Difficultés économiques, baisse du chiffre d’affaires ou des commandes en cours et office du juge
Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 20-18.511, FS-B
Sommaire :
Lorsque n'est pas établie la réalité de l'indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement, telle que définie à l'article L. 1233-3, 1°, a) à d) du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, il appartient au juge, au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire sans cause réelle et sérieuse un licenciement pour motif économique, retient que la baisse du chiffre d'affaires sur trois trimestres consécutifs incluant celui au cours duquel la rupture du contrat de travail a été notifiée, n'est pas établie, sans procéder à cette recherche, alors que l'employeur invoquait également des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau élevé d'endettement.
Commentaire :
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’arrêts récents relatifs au contrôle exercé par la Cour de cassation sur l’application des dispositions nouvelles de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, en particulier l’appréciation des difficultés économiques caractérisées notamment par “une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires”, au sens de l’alinéa 1°, a) à d) de ce texte (Soc., 1er juin 2022, pourvoi n° 20-19.957).
La chambre sociale décide que l’absence de l’indicateur économique relatif à la baisse des commandes ou du chiffre d'affaires durant la période précédant le licenciement, n’épuise pas le débat sur l’existence du motif économique qui peut résulter de tout autre élément que le juge doit vérifier, en fonction des arguments invoqués par l’employeur.
Elle censure donc une cour d’appel qui avait écarté le motif économique sur la base de l’absence du seul indicateur comptable relatif au chiffre d’affaires et précise qu'il appartient aux juges du fond d’apprécier si l’employeur établit, à l’époque du licenciement, l’évolution significative du chiffre d’affaires ou de tout autre élément de nature à justifier de difficultés économiques dans le cadre d’une appréciation globale de la situation de l’entreprise.
Motif économique, autorisation administrative et séparation des pouvoirs
Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 19-12.568, FS-B
Sommaire :
Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement.
Commentaire :
Il est de jurisprudence constante qu’en cas de licenciement après autorisation administrative ultérieurement annulée ou retirée, le juge judiciaire doit, si le motif de l’annulation ou du retrait est tiré de la légalité externe de la décision administrative, se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 16-26.860, Bull. 2018, V, n° 138).
Par ailleurs, en application du principe de séparation des pouvoirs, la décision de l’autorité administrative se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l’employeur qui a retenu, soit qu’ils n'étaient pas établis, soit qu’ils ne justifiaient pas le licenciement, s’oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu’ils constituent une cause réelle et sérieuse (Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n ° 05-42.599, Bull. 2007, V, n° 140).
Cet arrêt combine ces deux règles dans le cas d’un licenciement économique prononcé après une autorisation administrative de licenciement pour motif économique, ultérieurement retirée pour un motif de légalité externe (l’autorisation n’était pas motivée), une nouvelle autorisation ayant été délivrée, cette fois motivée, le même jour : cette nouvelle autorisation, dont la chambre sociale constate qu’elle est devenue définitive, s’oppose à ce que la cour d’appel se prononce sur la cause réelle et sérieuse du licenciement économique et les demandes indemnitaires subséquentes.
Elle applique ainsi un raisonnement similaire à celui tenu dans un arrêt du 19 janvier 2022 (Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 19-18.898, publié), dans un cas d’espèce où une décision d’incompétence de l’inspecteur du travail avait été annulée par le ministre qui avait ensuite autorisé le licenciement du salarié.
Licenciement pour motif économique : appréciation des conditions d’effectifs et du nombre de licenciements pour la mise en place d’un PSE au niveau de l’UES
Soc., 28 septembre 2022, pourvoi n° 21-19.092, F-B
Sommaire:
D'abord, il résulte des articles L.1233-61 et L. 1233-58 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, que les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur. Il n'en va autrement que lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale (UES), la décision de licencier a été prise au niveau de l'UES.
Ensuite, aux termes de l'article 539 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif. Il en résulte qu'une décision frappée d'appel ne peut servir de base à une demande en justice tendant à la réalisation des effets qu'elle comporte.
Est en conséquence approuvé, l'arrêt, qui, après avoir constaté que le jugement ayant reconnu l'existence de l'UES non assorti de l'exécution provisoire faisait l'objet d'un appel formé par la société employeur, toujours pendant lors de l'engagement de la procédure de licenciement, décide que c'est au seul niveau de la société employeur que doivent s'apprécier les conditions de mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Commentaire :
La chambre sociale a maintenu, postérieurement à la loi du 14 juin 2013 transférant à l’administration le contrôle des plans de sauvegarde pour l’emploi (PSE), la compétence du juge judiciaire pour apprécier, en l’absence de toute procédure de validation ou d’homologation d'un tel plan, l’incidence de la reconnaissance d’une unité économique et sociale (UES) sur la validité des licenciements (Soc., 17 mars 2021, n° 18-16.947, publié). La décision judiciaire reconnaissant l'existence d'une UES a un caractère déclaratif à la date de la requête introductive d'instance (Soc., 20 février 2008, pourvoi n° 06-40.949, Bull. 2008, V, n° 4).
