (Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 20-21.924, publié).

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