N°19 - Mars/Avril 2023 (Représentation du personnel)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat de travail à durée déterminée / Durée du travail / Rupture du contrat de travail / Libertés fondamentales / Représentation du personnel / Statuts particuliers / Action en justice / QPC).

  • Travail
  • contrat de travail à durée déterminée
  • contrat de travail, rupture
  • preuve
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • licenciement pour motif économique
  • harcèlement
  • représentation des salariés
  • salariés à statut particulier (artistes, assistantes maternelles, employés de maison, journalistes, gérants non salariés, dockers...)
  • action en justice

Lettre de la chambre sociale

N°19 - Mars/Avril 2023 (Représentation du personnel)

Représentation élue du personnel

CSE : domaine de l’exclusion de la consultation du CSE en présence d’un accord de GPEC

Soc., 29 mars 2023, pourvoi n° 21-17.729, FS-B+R

Sommaire :

En application de l'article L. 2312-14, alinéa 3, du code du travail, interprété à la lumière des articles 1er, § 2, et 5 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, si, en présence d'un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le comité social et économique n'a pas à être consulté sur cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques, sont, en revanche, soumises à consultation les mesures ponctuelles intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise au sens de l'article L. 2312-8 du code du travail, notamment celles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en œuvre de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation.

 

CSE : prise en charge des frais de l’expert-comptable désigné pour l’examen du rapport sur l’accord de participation

Soc., 5 avril 2023, pourvoi n° 21-23.427, FS-B

Sommaire :

Selon l'article D. 3323-14 du code du travail, lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation, il peut se faire assister par l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.

Ces dispositions de l'ancien article L. 2325-35 du code du travail, relatives au recours à un expert-comptable par le comité d'entreprise, désormais abrogé, auxquelles renvoie l'article D. 3323-14 précité, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l'entreprise » précisant, à l'ancien article L. 2315-40, que l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise.

Il résulte de ces textes et des articles L. 2315-80 et L. 2315-81 du code du travail que l'expertise, décidée par le comité social et économique appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation devant lui être présenté par l'employeur, en application de l'article D. 3323-13 du code du travail, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'article L. 2315-88 du code du travail et ne relève pas du champ d'application de l'article L. 2315-81 du même code. En conséquence, l'expert-comptable désigné par le comité social et économique en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur selon les modalités de l'article L. 2315-80, 1°, du code du travail.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la prise en charge des frais d’expertise de l’expert-comptable désigné par le comité social et économique pour l’assister à l’occasion de l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation, en application de l’article D. 3323-14 du code du travail.

Constatant que cette expertise participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du code du travail et ne relève pas du champ d’application de l’article L. 2315-81 du même code, la Cour de cassation en déduit que l’intégralité des frais d’expertise de l’expert-comptable doit être prise en charge par l’employeur selon les modalités de l’article L. 2315-80, 1°, du code du travail.

Représentation désignée du personnel

Désignation du délégué syndical : la renonciation prévue a l’article l. 2143-3 al. 2 du code du travail est celle des candidats ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles

Soc., 5 avril 2023, pourvoi n° 21-24.752, FR-B

Sommaire :

La renonciation au droit d'être désigné délégué syndical, prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail, est celle des candidats présentés par l'organisation syndicale aux dernières élections professionnelles ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale apporte une précision supplémentaire sur les conditions de la renonciation écrite des élus ou des candidats au droit d’être désigné délégué syndical.

Afin de renforcer la légitimité électorale des délégués syndicaux, l'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, prévoit que, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, les délégués syndicaux sont désignés parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés.

Toutefois, pour ne pas compromettre la présence de délégués syndicaux dans les entreprises en soumettant toute désignation à une condition de score électoral, l’alinéa 2 prévoit des possibilités de désignation subsidiaire. Ainsi, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit ces conditions ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les mêmes conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent lesdites conditions renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

La chambre sociale avait déjà précisé la portée de ces nouvelles dispositions dans un arrêt du 8 juillet 2020 (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-14.605, publié), en énonçant que, lorsque tous les élus ou tous les candidats qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents ou l'un de ses anciens élus.

En l’espèce, le pourvoi soutenait que la désignation d'un adhérent du syndicat en qualité de délégué syndical ne pouvait intervenir qu'après renonciation écrite de l'ensemble des candidats, y compris ceux n'ayant pas obtenu au moins 10% des suffrages exprimés.

Toutefois, la règle de renonciation écrite ne visant qu'à garantir, en considération de leur légitimité électorale, une priorité de désignation des candidats ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés, l'arrêt énonce que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail est celle des candidats présentés par l'organisation syndicale aux dernières élections professionnelles ayant recueilli un tel suffrage.