Par ailleurs, revirant avec la jurisprudence antérieure, la chambre sociale a énoncé en 2012 que le jugement reconnaissant l’existence d’une UES est rendu en premier ressort, de sorte qu’une telle reconnaissance est susceptible d’appel (Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n° 11-20.232, Bull. 2012, V, n° 37). Or l'appel formé contre un jugement reconnaissant l'existence d'une UES, et non assorti de l'exécution provisoire, a un effet suspensif (Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 12-60.262, Bull. 2013, V, n° 141).
Dans cette lignée, le présent arrêt approuve une cour d'appel d'avoir considéré que l'appel interjeté par l'employeur contre le jugement de reconnaissance d'une UES étant toujours pendant à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, c'est au niveau de la société employeur et non de l'UES que devaient s'apprécier les conditions de mise en œuvre d'un PSE.
Licenciement pour motif personnel : distinction entre la liberté d’expression individuelle et le droit à l’expression directe et collective du salarié
Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-13.045, FS-B
Sommaire :
Selon les articles L. 2281-1 et L.2281-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l'exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Commentaire :
Cet arrêt pose la question, inédite, de la distinction entre la liberté d’expression, dont jouit le salarié dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, et le droit d’expression directe et collective, prévu par les articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, tels qu’issus des lois Auroux.
Ce droit d’expression directe et collective permet à chacun des salariés de donner son avis personnel sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail, de discuter des éventuelles difficultés rencontrées, de proposer des améliorations en matière d'organisation de l'activité et de la qualité de la production et de définir les actions à mettre en œuvre.
L’expression est « directe » et « collective ». Ce droit s’exerce seulement dans le cadre des réunions collectives organisées sur les lieux et pendant le temps de travail (Soc., 28 avril 1994, pourvoi n° 92-43.917, Bull. 1994, V, n° 159 ; Soc., 14 décembre 1999, pourvoi n° 97-41.995, Bull. 1999, V, n° 488).
La chambre affirme la force de la protection de ce droit, qui ne peut être sanctionné que s’il dégénère en abus (par ex. Soc., 20 janvier 1993, pourvoi n° 91- 43.652), l’employeur devant alors démontrer le caractère injurieux, diffamatoire ou excessif des termes employés, manifestant notamment la malveillance ou la mauvaise foi du salarié dans l’usage du droit d’expression.
L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 10, octobre 2022, Actualité
Théorie de l’effet contaminant du motif du licenciement en cas d’atteinte à une liberté fondamentale et office du juge dans l’examen des autres griefs
Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.533, FS-B
Sommaire :
Les dispositions de l'article L. 1235-2-1 du code du travail offrent à l'employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l'indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire. Ce n'est que lorsque l'employeur le lui demande que le juge examine si les autres motifs de licenciement invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité versée au salarié qui n'est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévu par l'article L. 1235-3-1.
Commentaire :
L'article L.1235-2-1 du code du travail, créé par l'ordonnance du 22 septembre 2017, a consacré la jurisprudence dite de l'effet contaminant selon laquelle un grief contenu dans la lettre de licenciement, et constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur. Toutefois, ce texte précise que cette nullité « ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié ».
L'examen par le juge de ces autres griefs n'est donc pas de nature à remettre en cause la nullité du licenciement mais sert à évaluer le montant de l'indemnité versée au salarié non réintégré.
Se pose alors la question de savoir si l'article L.1235-2-1 instaure une obligation pour le juge d'examiner, dans tous les cas de figure, les autres griefs invoqués par l'employeur.
La chambre sociale répond que ce n'est que lorsque l'employeur invoque un moyen de défense au fond sur le montant de l'indemnité à laquelle il pourrait être condamné, que le juge est tenu d'examiner les autres griefs et peut ensuite, le cas échéant, en tenir compte dans la fixation du montant de l'indemnité à verser au salarié non réintégré.
Dans le cas contraire, le juge n'a donc pas à le faire d'office. Et en l'espèce, il ressortait de l'arrêt et des conclusions de l'employeur que celui-ci soutenait que les griefs qu’il formulait justifiaient le licenciement mais il ne critiquait pas, à titre subsidiaire, le montant réclamé par le salarié au titre de l'indemnisation d'un licenciement nul, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à la cour d'appel de n'avoir pas procédé à l'examen des autres griefs.
Licenciement pour faute : principes de laïcité et de neutralité du service public à l’épreuve de propos tenus sur un compte Facebook d’un salarié d’une personne de droit privé gérant un service public
Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-12.370, FS-B
Sommaire :
Les principes de laïcité et de neutralité du service public qui résultent de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé.
