N°17 - Novembre/Décembre 2022 (Contrat de travail, rupture)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat de travail, formation / Durée du travail / Santé et sécurité au travail / Contrat de travail, rupture / Libertés fondamentales / Représentation du personnel / Action en justice).

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Lettre de la chambre sociale

N°17 - Novembre/Décembre 2022 (Contrat de travail, rupture)

Licenciement personnel non disciplinaire : quelles indemnités de rupture pour le salarié étranger en situation d’emploi illicite pour défaut de titre de séjour ?

Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-12.125, FS-B

Sommaire :

L'employeur qui notifie à son salarié étranger en situation d'emploi illicite son licenciement pour défaut de titre de séjour, sans invoquer à l'appui de ce licenciement de faute grave, est redevable à l'égard de l'intéressé du salaire échu pour toute la période antérieure à la rupture du contrat de travail.

 

Commentaire :

Cet arrêt fournit à la Chambre sociale l’occasion de se prononcer pour la première fois sur l'articulation des dispositions applicables en matière d'emploi illicite et celles relatives à la mise à pied conservatoire décidée par l’employeur, qui n’invoque pas de faute grave à l’appui du licenciement qu’il prononce.

La Chambre sociale considère que si la situation irrégulière du salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle ne caractérise pas en elle-même une faute grave (Soc. 4 juillet 2012, pourvoi n° 11-18.840, Bull. 2012, V, n° 209).

Par le présent arrêt, elle juge en conséquence que l'employeur est tenu de payer au salarié licencié pour défaut de titre de séjour le salaire dû au titre de la période antérieure à la rupture du contrat de travail, période de mise à pied conservatoire comprise, dès lors qu'aucune faute grave n'est invoquée par l'employeur.

L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 12, décembre 2022, Actualité.

Licenciement pour motif économique et PSE : la nullité de l’accord collectif portant PSE n’entraîne pas la nullité du contrat de travail modifié dans le cadre de l’article L. 1222-6 du code du travail

Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-16.162, FS-B

Sommaire :

Il résulte des articles L. 1222-6, L. 1233-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, qu'une modification de contrat de travail intervenue, en application du premier de ces textes, dans le cadre d'un projet de réorganisation ayant donné lieu à l'élaboration d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, ne constitue pas un acte subséquent à cet accord, de sorte que les salariés ayant tacitement accepté cette modification ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour obtenir la nullité de leur contrat de travail.

 

Commentaire :

Au cas précis, la décision de validation par la Direccte du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) contenu dans un accord collectif conclu en 2013, entre l’employeur et les organisations syndicales, a été annulée par le juge administratif en 2015, au motif que cet accord ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par l'article L.1233-24-1 du code du travail. Il s'en est suivi un abondant contentieux ayant donné lieu à de nombreuses décisions de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Ainsi, la Chambre sociale a jugé que lorsque la décision de validation de la Direccte est ultérieurement annulée pour un motif autre que l'absence ou l'insuffisance du PSE, les licenciements économiques prononcés ne sont pas nuls (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-12.522, publié au Rapport annuel).

Puis, elle a précisé l'étendue des pouvoirs du juge judiciaire, s'agissant des contentieux individuels que les salariés peuvent engager devant lui, à la suite de l'annulation par le juge administratif de la décision de validation d'un accord collectif déterminant le contenu du PSE.

Ainsi, elle a jugé que le juge judiciaire demeure compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des mesures comprises dans un PSE mais ne peut, dans cet office, méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant validé l'accord collectif ou homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ni l'autorité de la chose jugée par le juge administratif, et qu'il en résulte qu'un salarié peut, au soutien de demandes salariales ou indemnitaires formées contre l'employeur, se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, qui résulte des motifs de la décision du juge administratif annulant la décision de validation de cet accord, cette annulation permettant au juge judiciaire d'écarter l'application des clauses dudit accord  (Soc., 27 mai 2021, pourvoi n° 18-26.744, publié).

Dans ce même arrêt, la chambre a également dit que l'annulation de la décision de validation du PSE ne suffisait pas à entraîner la nullité du congé de reclassement.

Dans la présente affaire, les données factuelles sont différentes en ce que les salariés n'avaient pas été licenciés dans le cadre du PSE, mais avaient accepté tacitement la modification de leur contrat de travail dans le cadre du projet de réorganisation ayant donné lieu ensuite à l'élaboration de ce PSE.

Or, ils avaient saisi la juridiction prud'homale en soutenant notamment que l'annulation de la décision de validation du PSE devait entraîner la nullité de l'avenant ayant modifié leur contrat de travail. A l’appui de leur argumentation, ils invoquaient les arrêts La Samaritaine ayant énoncé que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents, parmi lesquels les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif (Soc., 13 février 1997, pourvoi n° 96-41.874, Bull. 1997, V, n° 64).

Toutefois, la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique était indépendante du PSE et ne se rattachait pas à la procédure de licenciement collectif.

La Chambre sociale estime donc que la modification du contrat de travail des salariés, intervenue en application de l'article L.1222-6 du code du travail, dans le cadre d'un projet de réorganisation ayant donné lieu à l'élaboration d'un accord collectif portant PSE, ne constitue pas un acte subséquent à cet accord, et qu'en conséquence les salariés ayant tacitement accepté cette modification ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le PSE pour obtenir la nullité dudit avenant à leur contrat de travail.

Licenciement pour motif économique : la Chambre sociale maintient son recours à la notion de coemploi pour les situations factuelles exceptionnelles

Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 20-23.206, FS-B

Sommaire :

Une cour d'appel qui constate, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, que la société employeur a perdu tout client propre et se trouve sous la totale dépendance économique de la société mère, laquelle lui sous-traite et organise elle-même les transports qui constituaient son activité, que ses dirigeants ont perdu tout pouvoir décisionnel, que la société mère s'est substituée à sa filiale dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives et assure également sa gestion financière et comptable, caractérise ainsi une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de la société employeur, ce dont elle déduit exactement l'existence d'une situation de coemploi.

 

Commentaire :

Dans un arrêt rendu en formation plénière (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769, publié au Rapport annuel), la Chambre sociale de la Cour de cassation a fourni une nouvelle définition du coemploi, dont les critères résultaient auparavant d’un arrêt du 2 juillet 2014 (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-15.208, Bull. 2014, V, n° 159 ; voir pour le rejet de cette notion : Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 15-15.481, Bull. 2016, V, n° 147).

Le présent arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation démontre que la notion de coemploi (là où le Conseil d’Etat recourt à la notion de « personne morale transparente ») n'est pas abandonnée, mais elle est réservée aux situations exceptionnelles dans lesquelles la société employeur subit une immixtion permanente dans sa gestion économique et sociale, conduisant à sa perte totale d'autonomie d'action.

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