N°19 - Mars/Avril 2023 (Rupture du contrat de travail)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat de travail à durée déterminée / Durée du travail / Rupture du contrat de travail / Libertés fondamentales / Représentation du personnel / Statuts particuliers / Action en justice / QPC).

  • Travail
  • contrat de travail à durée déterminée
  • contrat de travail, rupture
  • preuve
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • licenciement pour motif économique
  • harcèlement
  • représentation des salariés
  • salariés à statut particulier (artistes, assistantes maternelles, employés de maison, journalistes, gérants non salariés, dockers...)
  • action en justice

Lettre de la chambre sociale

N°19 - Mars/Avril 2023 (Rupture du contrat de travail)

Licenciement économique : adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et possibilité de précision ultérieure des motifs du licenciement par l’employeur

Soc., 5 avril 2023, pourvoi n° 21-18.636, FS-B

Sommaire :

Il résulte des articles L.1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et R. 1233-2-2 du même code, que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, le document par lequel l'employeur informe celui-ci du motif économique de la rupture envisagée, peut être précisé par l'employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans le délai de quinze jours suivant l'adhésion de ce dernier au dispositif.

 

Commentaire :

L'article L.1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, permet à l'employeur de préciser, dans le délai de 15 jours après la notification du licenciement, les motifs qui avaient été énoncés dans la lettre de licenciement.

Pour la première fois, la chambre répond à la question de savoir si ces dispositions s'appliquent également à la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). La chambre répond par l'affirmative, en indiquant que le délai de 15 jours, qui est laissé à l'employeur pour préciser les motifs du licenciement, court à compter de l'adhésion du salarié au CSP.

En outre, alors qu'une des branches du moyen soutenait que la mention de la suppression du poste ne constitue pas une précision du motif économique, mais la conséquence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié de la cause économique invoquée, il résulte de l’arrêt que cette mention de l'élément matériel du motif économique ne constitue pas l'énonciation d'un nouveau motif ou ne tend pas à compléter le motif initial, mais constitue seulement une précision de celui-ci au sens du texte susvisé.

L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n°17, mai 2023, Actualités.

Congé de reclassement, préavis et modalités de calcul de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-23.092, FS-B

Sommaire :

D'abord, selon l'article 1er, II, 2°, de la loi n°2018-1213 du 24 décembre 2018, le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat qui bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure, peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de critères tels que la rémunération, le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l'année 2018 ou la durée de travail prévue au contrat de travail. Les congés maternité, paternité, adoption et éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective.

Aux termes de la décision unilatérale du 28 janvier 2019 instaurant cette prime au sein de la société Catalent France Beinheim, la prime allouée aux salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail en vigueur au 31 décembre 2018, d'un montant de référence de 800 euros pour les salaires inférieurs à 40 000 euros brut, est versée en conjuguant les deux prorata suivants :

- prorata du temps de travail contractuel pour les salariés à temps partiel,

- prorata au temps de présence pour les personnes entrées au courant de l'année 2018 ou absentes, selon la règle qui suit : 100% du montant pour 12 mois de présence, 80% pour 11 mois, 0 % pour 10 mois et moins.

Ensuite, il résulte de la combinaison des articles L. 1233-72 et L. 1234-5 du code du travail que, d'une part, si le salarié en congé de reclassement demeure salarié de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé, la période de congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à du temps de travail effectif et, d'autre part, le salarié en congé de reclassement a droit au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour la période correspondant à celle du préavis, même si la décision unilatérale de l'employeur proratise le bénéfice de cette prime au temps de présence effective dans l'entreprise.

Doit en conséquence être censuré le jugement qui condamne l'employeur à payer au salarié une somme correspondant à l'intégralité de la prime litigieuse pour l'année 2018, alors que le conseil de prud'hommes constatait que la période du congé de reclassement correspondant à celle du préavis expirait le 10 décembre 2018, de sorte que la prime devait être proratisée pour un montant correspondant à 80 % du montant de référence.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, se pose la question du bénéfice (et des modalités de calcul) de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat au profit d’un salarié en congé de reclassement, lorsque cette prime est soumise à un critère de modulation tirée de la présence effective du salarié dans l’entreprise.

La chambre sociale de la Cour de cassation juge que les salariés en congé de reclassement demeurent salariés de l’entreprise jusqu’à l’issue du congé (Soc. 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-18.936). Cependant, le congé de reclassement ne constitue pas une période de travail effectif (Soc. 23 mai 2017, pourvoi n° 16-12.369) et il n’est pas légalement assimilé à une telle période (Soc. 1er juin 2022, pourvoi n° 20-16.404).

En revanche, l’article L. 1234-5 du code du travail prévoit que l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense de l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’exécution du préavis. Dès lors, la dispense de préavis par l’employeur n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s’il avait accompli son travail (Soc., 4 mars 1998, pourvoi n° 95-42.858, Bull. 1998, V, n° 117).

Par cet arrêt, la chambre sociale décide, pour la première fois s’agissant de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, que cette prime est due au salarié en congé de reclassement, mais seulement pour la période du congé correspondant à celle du préavis.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.