En application des articles L. 5314-1 et L. 5314-2 du code du travail, les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d'association sont des personnes de droit privé gérant un service public.
Il résulte par ailleurs de l'article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007, et de l'article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux, que le salarié de droit privé mis à disposition d'une collectivité territoriale est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public.
Il s'ensuit qu'un salarié de droit privé, employé par une mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes et mis à disposition d'une collectivité territoriale, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l'exercice de ses fonctions, tant en sa qualité de salarié d'une personne de droit privé gérant un service public qu'en celle de salarié mis à disposition d'une collectivité publique.
Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel ayant jugé nul le licenciement d'un salarié car discriminatoire pour avoir été prononcé au motif de l'expression par ce dernier de ses opinions politiques et convictions religieuses, alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressé, référent au sein d'une commune pour les missions d'insertion auprès d'un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle, en grande fragilité sociale, avait publié sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, fin novembre et début décembre 2015, des commentaires mentionnant « Je refuse de mettre le drapeau ... Je ne sacrifierai jamais ma religion, ma foi, pour un drapeau quel qu'il soit », « Prophète ! Rappelle-toi le matin où tu quittas ta famille pour aller placer les croyants à leurs postes de combat », sans rechercher, comme il lui était demandé, si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d'insertion sociale et professionnelle affecté au sein de la commune, notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels il exerçait ses fonctions, et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l'obligation de réserve du salarié en dehors de l'exercice de ses fonctions en tant qu'agent du service public de l'emploi mis à la disposition d'une collectivité territoriale, en sorte que son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article L. 1133-1 du code du travail, tenant au manquement à son obligation de réserve.
Commentaire :
Dans cet arrêt, la chambre sociale précise les conditions dans lesquelles un salarié de droit privé peut être soumis à une obligation de réserve et admet pour la première fois que le manquement à cette obligation constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l'article L. 1133-1 du code du travail, qui peut justifier une restriction à la liberté d’expression du salarié et son licenciement.
Dans un arrêt rendu le 19 janvier 2022, la chambre sociale avait fait application de la notion d’exigence professionnelle essentielle et déterminante et jugé, dans une situation où un salarié refusait d’exécuter ses obligations en raison de ses convictions religieuses, que la mutation disciplinaire prononcée par l'employeur était justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante et qu’elle ne constituait pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses du salarié (Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-14.014, publié).
En l’espèce, un salarié de droit privé, employé par une mission locale et mis à disposition d’une collectivité territoriale, invoquait une discrimination fondée sur l’expression d’opinions politiques et ses convictions religieuses pour obtenir la nullité de son licenciement motivé par la publication de propos politiques et religieux sur son compte Facebook. L’employeur soutenait que ces propos excédaient, au titre du principe de laïcité, la liberté du salarié d’exprimer ses opinions politiques et ses convictions religieuses.
Si un salarié de droit privé n’est pas, en principe, soumis au principe de laïcité (Soc., 19 mars 2013, pourvoi n° 11-28.845, Bull. 2013, V, n° 75), il existe une exception lorsqu’il concourt à un service public.
La chambre sociale, reprenant le raisonnement adopté à propos d’une salariée d’une caisse primaire d’assurance maladie dans un arrêt rendu le 19 mars 2013 (Soc., 19 mars 2013, pourvoi n° 12-11.690, Bull. 2013, V, n° 76) affirme d’abord que le salarié est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public en sa qualité de salarié de la mission locale, personne de droit privé gérant un service public.
Elle retient qu’il est également soumis à ces principes en sa qualité de salarié mis à disposition d'une collectivité publique.
La chambre sociale en déduit qu’il est soumis, en dehors de l’exercice de ses fonctions, à une obligation de réserve.
Se posait ensuite la question de savoir si, en l’espèce, la publication par le salarié sur son compte Facebook des messages politiques et religieux litigieux constituait un manquement au devoir de réserve. L'étendue de l’obligation de réserve varie en fonction des circonstances propres à chaque cas d’espèce, en tenant compte de la nature des fonctions de l’agent ou du salarié, de son rang hiérarchique, des circonstances de temps et de lieu dans lesquels les propos ont été tenus, du sujet abordé et de la publicité donnée à ces propos.
Le salarié, référent au sein d'une commune pour les missions d'insertion auprès d'un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle avait publié les propos litigieux sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, dans les semaines ayant suivi les attentats terroristes survenus à Paris le 13 novembre 2015.
La chambre sociale reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d'insertion sociale et professionnelle affecté au sein de la commune, notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels il exerçait ses fonctions, et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l'obligation de réserve du salarié en dehors de l'exercice de ses fonctions, exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article L. 1133-1 du code du travail justifiant le licenciement.