 

Désignation du délégué syndical : désignation d’un adhérent lorsque le syndicat ne dispose plus de candidats en mesure d’exercer un mandat de délégué syndical

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-60.127, FS-B

Sommaire :

Le syndicat qui ne dispose plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit peut désigner l'un de ses adhérents conformément aux dispositions de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail.

Ne donne pas de base légale à sa décision le tribunal qui, pour annuler la désignation par un syndicat d'un adhérent en qualité de délégué syndical, ne recherche pas comme il était soutenu si le candidat du syndicat ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles avait renoncé à l'activité syndicale et ne cotisait plus au syndicat depuis plus de deux ans.

 

Commentaire :

Dans cet arrêt, la chambre sociale précise les conditions requises pour qu’un syndicat puisse désigner, en application des dispositions subsidiaires de l’article L. 2143-3 al. 2 du code du travail, un simple adhérent.

La chambre sociale juge que lorsque les candidats présents sur les listes d’un syndicat ont quitté l’entreprise, démissionné de leurs fonctions de délégué syndical et rejoint une autre organisation syndicale (Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 12-18.828, Bull. 2013, V, n° 67) ou lorsqu’ils ne cotisent plus depuis plus d’une année à l’organisation syndicale en cause (Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 13-20.398), celle-ci ne dispose plus de candidats en mesure d’exercer un mandat syndical à son profit et peut désigner l’un de ses adhérents.

Le présent arrêt s’inscrit dans la continuité de cette jurisprudence. Le tribunal judiciaire avait annulé la désignation du délégué syndical en retenant que l’un des candidats, qui remplissait les conditions pour être désigné, n’avait pas renoncé à son droit d’être désigné délégué syndical.

La chambre sociale rappelant le souhait du législateur d'éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises, censure les premiers juges pour ne pas avoir recherché, comme il était soutenu, si le candidat avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l’organisation syndicale et s’il était ainsi encore en mesure d’exercer un mandat syndical au profit de celle-ci.

L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n°17, mai 2023, Décryptage.

 

Désignation du délégué syndical : la renonciation au droit d’être désigné délégué syndical par le salarié ne prive pas l’organisation syndicale représentative de le designer à nouveau au cours du même cycle électoral

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-23.348, FS-B

Sommaire :

La renonciation par l'élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d'être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail, n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l'auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale précise les effets dans le temps de la renonciation au droit d’être désigné délégué syndical.

En l’espèce, l'employeur contestait la désignation d’une salariée en qualité de délégué syndical en soutenant qu’elle ne pouvait pas revenir, au cours du même cycle électoral, sur sa renonciation et qu'elle ne pouvait plus être désignée en qualité de délégué syndical en remplacement d'un salarié dont le mandat avait pris fin.

Mais la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en énonçant que la renonciation n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner en qualité de délégué syndical ultérieurement, et au cours du même cycle électoral, le salarié qui avait renoncé.

Cette solution s'explique par la volonté d'éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises et par la prise en compte des situations individuelles des salariés qui peuvent évoluer considérablement au cours d'un même cycle électoral.

L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n°17, mai 2023,, Décryptage.

 

Désignation du délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés : désignation d’un membre du CSE élu sur les listes d’un autre syndicat

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-17.916, FS-B

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

Selon une jurisprudence établie de la Cour au visa des dispositions similaires antérieures de l'article L. 412-11 du code du travail, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical dans les entreprises employant moins de cinquante salariés un délégué du personnel dont la candidature a été présentée par un autre syndicat (Soc., 6 juillet 1999, pourvoi n° 98-60.329, Bull. 1999, V, n° 336; Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107).

Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, s'agissant de la condition d'un score personnel de 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat (Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104).

Par ailleurs, la Cour admet qu'un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, puisse être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, publié).

Enfin, le rôle désormais dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises suppose que la désignation d'un délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne soit pas subordonnée à des conditions inappropriées.

Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais qu'en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du code du travail, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.

Méconnaît la portée de l'article L. 2143-6 du code du travail le tribunal qui retient d'une part que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs ne peuvent désigner comme délégué syndical qu'un élu titulaire dont la candidature a été présentée par son syndicat ou un candidat libre, d'autre part que dans une société qui emploie quarante-trois salariés, un salarié, élu membre titulaire au comité social et économique sur une liste établie par le syndicat CFTC, ne peut pas être désigné en qualité de délégué syndical par le syndicat CFDT .

