N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Représentation des salariés)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Durée du travail / Rémunération / Santé au travail / Contrat de travail, rupture / Représentation des salariés / Procédure / QPC).

  • Travail
  • travail réglementation, durée du travail
  • travail réglementation, rémunération
  • cause réelle et sérieuse de licenciement - formalités
  • contrat de travail, rupture
  • représentation des salariés
  • procédure civile
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • etat de santé - accident du travail et maladie professionnelle
  • licenciement économique collectif
  • licenciement économique individuel
  • licenciement disciplinaire (pour faute)
  • prescription
  • prescription civile

Lettre de la chambre sociale

N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Représentation des salariés)

Cadre de l’unité économique et sociale : conditions de validité de la notification d’une désignation syndicale

Soc., 15 juin 2022, pourvoi n° 21-10.509, F-B

Sommaire :

La désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale au sein d'une unité économique et sociale déjà reconnue est valablement notifiée à une seule personne lorsque celle-ci a la qualité de président des entités juridiques composant l'unité économique et sociale.

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question des conditions d’opposabilité à l’employeur de la notification d’une désignation d’un salarié en qualité de représentant de section syndicale ou de délégué syndical lorsque l’employeur fait partie d’une unité économique et sociale (UES) déjà reconnue.

En l’espèce, la notification avait été faite au président commun des entités juridiques composant l’UES. L’employeur du salarié faisait valoir qu’une UES, dépourvue de personnalité morale et de représentant légal, n’a pas la qualité d’employeur ; la désignation du représentant d’une section syndicale en son sein n’était donc opposable à un employeur, chef de l’un des établissements qui la composent, qu’à la condition qu’elle lui ait été notifiée.

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure (Soc., 18 décembre 2000, pourvoi n° 99-60.456, Bull. 2000, V, n° 431) et décide que la notification faite au président commun des entités juridiques composant l’UES, personne ayant qualité pour représenter l’ensemble des sociétés composant l’UES, emporte nécessairement connaissance de la désignation par les représentants légaux de ces sociétés.

La désignation d’un représentant de section syndicale ou d’un délégué syndical au sein d’une UES, déjà reconnue, est donc ainsi valablement notifiée et opposable à l’employeur.

Comité social et économique : articulation des niveaux de consultation (entreprise/établissement) sur les mesures d’adaptation

Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-11.935, F+L

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 2316-20 du code du travail, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

Selon l'article L. 2312-8, 4°, de ce code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique d'entreprise est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Selon l'article L. 2316-1, alinéa 2, 4°, du même code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique central d'entreprise est seul consulté sur les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements des projets prévus au 4° de l'article L. 2312-8.

Il en résulte que le comité social et économique d'établissement est informé et consulté sur toute mesure d'adaptation, relevant de la compétence de ce chef d'établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l'entreprise, dès lors que cette mesure d'adaptation n'est pas commune à plusieurs établissements.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la Cour détermine la ligne, délicate à tracer, entre les mesures, prises au niveau d’un établissement, d’exécution de décisions de l’entreprise, qui ne ressortent pas au comité social et économique d’établissement, et celles d’adaptation de ces mêmes décisions, qui en ressortent.

S'agissant des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail décidés au niveau de l'entreprise, l'existence de mesures d'adaptation spécifiques doit être appréciée :

  • d'une part, par opposition aux mesures générales et aux mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements, en comparant les mesures dont le caractère spécifique est allégué avec celles prévalant dans d'autres établissements pour s'assurer de l'uniformité ou non des conditions qu'elles prévoient,
  • et d'autre part, en considération de la latitude laissée au chef d'établissement pour adapter le projet d'entreprise.

Selon que le chef d'établissement adapte, en considération de caractéristiques de son choix, ou exécute, en considération des caractéristiques de fait spécifiées au niveau de l'entreprise, les aménagements décidés au niveau de cette dernière, il y aura lieu ou non à consultation des représentants du personnel.