L’arrêt est cité dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 11, novembre 2022, Décryptage.
Etat de santé du salarié et cessation d’activité de l’entreprise : le juge doit rechercher la véritable cause du licenciement
Soc., 26 octobre 2022, pourvoi n° 20-17.501, FS-B
Sommaire :
Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui déclare nul le licenciement au motif que celui-ci est lié à l'état de santé du salarié, sans rechercher si la cessation d'activité de l'entreprise invoquée à l'appui du licenciement ne constitue pas la véritable cause du licenciement.
Commentaire :
Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur l'office du juge dans la recherche du motif du licenciement. Celui-ci devant, aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, il en résulte que l’employeur n’est pas fondé à reprocher au juge, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ne pas se limiter aux termes de la lettre de licenciement, et de rechercher si celui-ci reposait sur un autre motif (par exemple : Soc., 6 mai 2014, pourvoi n° 12-27.049, licenciement prononcé pour un motif disciplinaire, le juge retenant que celui-ci est en réalité fondé sur un motif économique).
En l’espèce, un salarié, en arrêt de travail pour maladie, a saisi le médecin du travail afin de voir reconnaître son inaptitude postérieurement à la convocation par l’employeur à un entretien préalable à un licenciement motivé par la cession d’activité de l’entreprise. Le licenciement pour motif économique lui a été notifié avant que l’inaptitude n’ait été reconnue. La cour d’appel, sans examiner le motif économique invoqué par l’employeur dans la lettre de licenciement, a estimé qu’au moment de la notification du licenciement, l'employeur disposait d'éléments suffisants lui permettant de retenir que l'état de santé du salarié pourrait faire l'objet d'une inaptitude, et que dès lors le véritable motif du licenciement était lié à l'état de santé du salarié.
La chambre sociale a cassé l'arrêt en considérant qu'il lui appartenait de recherche si la cessation d'activité de l'entreprise, motif figurant dans la lettre de licenciement, ne constituait pas la véritable cause de celui-ci.
Les circonstances de l’espèce étaient particulières puisqu’au moment de l’engagement de la procédure de licenciement par la convocation à l’entretien préalable, l’employeur n’avait pas connaissance de la volonté du salarié de faire reconnaître une maladie professionnelle, ni de sa demande de visite de reprise ; par ailleurs, la réalité de la cessation d’activité n’était pas contestée par les parties. Or, si la chambre sociale rappelle régulièrement le caractère d’ordre public des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail, interdisant à l’employeur de licencier un salarié déclaré inapte pour tout autre motif que l’inaptitude, elle admet une seule exception à ce principe, la cessation totale d’activité de l’entreprise lorsque celle-ci n’appartient pas à un groupe (Soc., 4 octobre 2017, pourvoi n°16-16.441, Bull. 2017, V, n° 168, y compris lorsque cette cessation résulte d’une liquidation amiable (Soc., 15 septembre 2021, pourvoi n°19-25.613, publié).
Inapplicabilité de l’article L. 1237-11 du code du travail aux conventions tripartites organisant la poursuite du contrat de travail
Soc., 26 octobre 2022, n°21-10.495, FS-B
Sommaire :
Viole les articles 1134 du code civil et L.1231-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui conclut à l'existence d'une convention tripartite alors qu'elle avait constaté qu'aucune convention n'avait été signée entre un salarié et ses employeurs successifs organisant la poursuite du contrat de travail.
Commentaire :
La chambre sociale juge que les dispositions de l'article L. 1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail (Soc., 8 juin 2016, pourvoi n° 15-17.555, publié au Rapport).
L’arrêt du 26 octobre 2022 est relatif au formalisme de cette convention tripartite.
La cour d’appel avait, en l’espèce, déduit l’existence de cette convention de la rencontre des consentements des deux employeurs successifs et du salarié en vue de la poursuite du contrat de travail, alors qu’aucun écrit n’avait été rédigé. La chambre décide qu’un écrit est nécessaire, notamment afin de permettre au juge d’identifier avec certitude les effets que les parties ont entendu donner à cette convention.
Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’arrêt rendu le 23 mars 2022 (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.518, publié), par laquelle la chambre a décidé que la convention par laquelle un salarié quitte le poste qu'il occupait dans une entreprise pour entrer au service d'une autre entreprise appartenant au même groupe, organisant ainsi la poursuite du contrat de travail, hors application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'emporte pas la transmission au nouvel employeur de l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, sauf stipulations expresses en ce sens.
Elle est par ailleurs en conformité avec les dispositions de l’article 1216 du code civil issu de la réforme du droit des obligations (qui n’était en l’espèce, pas encore applicable), selon lequel la cession de contrat doit être constatée par écrit, à peine de nullité.