N°18 - Janvier/Février 2023 (Contrat à durée déterminée)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat à durée déterminée / Santé et sécurité au travail / Rupture du contrat de travail / Libertés fondamentales / Représentants du personnel / Action en justice / QPC).

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Lettre de la chambre sociale

N°18 - Janvier/Février 2023 (Contrat à durée déterminée)

Contrat à durée déterminée, requalification en CDI et conséquences indemnitaires (trois arrêts)

Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 21-16.824, FS-B

Sommaire :

Le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois.

 

Commentaire :

En application de l’article L. 1245-2 du code du travail, en cas de requalification d’un ou plusieurs CDD en CDI, la juridiction prud’homale doit allouer au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Cet arrêt apporte des précisions sur l’assiette de calcul de ce montant minimal de l’indemnité de requalification.

La chambre sociale juge que cette indemnité est calculée sur le salaire de base et l’ensemble des accessoires du salaire (Soc., 3 mai 2016, pourvoi n°14-29.739, Bull. 2016, V, n°88) et qu’il est nécessaire de prendre en compte le salaire auquel le salarié avait droit du fait de la décision qui lui accorde, par ailleurs, une certaine classification et des rappels de salaire (Soc., 26 avril 2017, pourvoi n°15-23.311).

Par ailleurs, s’agissant de la période à prendre en compte, la Cour de cassation précise que cette indemnité ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine de la juridiction prud’homale (Soc., 17 juin 2005, n° 03-44.900, Bull. 2005, V, n° 204). Dans d’autres arrêts, il est fait référence à la dernière moyenne de salaire mensuel (Soc., 19 octobre 2011, pourvoi n°10-17.337, Bull.2011, V, n°237, Soc., 6 octobre 2016, pourvoi n° 15-21-267). Il convenait donc de préciser ce que recouvrait cette notion, dès lors qu’elle pouvait se référer soit aux sommes effectivement perçues par le salarié dont le contrat avait été requalifié, soit à la moyenne des sommes qui auraient été dues au salarié au titre du contrat requalifié.

La chambre sociale opte pour cette seconde solution et censure la cour d’appel, qui, procédant comme en matière de fixation de l’indemnité de licenciement, s’était référée aux sommes réellement versées à la salariée sur la période qu’elle avait retenue, sans tenir compte des condamnations au paiement de salaire prononcées par ailleurs. La méthode retenue par la chambre sociale permet de prendre en compte tous les éléments de rémunération dus au salarié au titre du contrat, en tenant compte le cas échéant des sommes allouées en exécution de ce contrat, lors de la saisine de la juridiction et d’en faire la moyenne mensuelle. Elle permet d’éviter que le montant de cette indemnité ne soit impacté par les périodes interstitielles ou encore par la durée initiale du contrat requalifié (cas du CDD inférieur à un mois) mais également qu’il ne soit basé sur un salaire majoré en raison de la précarité, comme cela peut être le cas pour certains CDD dans le secteur de l’audiovisuel. Cette solution s’inscrit, par ailleurs, dans le prolongement de l'arrêt du 2 juin 2021 (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n°19-16.183) où la chambre sociale a censuré une cour d’appel qui, pour limiter le montant du rappel de salaire dû au titre des périodes interstitielles, avait retenu pour base de calcul la durée moyenne mensuelle de travail obtenue par l'addition des durées des contrats à durée déterminée exécutés rapportée au mois, et non la réalité de la situation de chaque période interstitielle telle que résultant de chacun des contrats à durée déterminée l'ayant précédée.

 

Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 21-17.971, FS-B

Sommaire 1 :

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité "d'intermittent", destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises, nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui, après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, décide que le salarié pouvait prétendre au paiement des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base.

 

Sommaire 2 :

Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelles de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut "d'intermittent", qui lui étaient définitivement acquises.

 

Sommaire 3 :

Selon les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

Viole la loi la cour d'appel qui fixe le montant de l'indemnité compensatrice de préavis au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats de travail à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, cette indemnité devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale réaffirme la jurisprudence rendue à propos des salariés intermittents, au terme de laquelle « la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité d'intermittent destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée » (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-21.942, Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.148). Elle juge, en effet, de manière constante que l'indemnité de précarité, qui compense pour le salarié la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée lorsqu'elle est perçue par ce dernier à l'issue du contrat, lui reste acquise nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée (Soc., 30 mars 2005, pourvoi n° 03-42.667, Bull., 2005, V, n° 106). Cette solution est appliquée aux majorations de rémunération dont bénéficient les salariés en CDD en application des dispositions conventionnelles. Ces sommes qui restent acquises au salarié, ne peuvent pas venir en compensation des avantages salariaux dus au salarié en raison de la requalification en CDI, comme les primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion.

