Contrat de collaboration libérale qui prévoit une conciliation préalable et obligatoire : action en requalification en contrat de travail et fin de non-recevoir
Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-14.171, FS-B
Sommaire :
La clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent.
Dès lors, la cour d'appel qui a retenu qu'un contrat de collaboration libérale prévoyait le recours à une procédure de conciliation préalable à toute instance judiciaire pour les contestations relatives à la validité, l'interprétation, l'exécution ou la résolution de la convention, en déduit exactement l'irrecevabilité de l'action en requalification de ce contrat en contrat de travail avant que la procédure de conciliation ait été mise en œuvre.
Commentaire :
Par un arrêt important, la Cour de cassation, réunie en chambre mixte (Ch. mixte., 14 février 2003, pourvoi n° 00-19.423, Bull. 2003, Ch. mixte, n° 1), a décidé que les parties peuvent prévoir, dans un contrat, une clause instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge. Une telle clause constitue alors une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent (cf également : 1re Civ., 30 octobre 2007, pourvoi n° 06-13.366, Bull. 2007, I, n° 329; 1re Civ., 1 octobre 2014, pourvoi n° 13-17.920, Bull. 2014, I, n° 157).
La chambre sociale a toutefois jugé que ce principe ne s'appliquait pas en matière prud'homale, d'une part, en raison de l'importance des règles impératives en droit du travail et, d'autre part, en raison de l'existence d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire devant le conseil des prud'hommes (Soc., 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-20.004, Bull. 2012, V, n° 326).
Mais qu'en est-il lorsque la qualification du contrat est elle-même en discussion devant le juge ? La chambre sociale décide, par cet arrêt, que l'exception ne joue pas et que lorsque le contrat de droit commun, dont la qualification est discutée, stipule une clause de conciliation préalable obligatoire, celle-ci constitue une fin de non- recevoir si les parties l'invoquent.
L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 10, octobre 2022, Actualité.
Procédure prud’homale orale en première instance et recevabilité des demandes additionnelles après le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016
Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-13.060, FS-B
Sommaire:
Il résulte des articles R. 1452-1 et R.1452-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, ainsi que des articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du même code et de l'article 70, alinéa 1er, du code de procédure civile, qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience lorsqu'il est assisté ou représenté par un avocat.
Ayant constaté que des demandes additionnelles, dont le lien avec les prétentions formulées dans la requête initiale n'était pas contesté, figuraient dans les chefs de demande récapitulés dans le dispositif des dernières conclusions du salarié, soutenues oralement et déposées lors de l'audience devant le conseil de prud'hommes, une cour d'appel en a exactement déduit qu'elles étaient recevables.
Commentaire :
L'article R.1452-2 du code du travail, dans ses dispositions issues du décret du 20 mai 2016 ayant notamment pour objet d'accélérer le traitement des procédures prud'homales, dispose que la requête introductive d'instance « comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile » et qu'en outre « elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci ».
Ce décret a également, aux termes de l'article R.1461-2, instauré une procédure écrite devant la cour d'appel.
Pour autant, ce même décret n'a pas modifié l'article R.1453-3 du code du travail qui dispose que la procédure prud'homale est orale.
Or, la chambre sociale juge, de façon constante, que lorsque la procédure est orale, le juge ne peut déclarer irrecevables les demandes formulées à l'audience et ne peut, s'il y a lieu, que renvoyer à une audience ultérieure afin d'assurer le respect du principe de la contradiction (Soc., 25 février 1982, pourvoi n° 80-40.448, Bull. 1982, V, n° 127 ; Soc. 17 mars 1998, pourvoi n° 95-41.006, Bull. 1998, V, n° 152 ; Soc., 27 mars 2019, pourvoi n°18-10.467).
Dans le présent arrêt, la chambre sociale considère qu'en raison de l'oralité qui demeure durant la procédure de première instance, un requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles se rattachant aux prétentions originaires, qui ne figuraient donc pas dans la requête initiale mais qui ne relèvent pas de celles prévues à peine de nullité par l'article 57 du CPC, devant le juge lors des débats ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience lorsqu'il est assisté ou représenté par un avocat.