 

Commentaire :

Les syndicats représentatifs peuvent, dans les entreprises de moins de 50 salariés, désigner un délégué syndical parmi les membres élus du comité social et économique. Mais ces délégués syndicaux, contrairement aux délégués syndicaux dans les entreprises dont l'effectif est d’au moins 50 salariés, ne bénéficient pas d'heures de délégation au titre de leur mandat syndical et doivent utiliser, pour l'exercice de ce mandat, les heures de délégation dont ils bénéficient au titre de leur mandat d'élu au comité social et économique.

En raison de cette absence d'heures de délégation propre au délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la chambre sociale de la Cour de cassation n'admettait pas qu'un salarié présenté sur la liste d'un syndicat puisse être désigné en qualité de délégué syndical par un autre syndicat (Soc., 2 novembre 1994, pourvoi n° 94-60.008). Elle l'admettait toutefois lorsque le salarié avait été élu au second tour en candidat libre, sans étiquette syndicale (Soc., 6 juillet 1999, pourvoi n° 98-60.329, Bull. 1999, V, n° 336 ; Soc., 14 mars 2000, pourvoi n° 99-60.180, Bull. 2000, V, n° 107).

Prenant en compte le rôle dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises et la possibilité de désigner comme délégué syndical un membre suppléant du comité social et économique disposant d’un crédit d’heures de délégation,  la chambre sociale fait évoluer sa jurisprudence et applique une solution identique à celle retenue dans les entreprises de plus de cinquante salariés (Soc., 17 avril 2013, pourvoi n° 12-22.699, Bull. 2013, V, n° 104).

Elle décide désormais qu’en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier s'il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat ou qu'il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat.

L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n°17, mai 2023, Décryptage.

 

Désignation d’un représentant de la section syndicale : portée de l’interdiction prévue a l’article l. 2142-1-1 du code du travail de designer à nouveau le salarié qui a perdu son mandat de représentant syndical

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-23.483, F-B

Sommaire :

Il résulte de l'article L. 2142-1-1 du code du travail que l'interdiction de désigner en qualité de représentant d'une section syndicale jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise un salarié, précédemment désigné en qualité de représentant de section syndicale dont le mandat a pris fin lors des dernières élections professionnelles dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise, est opposable à toute organisation syndicale non représentative dans l'entreprise, qu'elle soit ou non celle ayant précédemment désigné le salarié en qualité de représentant de section syndicale.

 

Commentaire :

Le mandat de représentant de section syndicale prévu par l’article L. 2142-1-1 du code du travail a été créé par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 pour donner la possibilité aux organisations syndicales de devenir représentatives.

Ce mandat permet aux syndicats non représentatifs d’avoir une activité syndicale en vue de préparer les prochaines élections dans l’espoir de franchir le seuil de 10 % des suffrages en faveur de leur syndicat, ce qui permettra alors à celui-ci, devenu représentatif, de désigner un délégué syndical.

Le mandat de représentant de section syndicale prend fin à l'issue des premières élections professionnelles suivant la désignation du salarié. Si le syndicat n’est pas devenu représentatif, le salarié désigné par lui et qui perd son mandat ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant de section syndicale jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes.

Par cet arrêt, la chambre sociale précise la portée de cette interdiction en adoptant une interprétation stricte de la loi et énonce que l’interdiction d’une nouvelle désignation est opposable à toute organisation syndicale non représentative dans l’entreprise, qu’elle soit ou non celle ayant précédemment désigné le salarié en qualité de représentant de section syndicale.

Moyens des représentants du personnel

Utilisation du crédit d’heures de délégation et office du juge des référés

Soc., 5 avril 2023, pourvoi n° 21-17.851, FS-B

Sommaire n° 1 :

Si l'employeur ne peut exiger devant le juge des référés la justification de l'utilisation des heures de délégation, il peut saisir avant contestation cette juridiction pour obtenir du salarié des indications sur cette utilisation.

Ayant constaté que l'employeur avait payé les heures de délégation réclamées par le salarié et ayant caractérisé l'imprécision du descriptif produit par le salarié des activités exercées pendant les heures de délégation litigieuses, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve ni excéder ses pouvoirs, a pu en déduire que l'obligation du salarié de préciser les dates et les heures auxquelles il a utilisé son crédit d'heures de délégation et les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d'heures de délégation n'était pas sérieusement contestable.

 

Sommaire n° 2 :

Selon l'article R. 1455-7 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire.

Il résulte des articles L. 2143-17 et L. 2315-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé.

Dès lors, si la charge de la preuve des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pèse sur le salarié, l'employeur ne peut saisir le juge des référés pour obtenir la justification par le salarié de ces nécessités.

Méconnaît l'étendue de ses pouvoirs et viole ces dispositions la cour d'appel qui, pour enjoindre au salarié de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à utiliser l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail, retient que celui-ci avait intégralement accompli les heures de délégation en dehors de son temps de travail et que cette obligation n'était pas sérieusement contestable.

