N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Procédure)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Durée du travail / Rémunération / Santé au travail / Contrat de travail, rupture / Représentation des salariés / Procédure / QPC).

  • Travail
  • travail réglementation, durée du travail
  • travail réglementation, rémunération
  • cause réelle et sérieuse de licenciement - formalités
  • contrat de travail, rupture
  • représentation des salariés
  • procédure civile
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • rémunération (salaires et accessoires)
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  • licenciement économique individuel
  • licenciement disciplinaire (pour faute)
  • prescription
  • prescription civile

Lettre de la chambre sociale

N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Procédure)

Prescription de l'action en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail : détermination du délai applicable et de son point de départ (deux arrêts)

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-14.421, FS-B

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-18.084, FS-B

Sommaire :

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

 

Commentaire :

Par ces deux arrêts, la chambre sociale se prononce sur le délai de prescription applicable à l’action en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail.

Elle exclut l'application de l’article L.1471-1 du code du travail, qui ne vise que les actions portant sur l’exécution ou sur la rupture du contrat de travail et non sur l’existence même d’un tel contrat, pour retenir le délai de l'article 2224 du code civil. En effet, la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil s’applique en l'absence de texte spécial, aux actions personnelles ou mobilières. Or, l’action tendant à la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail ne peut être confondue avec celle tendant à l’exécution du contrat de travail, action qui implique que l’existence du contrat de travail ait déjà été consacrée.

La chambre considère ainsi que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

Elle fixe également le point de départ du délai de prescription de cette action en retenant que la qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit. Cette solution s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence ( Soc., 9 juin 2021, n°19-21.931 ; Soc., 31 mars 2021, n°19-22.557), mais également de celle de la deuxième chambre civile (2ème Civ., 18 février 2021, pourvoi n°19-14.475) ou encore la chambre criminelle (Crim., 13 octobre 2020, pourvoi n°19-87.172).

Le premier arrêt (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-14.421) est décrypté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 7, mai 2022, Décryptage.

Prescription de l'action en requalification de contrats de mission successifs : détermination du délai applicable et de son point de départ

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-12.271, FS-B

Sommaire :

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière.

La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d'inactivité, ces dernières n'ont pas d'effet sur le point de départ du délai de prescription.

 

Commentaire :

Cet arrêt permet à la chambre sociale de la Cour de cassation d'affiner sa jurisprudence issue de l’arrêt du 30 juin 2021 (Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-16.655, publié), par lequel elle se prononçait pour la première fois sur le point de départ du délai de prescription applicable à l'action en requalification de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, sous l'empire des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013.

Elle décide, d'une part, que l’existence de périodes d’inactivité entre plusieurs contrats de mission est sans effet sur le point de départ du délai de prescription d’une action en requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée, lequel court à compter du terme du dernier contrat de mission, ce qui s’inscrit dans la jurisprudence de la chambre tendant à apprécier globalement une relation de travail même interrompue par des périodes d'inactivité. En effet, les périodes interstitielles entre deux contrats de mission n’ont pas pour effet de rompre le bloc contractuel découlant de la succession de contrats de mission.

D’autre part, elle précise que les effets de la requalification remontent au premier jour de la première mission irrégulière, reprenant ici la formule de précédents rendus dans des litiges de requalification à l’égard d’entreprises utilisatrices (Soc., 21 janvier 2004, pourvoi n° 03-42.769, Bull. 2004, V, n° 27).

Prescription de l'action en rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet : détermination du délai applicable et de son point de départ

Soc., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-16.992, FS-B

Sommaire :

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L.3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur le point de départ du délai de prescription applicable à une demande de rappel de salaire fondée sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet en raison du dépassement de la durée légale de travail.

Elle reprend tout d'abord sa jurisprudence relative à la durée de la prescription applicable à l'action en demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet (Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-10.161, publié). Rappelant que la durée de celle-ci est déterminée par la nature de la créance invoquée, elle retient la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Puis, elle approuve le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi en rappelant sa jurisprudence ancienne et constante selon laquelle « le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré » (Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 12-17.409, Bull. 2013, V, n° 271).

L’arrêt est commenté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 8, juin 2022, Actualités.

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