N°17 - Novembre/Décembre 2022 (Représentation du personnel)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat de travail, formation / Durée du travail / Santé et sécurité au travail / Contrat de travail, rupture / Libertés fondamentales / Représentation du personnel / Action en justice).

  • Travail
  • contrat de travail
  • contrat de travail, formation
  • contrat de travail à durée déterminée
  • contrat de travail, durée déterminée
  • travail réglementation, durée du travail
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • salariés à statut particulier (vrp, apprentis artistes, etc.)
  • etat de santé - accident du travail et maladie professionnelle
  • contrat de travail, rupture
  • rupture du contrat de travail (démission, retraite…)
  • étranger
  • travail réglementation (travail dissimulé et des étrangers...)
  • licenciement pour motif économique
  • licenciement économique collectif
  • licenciement économique individuel
  • conventions et accords collectifs : interprétation et application
  • vie personnelle du salarié et libertés individuelles et collectives
  • discrimination
  • représentation des salariés
  • séparation des pouvoirs
  • séparation des pouvoirs
  • statut des salariés protégés
  • action en justice
  • prescription
  • prescription civile
  • temps partiel/travail intermittent

Lettre de la chambre sociale

N°17 - Novembre/Décembre 2022 (Représentation du personnel)

Elections professionnelles : précisions sur l’application des règles de la parité

Soc., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-60.183, F-B

Sommaire :

En application de l'article L. 2314-10 du code du travail les élections partielles se déroulent dans les conditions fixées à l'article L. 2314-29 du même code pour pourvoir tous les sièges vacants dans les collèges intéressés, sur la base des dispositions en vigueur lors de l'élection précédente.

Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe il résulte de l'article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger.

Aux termes de l'article L. 2314-32 du code du travail, en cas de non-respect par une liste de candidats des règles de représentation proportionnée entre les femmes et les hommes prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail, le juge annule l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.

Il résulte de ces textes que les règles relatives à la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes sont applicables aux élections partielles, sur la base du protocole préélectoral établi pour les élections initiales.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la Chambre sociale affirme, pour la première fois, que les règles de la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes prévues par l’article L. 2314-30 du code du travail sont applicables aux élections partielles, sur la base des proportions figurant dans le protocole d’accord préélectoral établi pour les élections initiales.

Séparation des pouvoirs : salarié protégé et transfert partiel d’entreprise

Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-11.776, FS-B

Sommaire :

En vertu des articles L. 2414-1 et L. 2421-9 du code du travail, lorsqu'un salarié investi d'un mandat représentatif du personnel est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1, le transfert de ce salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail qui s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire.

L'inspecteur du travail, qui contrôle la matérialité du transfert partiel, l'applicabilité des dispositions légales ou conventionnelles invoquées dans la demande d'autorisation de transfert et si le salarié concerné exécute effectivement son contrat de travail dans l'entité transférée, ainsi que l'absence de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale, ne porte pas d'appréciation sur l'origine de l'opération de transfert.

Il en résulte que le salarié protégé, dont le transfert du contrat de travail au profit du cessionnaire a été autorisé par l'inspecteur du travail et qui, à la suite de ce transfert, a été licencié après autorisation de l'autorité administrative, peut invoquer devant le juge judiciaire, eu égard aux circonstances dans lesquelles est intervenu le transfert, l'existence d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et solliciter sur ce fondement des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative qui a autorisé le transfert, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

 

Commentaire :

Cet arrêt est l’occasion pour la Chambre sociale de préciser sa jurisprudence relative à la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif lorsqu’une fraude à l’occasion du transfert du contrat de travail est invoquée.

Dans ces affaires, alors que l'inspecteur du travail avait autorisé le transfert des contrats de travail de salariés protégés, ultérieurement licenciés après autorisation par la société cessionnaire, la cour d'appel a retenu l'existence d'une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence de transfert effectif de l'unité économique autonome à laquelle ces salariés appartenaient et a condamné la société cédante à leur payer à chacun une certaine somme pour licenciement abusif.

Pour écarter le grief de violation du principe de séparation des pouvoirs, la Chambre sociale se fonde sur l’étendue du contrôle opéré par l’inspecteur du travail, qui ne porte pas d'appréciation sur l'origine de l'opération de transfert lors de l’examen de la demande d’autorisation. Elle en déduit que le juge judiciaire est compétent pour apprécier le caractère frauduleux du transfert du contrat de travail d’un salarié protégé, alors que ce transfert a été autorisé par l’inspecteur du travail.