Comité social et économique : expertise et application du délai des articles L. 2312-16 et R. 2312-6 du code du travail

Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-11.077, FS-B

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 2312-16 du code du travail, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2312-19 et à l'article L. 2312-55 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique ou, le cas échéant, le comité social et économique central, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du comité social et économique central sont rendus dans le cadre des consultations prévues au présent code. Ces délais permettent au comité social et économique ou, le cas échéant, au comité central d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 2312-15, le comité ou, le cas échéant, le comité central, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

Selon l'article L. 2315-91 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.

Selon l'article R. 2312-6 du code du travail, à défaut d'accord, le comité social et économique dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur.

Aux termes de l'article R. 2315-47 du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6.

Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2312-6 n'ont vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'accord collectif de droit commun ou d'un accord entre le comité social et économique et l'employeur fixant d'autres délais que ceux prévus à cet article.

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question de la possibilité de combiner les délais de consultation déterminés par accord entre l’employeur et les organisations syndicales, ou le cas échéant le comité économique et social, et les délais prévus à l’article R. 2312-6 du code du travail, permettant au comité social et économique de décider du recours à une expertise et la prolongation du délai de consultation dans l’attente de la remise du rapport.

En considération du caractère supplétif à l’absence d’accord, affirmé aux articles L. 2312-16 et R. 2312-6 du code du travail, la chambre sociale exclut leur application en présence d’un accord informel ou de droit commun.

Ainsi, ce n’est que si l’accord informel par lequel une réunion de consultation est reportée postérieurement à l’échéance du délai d’un mois porte également sur l’exercice du droit à expertise et fixe les délais de consultation en cas d’exercice d’un tel droit, que, à l’occasion de cette réunion, un expert pourra être désigné.

Élections professionnelles : fixation des modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote par l’employeur en cas d’absence d’accord au sens de l’article L. 2314-6 du code du travail

Soc., 18 mai 2022, pourvoi n° 21-11.737, F-B

Sommaire :

Il résulte de l'article L.2314-28 du code du travail qu'à défaut d'accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l'article L.2314-6 du code du travail, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections.

 

Commentaire :

L’impératif de sécurisation des élections professionnelles conduit la chambre sociale de la Cour de cassation à juger traditionnellement qu’un syndicat qui, sans émettre expressément de réserves, a, soit participé à la signature du protocole d’accord préélectoral, soit présenté des candidats, ne peut se prévaloir d'une irrégularité concernant les modalités qui intéressent l’organisation et le déroulement des opérations de vote (Soc., 2 mars 2011, pourvoi n° 10-60.201, Bull. 2011, V, n° 61 et Soc., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-20.962, publié).

Par la présente décision, cette solution est étendue aux situations dans lesquelles, faute d’un tel accord et en l’absence de saisine du tribunal judiciaire, les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote sont unilatéralement fixées par l’employeur.

Élections professionnelles : détermination de la répartition des sièges entre catégories de personnel et du personnel dans les collèges électoraux

Soc., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-11.420, F-B

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 2314-13, alinéas 1 et 3, du code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2314-12, soit, à défaut d'accord, à celles prévues à l'article L. 2314-11.

Il en résulte que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n'a pu être conclu que l'autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.

 

Commentaire :

Dans un arrêt publié du 17 avril 2019 (Soc., 17 avril 2019, pourvoi n° 18-22.948, publié), la chambre sociale de la Cour de cassation a déduit de l'article L. 2313-2 du code du travail prévoyant que le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) est déterminé par un accord d'entreprise et de l'article L. 2313-4 du même code selon lequel, en l'absence d'accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l'employeur, que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts, en sorte que, en l'absence de toute tentative de négociation, la décision unilatérale de l'employeur doit être annulée, sans que la Direccte n'ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n'ont pas été préalablement engagées.

Cette solution, qui subordonne l’exercice par l’autorité administrative de ses pouvoirs à une tentative loyale de négociation lorsque cette dernière est prévue par la loi, est transposée à la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.

La circonstance que cette répartition répond à un régime différent de celui qui régit la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en ce que, en l’absence d’accord, il ne peut être procédé par une décision unilatérale de l’employeur à ladite répartition, ce pouvoir ressortant à la seule autorité administrative, ne justifie pas que les manquements à l’obligation de loyauté emportent des effets distincts sur l’exercice par cette autorité de ses pouvoirs.

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