N°18 - Janvier/Février 2023 (Action en justice)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat à durée déterminée / Santé et sécurité au travail / Rupture du contrat de travail / Libertés fondamentales / Représentants du personnel / Action en justice / QPC).

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Lettre de la chambre sociale

N°18 - Janvier/Février 2023 (Action en justice)

Harcèlement et office du juge (deux arrêts)

Soc., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.796, FR-B

Sommaire :

Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Ainsi, s'il appartient à l'employeur de justifier du respect de son obligation de prévention du harcèlement sexuel, son absence de comparution devant la cour d'appel ne dispense pas cette juridiction d'examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour juger que l'employeur avait satisfait à son obligation de prévention.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise l’office du juge en cas de défaut de comparution devant la cour d’appel de l’employeur lorsque des faits de harcèlement sexuel sont invoqués par le salarié.

En l’espèce, le conseil de prud’hommes avait  débouté la salariée de ses demandes au titre de la violation de l’obligation de sécurité et du licenciement nul aux motifs que la société avait cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès qu'elle avait été mise au courant de la situation de harcèlement sexuel alléguée, qu'elle avait informé l'inspection du travail et qu'elle avait donc effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité.

L’employeur n’a pas comparu devant la cour d’appel et, pour faire droit aux demandes de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et au titre du licenciement nul, l'arrêt retient que l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier qu'il a pris une quelconque mesure nécessaire pour mettre un terme à la situation de harcèlement avérée subie par la salariée, alors qu'il en avait connaissance et que cette situation est à l'origine de la dégradation de l'état de santé de la salariée.

La chambre sociale censure l’arrêt de la cour d’appel et juge que, s'il appartient à l'employeur de justifier du respect de son obligation de prévention du harcèlement sexuel, son absence de comparution devant la cour d'appel ne dispense pas cette juridiction d'examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour juger que l'employeur avait satisfait à son obligation de prévention.

La chambre sociale applique ainsi la solution retenue par la 2e chambre civile dans un arrêt rendu le 25 novembre 2021 (2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-13.780).

 

Soc., 15 février 2023, pourvoi n° 21-20.572, FR-B

Sommaire :

Il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Doit être censuré l'arrêt, qui, pour débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, retient que celui-ci ne donne aucun élément sur le préjudice qui en serait résulté, alors qu'il lui appartenait préalablement de rechercher si les faits présentés par le salarié ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral et si, dans l'affirmative, l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise l’office du juge en matière de harcèlement moral.

Elle énonce que l’examen des faits présentés par le salarié à l’appui de sa demande et la recherche de l’existence d’une faute de l’employeur, en appliquant le mécanisme probatoire prévu à l’article L. 1154-1 du code du travail, sont un préalable obligatoire et que les juges du fond ne peuvent pas débouter le salarié de sa demande au seul motif que celui-ci n’apporte aucun élément sur le préjudice qui en serait résulté.

La chambre sociale reprend ainsi la solution retenue en matière de discrimination dans un arrêt rendu le 6 juillet 2022 (Soc., 6 juillet 2022, pourvoi n° 21-12.073).

L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 15, mars 2023, Actualité.

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