En effet, les circonstances de fait dans lesquelles interviennent le transfert, qui vont révéler l'origine frauduleuse de celui-ci, sont postérieures à l'autorisation de transfert et ne peuvent, dès lors, être prises en considération par l'inspecteur du travail à la date à laquelle il rend sa décision.

Cette solution s'inscrit dans la continuité des arrêts rendus le 21 avril 2022, dans la série Manoir Custines, dans lesquels la Chambre sociale a jugé qu’en l'absence de toute cession d'éléments d'actifs de la société en liquidation judiciaire à la date à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement d'un salarié protégé, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier si la cession ultérieure d'éléments d'actifs autorisée par le juge-commissaire ne constitue pas la cession d'un ensemble d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, emportant de plein droit le transfert des contrats de travail des salariés affectés à cette entité économique autonome, conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail, et rendant sans effet le licenciement prononcé, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d'un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs (Soc., 21 avril 2022, pourvoi n° 20-17.496, publié)

Séparation des pouvoirs : salarié protégé et rétractation du licenciement

Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.961, 21-10.543, FS-B

Sommaire :

Le licenciement ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, peu important que la rétractation ait été faite à la demande de l'inspecteur du travail d'annuler la procédure de licenciement engagée et de respecter le statut protecteur.

Il en résulte que le juge judiciaire, quand bien même le licenciement ultérieur du salarié a fait l'objet d'une autorisation administrative, demeure compétent, sans porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier la validité de la rétractation de la mesure de licenciement notifiée antérieurement.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, l'employeur, qui avait notifié au salarié protégé son licenciement pour motif personnel sans avoir sollicité au préalable l'autorisation administrative requise, est, après avoir été rendu destinataire d'une injonction de l'inspecteur du travail, revenu sur sa décision et a informé ce salarié de sa reprise. Il a ultérieurement, après autorisation du même inspecteur, licencié ce salarié.

Or, dès l'instant où il est notifié, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par l'employeur, qui ne peut revenir sur sa décision qu'avec l'accord du salarié (Soc., 12 mai 1998, pourvoi n° 95-44.353, 95-44.354, Bull. 1998, V, n° 244).

La Chambre sociale avait donc à déterminer si l’injonction puis l’autorisation de l’inspecteur du travail faisaient obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur les effets de la première notification du licenciement.

Pour y répondre, elle a suivi un raisonnement comparable à celui ayant abouti à l’arrêt du 23 novembre 2022 commenté ci-dessus (Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-11.776, publié), qui l'a conduite à apprécier la portée du contrôle de l'inspecteur du travail, lors de l'examen de la demande d'autorisation de licenciement, lequel ne couvre pas la légalité de la poursuite du contrat de travail en présence d'un licenciement rétracté par l'employeur. A également été prise en compte l'absence de pouvoir d'injonction reconnu, en la matière, à l'inspecteur du travail.

La Chambre sociale décide que, même si le licenciement ultérieur du salarié a fait l'objet d'une autorisation administrative, le juge judiciaire demeure compétent, sans porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier la validité de la rétractation de la mesure de licenciement notifiée antérieurement.

Séparation des pouvoirs : élections professionnelles et répartition des sièges par accord collectif

Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-19.551, FS-B+R

Sommaire :

En application des articles L.2314-13 et R.2314-3 du code du travail, relèvent de la compétence du tribunal judiciaire, en dernier ressort, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, les contestations contre la décision de l'autorité administrative fixant la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux.

Il appartient en conséquence au tribunal judiciaire d'examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou la légalité interne de la décision de la direction régionale des entreprises, de l'économie, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), désormais la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités ( Dreets), et, s'il les dit mal fondées au regard de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative, de confirmer la décision, ou s'il les accueille partiellement ou totalement, d'annuler la décision administrative et de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, sur les questions demeurant en litige d'après l'ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue.

A cet égard, il résulte des articles L.2313-8 et L.2314-13 du code du travail  que, dès lors que la détermination du périmètre des établissements distincts est préalable à la répartition des salariés dans les collèges électoraux de chaque établissement, il incombe à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge judiciaire à qui sa décision peut être déférée, de procéder à la répartition sollicitée par application de l'accord collectif définissant les établissements distincts et leurs périmètres respectifs. Il appartient ensuite au tribunal judiciaire, saisi du recours formé contre la décision rendue par le Direccte, d'apprécier la légalité de cette décision, au besoin après l'interprétation de l'accord collectif en cause, d'abord en respectant la lettre du texte de l'accord collectif, ensuite, si celui-ci manque de clarté, au regard de l'objectif que la définition des périmètres des établissements distincts soit de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation

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