N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Durée du travail)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Durée du travail / Rémunération / Santé au travail / Contrat de travail, rupture / Représentation des salariés / Procédure / QPC).

  • Travail
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  • prescription civile

Lettre de la chambre sociale

N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Durée du travail)

Exceptions au repos dominical : fondement géographique ou autorisation municipale

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-10.083, FS-B

 

Sommaire :

Il résulte de la combinaison du préambule de l'accord relatif au travail dominical au sein de l'entreprise Printemps du 30 décembre 2016, des articles 1.1.1, 1.1.2, 1.4, 5.2 et 2.1 de ce même accord que les dispositions de l'accord sont applicables aux salariés des établissements bénéficiant de dérogations sur un fondement géographique régies par les articles L. 3132-24 et suivants du code du travail et que seules certaines de ses dispositions sont, dès lors qu'il existe une mention expresse en ce sens, applicables aux salariés travaillant le dimanche en vertu d'une dérogation accordée par le maire en application des articles L. 3132-26 et suivants du code du travail.

Doit être approuvée, une cour d'appel qui a retenu que, si les dispositions de l'article 1.4 de l'accord relatives à la garde d'enfants bénéficiaient aux salariés travaillant le dimanche sous le régime des articles L. 3132-26 et L. 3132-27 du code du travail, celles de l'article 2.1 de l'accord concernant le nombre de dimanches réalisés en plus du temps de travail, ne s'appliquaient pas aux salariés travaillant le dimanche en vertu d'une dérogation accordée par le maire.

 

Commentaire :

Dans le cadre d’un différend né de l’application de l’accord collectif relatif au travail dominical, conclu le 30 décembre 2016, soit après la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, qui a étendu le domaine des exceptions au travail dominical, au sein de la société Printemps, un syndicat a saisi la juridiction judiciaire aux fins de voir appliquer l'article 2.1 de cet accord aux salariés des établissements ouverts le dimanche sur autorisation du maire, et non seulement à ceux dont l’établissement de rattachement bénéficie d’une dérogation géographique, comme cela était soutenu par l’employeur.

Cette demande a été rejetée, tant en première instance qu’en appel.

En sus des dérogations permanentes de droit (articles L. 3132-12 et L. 3132-13 du code du travail) et des dérogations conventionnelles (articles L. 3132-14 à L. 3132-19 du code du travail), il peut être dérogé à la règle du repos dominical soit avec l’accord du préfet (articles L. 3132-20 à L. 3123-23 du code du travail), soit en raison de la situation géographique de l’établissement (L. 3123-24 à L. 3132-25-6 du code du travail), soit avec l’accord du maire (L. 3123-26 à L. 3132-27-1 du code du travail).

En l’occurrence, la chambre sociale, qui retient que la garantie de six dimanches à des dates proposées par la direction sur une période de référence donnée aux salariés ayant émis le souhait de travailler de 1 à 12 dimanches, prévue par l'article 2.1, ne s’applique qu’aux salariés des établissements ouverts le dimanche sur un fondement géographique, interprète cette disposition à la lumière du préambule et d’autres dispositions de l’accord :

  • s’agissant du périmètre de l’accord (article 1.1), le paragraphe relatif aux établissements concernés (1.1.1) fait mention exclusivement du fondement géographique aux dérogations,
  • les dimanches du maire font l’objet de contreparties légales, de sorte que, sauf lorsque les contreparties conventionnelles sont plus favorables, comme cela est prévu pour la garde d’enfants (article 1.4), l’on ne voit pas pour quelles raisons ces dernières concerneraient les dimanches du maire (d’ailleurs, exclusion expresse pour le repos compensateur, article 2.2),
  • la garantie conventionnelle des six dimanches prévue par l’article 2.1 est difficilement compatible avec la dérogation des dimanches du maire, l’employeur n’ayant, dans ce système, aucune maîtrise sur l’ouverture des établissements concernés,
  • enfin, l’accord diffère l’entrée en vigueur selon les établissements concernés (article 5.2.1).

Convention de forfait en heures sur l’année et principe de faveur

Soc., 22 juin 2022, pourvoi n° 21-10.621, FS-B

Sommaire :

Selon l’article L. 215-15-3 I devenu l’article L. 3121-40 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, la conclusion de conventions de forfait en heures sur l’année est prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou par une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement. Cette convention prévoit les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d’être conclues.

Prive sa décision de base légale l’arrêt qui, après avoir relevé qu’à la différence de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail attaché à la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, l’accord d’entreprise du 30 juin 2008, prévoyait uniquement comme condition d’éligibilité au forfait annuel en heures une rémunération équivalente au plafond de la sécurité sociale à la seule entrée dans le dispositif, retient que ces dispositions sont moins favorables que celles de l’accord de branche [qui prévoit une telle condition tant à l’entrée que pour le maintien dans le dispositif] sans préciser en quoi la définition par l’accord d’entreprise des conditions d’éligibilité au forfait en heures, dérogeant aux règles de calcul de droit commun de la durée du travail, et de leur maintien dans le temps, était globalement moins favorable qu’un décompte de la durée du travail selon les règles de droit commun.

 

Commentaire :

La chambre sociale de la Cour de cassation fait, au cas précis, application du principe de faveur pour résoudre le conflit de normes entre l’accord de branche du 22 juin 1999 et un accord d’entreprise conclu le 30 juin 2008, limitant la condition de rémunération minimale (plafond annuel de sécurité sociale) comme condition d’éligibilité uniquement lors de la conclusion de la convention.

Le principe de faveur était seul applicable compte tenu de ce que la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, sous l’empire de laquelle l’accord d’entreprise a été conclu, mettait sur un pied d’égalité les accords de branche et d’entreprise ou d’établissement, en matière de convention de forfait en heures sur l’année, et que, en l’occurrence, l’accord de branche étant antérieur à la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, les dispositions de cette dernière, instaurant une hiérarchie entre accords collectifs de niveaux différents, étaient inapplicables (article 45).

Au cas d’espèce, l’arrêt de la cour d’appel est censuré pour ne pas avoir suffisamment caractérisé en quoi les conditions d’éligibilité au forfait en heures étaient moins favorables dans l’accord d’entreprise par rapport à l’accord de branche.

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