Cet arrêt précise, par ailleurs, l’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ces indemnités sont basées sur les sommes réellement perçues, à titre de salaire, par le salarié y compris les sommes qui ont pu être versées au salarié en sa qualité "d'intermittent", destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée.

Le dernier apport de cet arrêt concerne l’assiette de calcul de l’indemnité de préavis. Au cas d’espèce, le salarié n’avait réalisé aucun préavis dès lors que la relation de travail avait pris fin au terme du dernier contrat à durée déterminée. Par l’effet de la fiction juridique de la requalification-sanction, le salarié, qui devait bénéficier d’une indemnité de préavis, ne pouvait se voir allouer une indemnité calculée sur la base des salaires perçus pendant l'exécution des contrats de travail à durée déterminée, ceux-ci ayant été majorés par application de la convention collective en raison de sa situation de précarité, mais uniquement sur celle des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu et qui aurait dû être exécuté si le contrat de travail s’était effectivement poursuivi.

 

Soc., 08 février 2023, pourvoi n° 21-10.270, FS-B

Sommaire :

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s’ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

Dès lors, doit être censuré l’arrêt qui, après avoir prononcé la requalification de ses contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée, rejette la demande d’une journaliste pigiste en paiement d’un rappel de salaire au titre de la majoration du salaire journalier prévue par l’accord d’entreprise en cas d’un dépassement d’un certain nombre de jours de travail dans l’année, retient que la salariée ayant perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait annuel, elle était remplie de ses droits.

 

Commentaire :

La chambre sociale transpose la jurisprudence dégagée dans les arrêts précédents au cas d’un journaliste pigiste, dont le contrat est requalifié en CDI, tout en l’adaptant. Elle reprend la solution selon laquelle les sommes qui ont pu être versées au salarié en sa qualité "d'intermittent", destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises, nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée (Soc. 8 juillet 2020, pourvoi n°18-21.942, Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.148) et l’applique à l’hypothèse de la majoration du salaire journalier prévue par l’accord d’entreprise en cas d’un dépassement d’un certain nombre de jours de travail dans l’année.

 

Tableau récapitulatif
Créance Assiette de calcul et période de référence Textes Arrêt

Indemnité compensatrice de préavis

Salaires qui auraient été perçus en cas d’exécution du préavis

Calcul au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de salarié permanent qui lui a été reconnu après requalification de la relation de travail en CDI

Article L. 1234-5 du code du travail

Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 21-17.971 (B)

Indemnité de licenciement

Sommes perçues au cours des douze derniers mois ou trois derniers mois selon le calcul le plus avantageux

Prise en compte des sommes réellement versées au salarié avant la rupture et qui lui sont définitivement acquises

Dispositions conventionnelles (Accord d’entreprise) proches des articles L. 1234-9

R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail
Soc., 8 février 2023, pourvoi n°  21-17.971 (B)

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans les tableaux applicables.

Le salaire brut de référence est celui réellement perçu par le salarié et qui lui est définitivement acquis
Article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1397 du 22 septembre 2017 Soc., 8 février 2023, pourvoi n°  21-17.971 (B)

Indemnité de requalification en CDI

Un mois de salaire minimum calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud’homale.

La dernière moyenne de salaire doit être déterminée au regard de l’ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu’ils ont une périodicité supérieure au mois.
Article L. 1245-1 du code du travail Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 21-16.824 (B)

 

Travail intérimaire : obligation de sécurité et responsabilité de l’entreprise utilisatrice

Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 20-23.312, FP-B+R

Sommaire :

Les dispositions de l'article R. 237-2, devenues les articles R. 4511-4, R. 4511-5 et R.4511-6 du code du travail, qui mettent à la charge de l'entreprise utilisatrice une obligation générale de coordination des mesures de prévention qu'elle prend et de celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises intervenant dans son établissement, et précisent que chaque chef d'entreprise est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, n'interdisent pas au salarié de l'entreprise extérieure de rechercher la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, s'il démontre que celle-ci a manqué aux obligations mises à sa charge par le code du travail et que ce manquement lui a causé un dommage, sans qu'il soit nécessaire que la responsabilité de l'entreprise extérieure au titre de l'obligation de sécurité ait été retenue.

Une note explicative, ainsi qu’un communiqué de presse de cet arrêt sont disponibles sur le site internet de la Cour de cassation.

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