 

Commentaire :

L'examen du pourvoi ayant donné lieu à cet arrêt a conduit la Cour de cassation à se prononcer sur l'étendue des pouvoirs du juge des référés saisi, sur le fondement de l'article R. 1455-7 du code du travail, d'une demande de justification des nécessités du mandat obligeant le salarié à prendre ses heures de délégation en dehors de son horaire normal de travail.

Les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé (Soc., 19 mai 2016, pourvoi n° 14-26.967, Bull. 2016, V, n° 106).

Cette obligation ne dispense pas les bénéficiaires de ce versement de préciser, à la demande de l'employeur, les activités exercées pendant leur temps de délégation, sans avoir alors à en apporter la justification. L'employeur a la charge d'établir devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non-conformité de l'utilisation de ce temps avec l'objet du mandat représentatif. Il s'ensuit que l'employeur ne peut saisir les juges du fond d'une action en remboursement d'heures de délégation prétendument mal utilisées qu'après avoir préalablement demandé à l'intéressé, fût-ce, en cas de refus, par voie judiciaire, l'indication des activités pour lesquelles elles ont été utilisées (Soc., 4 décembre 1991, pourvoi n° 88-44.977, et Soc., 4 décembre 1991, pourvoi n° 88-45.082, Bull. 1991, V, n° 556).

Dans le présent arrêt, la chambre sociale, faisant application de cette jurisprudence, énonce dans un premier temps que le juge des référés peut, après avoir constaté que l'employeur a payé les heures de délégation réclamées par le salarié et caractérisé l'imprécision du descriptif produit par le salarié des activités exercées pendant les heures de délégation litigieuses, sans inverser la charge de la preuve ni excéder ses pouvoirs, en déduire que l'obligation du salarié de préciser les dates et les heures auxquelles il a utilisé son crédit d'heures de délégation et les activités exercées pour les jours et les créneaux horaires durant lesquels il dit avoir utilisé son crédit d'heures de délégation n'est pas sérieusement contestable.

Cependant, dans le cas où les heures de délégation sont prises en dehors de l'horaire habituel de travail en raison des nécessités du mandat, ce qui conduit à les payer comme des heures supplémentaires, il appartient au salarié de justifier de ces nécessités (Soc., 14 octobre 2020, pourvoi n° 18-24.049).

L'appréciation du caractère suffisant ou non de la justification de telles nécessités conduisant nécessairement à se prononcer sur l'existence et le bien-fondé de celles-ci, la Cour de cassation retient, dans un second temps, qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'enjoindre au salarié de justifier des nécessités du mandat l'obligeant à prendre ses heures de délégation en dehors de son temps de travail.

Statut protecteur des représentants du personnel

Autorisation de licenciement du salarié protégé, inaptitude et contrôle du juge judiciaire

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-21.349, F-B

Sommaire :

Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail. Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

Dès lors, une cour d'appel décide exactement que le contrôle exercé par l'administration du travail, saisie d'une demande d'autorisation administrative de licenciement pour inaptitude, de l'absence de lien entre le licenciement et les mandats détenus par le salarié, ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire recherche si l'inaptitude du salarié a pour origine un manquement de l'employeur à ses obligations consistant en un harcèlement moral ou une discrimination syndicale.

 

Commentaire :

Par deux arrêts rendus au mois de novembre 2013, la Cour de cassation et le Conseil d’État ont déterminé le régime applicable au licenciement pour inaptitude liée aux agissements fautifs de l'employeur (CE, 20 novembre 2013, n° 340591, publié au Recueil Lebon et Soc., 27 novembre 2013, n° 12-20.301).

Il résulte de ces arrêts les règles suivantes:

- dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ;

- ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

Dans un avis du 21 septembre 2016 (CE, 21 septembre 2016, avis, n° 396887), le Conseil d’État a affirmé que, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives, est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation circonscrit la portée de l’autorité de la chose décidée par l’autorisation administrative de licenciement en retenant que celle-ci ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations, y compris lorsque ce manquement est lié à l’exercice du mandat.

Ainsi, lorsque l’inspecteur du travail refuse l’autorisation au motif que le licenciement pour inaptitude est discriminatoire, il se prononce sur l’origine de l’inaptitude qui motive la demande d’autorisation de licenciement. En revanche, si l’inspecteur du travail dit qu’il n’existe pas de lien entre le licenciement et le mandat du salarié protégé, il ne se prononce pas sur l’origine de l’inaptitude et l'autorisation de licenciement ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire recherche l'origine de l'inaptitude lorsque le salarié l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

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