N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Santé au travail)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Durée du travail / Rémunération / Santé au travail / Contrat de travail, rupture / Représentation des salariés / Procédure / QPC).

  • Travail
  • travail réglementation, durée du travail
  • travail réglementation, rémunération
  • cause réelle et sérieuse de licenciement - formalités
  • contrat de travail, rupture
  • représentation des salariés
  • procédure civile
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • etat de santé - accident du travail et maladie professionnelle
  • licenciement économique collectif
  • licenciement économique individuel
  • licenciement disciplinaire (pour faute)
  • prescription
  • prescription civile

Lettre de la chambre sociale

N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Santé au travail)

Inaptitude : l’obligation de reclassement de l’employeur naît à compter de la déclaration par le médecin du travail

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-20.717, FS-B

Sommaire :

L'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail.

Dès lors que l'inaptitude n'a pas été constatée en application de l'article L. 4624-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur postérieurement à l'avis d'inaptitude, une cour d'appel décide à bon droit que les dispositions antérieures à l'entrée en vigueur de cette loi s'appliquent.

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question de la détermination des dispositions applicables à l’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré inapte lorsque l’inaptitude a été déclarée avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 mais que le salarié a été licencié postérieurement à la date de cette entrée en vigueur.

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ayant modifié en profondeur tant les modalités de constatation de l’inaptitude que les obligations de l’employeur en matière de recherche de reclassement, la chambre sociale de la Cour de cassation décide qu’il convient, afin de maintenir une appréciation globale des diligences faites par celui-ci, de se placer à la date de la déclaration de l’inaptitude pour déterminer le régime applicable à l’obligation de recherche de reclassement.

L’arrêt est commenté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 7, mai 2022, Actualités.

Inaptitude : conséquences de la mention expresse par le médecin que le maintien du salarié dans son emploi lui serait gravement préjudiciable ou que l’état de santé fait obstacle à tout reclassement

Soc., 8 juin 2022, pourvoi n° 20-22.500, FS-B

Sommaire :

Selon l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

 

Commentaire :

Par cette décision, la chambre sociale de la Cour de cassation tire la conséquence de l'introduction, par les lois n° 2015-994 du 17 août 2015 et n° 2016-1088 du 8 août 2016, de la possibilité pour l'employeur de procéder au licenciement du salarié déclaré inapte sans recherche préalable d’une solution de reclassement, lorsque le médecin mentionne expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

La chambre sociale en déduit que lorsque cette mention expresse figure dans l'avis du médecin du travail, l’employeur, qui n’est pas tenu à une recherche de reclassement, n’a pas non plus l'obligation de consulter les délégués du personnel.

Cette situation doit être distinguée de celle dans laquelle l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail, dans laquelle la jurisprudence affirme que l'employeur doit consulter les représentants du personnel (Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n° 08-41.685, Bull. 2009, V, n° 192 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-16.488, publié au Bulletin).

Inaptitude : autorisation de l’inspecteur du travail de licencier et séparation des pouvoirs

Soc., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-22.430, F-B sur le premier moyen

Sommaire :

L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur la compétence du juge judiciaire pour ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Il est de jurisprudence constante, depuis un arrêt du 27 novembre 2013 (Soc., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-20.301, Bull. 2013, V, n° 286) que l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

Par cet arrêt, la chambre sociale complète la liste des conséquences de la reconnaissance par le juge de l'imputabilité de l’inaptitude à un manquement de l’employeur, en y incluant le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage prévu par l’article L. 1235-4 du code du travail.

Notion d’« intérêt de l’entreprise eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid 19 »

Soc., 6 juillet 2022, pourvoi n° 21-15.189, FP-B+R

Sommaire 1 :

En cas de litige relatif à la mise en œuvre par l'employeur des dispositions des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, lui permettant, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, d'imposer aux salariés à des dates déterminées par lui la prise de jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail, d'une convention de forfait ou résultants de droits affectés sur un compte-épargne temps, il appartient au juge de vérifier que l'employeur, auquel incombe la charge de la preuve, justifie que les mesures dérogatoires, qu'il a adoptées en application de ces articles, ont été prises en raison de répercussions de la situation de crise sanitaire sur l'entreprise.

 

Sommaire 2 :

Les mesures des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, qui permettent à l'employeur, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du covid 19, d'imposer unilatéralement l'utilisation de droits à repos acquis, ne s'appliquent pas aux salariés qui se trouvent dans l'impossibilité de continuer à travailler au motif qu'ils relèveraient, en raison de leur situation personnelle, du régime d'activité partielle institué par l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, prévu pour les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave au virus SARS-CoV-2, partageant le même domicile qu'une personne présentant cette vulnérabilité ou étant parent d'un enfant ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation

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