N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Contrat de travail, rupture)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Durée du travail / Rémunération / Santé au travail / Contrat de travail, rupture / Représentation des salariés / Procédure / QPC).

  • Travail
  • travail réglementation, durée du travail
  • travail réglementation, rémunération
  • cause réelle et sérieuse de licenciement - formalités
  • contrat de travail, rupture
  • représentation des salariés
  • procédure civile
  • durée et temps de travail (astreintes/travail effectif/repos hebdomadaire...)
  • rémunération (salaires et accessoires)
  • etat de santé - accident du travail et maladie professionnelle
  • licenciement économique collectif
  • licenciement économique individuel
  • licenciement disciplinaire (pour faute)
  • prescription
  • prescription civile

Lettre de la chambre sociale

N°15 - Mai/Juin/Juillet 2022 (Contrat de travail, rupture)

Licenciement sans cause réelle et sérieuse et application des barèmes d’indemnisation (deux arrêts)

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14 .490, FP-B+R

Sommaire 1 :

Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

 

Sommaire 2 :

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, pour condamner l'employeur au paiement d'une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 précité, retient que ce montant ne permet pas, compte tenu de la situation concrète et particulière du salarié, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail.

 

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.247, FP-B+R

Sommaire 1 :

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

 

Sommaire 2 :

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en œuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Une note explicative ainsi qu’un communiqué de ces deux arrêts sont disponibles sur le site internet de la Cour de cassation.

Licenciement pour motif économique : appréciation de la notion de baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires

Soc., 1er juin 2022, pourvoi n° 20-19.957, FS-B

Sommaire :

La durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, telle que définie à l'article L. 1233-3, 1°, a) à d) du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, de nature à caractériser des difficultés économiques, s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période.

Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire bien fondé un licenciement pour motif économique, se fonde sur la baisse significative du chiffre d'affaires, alors qu'il résultait de ses constatations que, pour une entreprise de plus de trois cents salariés, la durée de cette baisse, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail.

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question inédite de l'appréciation des difficultés économiques caractérisées notamment par "une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires", au sens de l'article L. 1233-3, 1°, a) à d), du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

L'objectif du législateur, en consacrant, dans cet article, un indicateur comptable de durée de cette baisse en fonction de la taille de l'entreprise, a été de rendre accessible aux employeurs des critères objectivés permettant de savoir si le motif économique est ou non fondé et de sécuriser les licenciements économiques.

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que la durée de cette baisse doit s'apprécier en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période.

Elle rappelle ainsi sa jurisprudence constante selon laquelle le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci et non à celle du déclenchement de la procédure de licenciement collectif (Soc., 21 novembre 1990, pourvoi n° 87-44.940, Bull. 1990, V, n° 574 ; Soc., 26 février 1992, pourvoi n° 90-41.247, Bull. 1992, V, n° 130).

L’arrêt est commenté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 8, juin 2022, Actualités.

Licenciement pour motif économique : contrat de sécurisation professionnelle et délai d’envoi de la lettre de licenciement au salarié

Soc., 1er juin 2022, pourvoi n° 20-17.360, FS-B

Sommaire :

Selon l'article 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011, agréée par arrêté du 6 octobre 2011, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser, en application de ce texte, au salarié lorsque le délai dont ce dernier dispose pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail. Lorsque le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti.

Il en résulte qu'un salarié qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, ne peut se prévaloir du non respect par l'employeur du délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par l'article L.1233-39 du code du travail, dès lors que la lettre qui lui a été adressée en application du texte conventionnel précité, n'avait d'autre but que de lui notifier le motif économique du licenciement envisagé et de lui préciser qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, elle constituerait la notification de son licenciement, et n'a pas eu pour effet de rompre le contrat de travail.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur la question inédite du délai de notification d’un licenciement collectif économique lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue par suite de l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Le salarié se prévalait du non-respect du délai de 30 jours imparti par l’article L. 1233-39 du code du travail entre la notification du projet de licenciement collectif à la Direccte et la lettre de licenciement. Toutefois, cette lettre a été notifiée en application de l’article 5 de la convention Unédic du fait que le délai de réflexion du salarié sur le CSP expirait après le délai d’envoi de la lettre. Elle avait donc pour but de lui notifier le motif économique du licenciement envisagé, et n’a pas eu pour effet de rompre le contrat de travail.

Cette lettre revêt ainsi une double nature. Dans le cas où le salarié accepte le CSP postérieurement à son envoi, elle constitue la matérialisation de l’information devant être faite par écrit par l’employeur au salarié, préalablement à l’acceptation de celui-ci, des motifs économiques du licenciement envisagé (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-16.218, Bull. 2015, V, n° 171). Cette notification a pour but d'informer le salarié des raisons de la rupture lors de l'acceptation du CSP. Dans le cas où le salarié refuse le CSP, cette lettre constitue la notification de son licenciement, le contrat étant rompu à sa date.

La rupture du contrat de travail du salarié ayant adhéré à un CSP intervient donc à l’expiration du délai dont il dispose pour prendre parti (Soc., 17 mars 2015, pourvoi 13-26.941, Bull. 2015, V, n° 51), et non lors de la notification du motif économique par cette lettre.

Licenciement disciplinaire : absence d’obligation de l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander la précision des motifs de la lettre de licenciement

Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-22.220, FS-B

Sommaire :

Il résulte de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et de l'article R. 1232-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, relatif à la possibilité offerte au salarié de demander des précisions sur les motifs de son licenciement.

Elle indique qu'aucune disposition légale, ni aucun principe fondamental, ne font obligation à l'employeur de mentionner, dans la lettre de licenciement, le droit ouvert au salarié par les dispositions de cet article, en y indiquant la possibilité et le délai de cette demande de précision.

Cette solution s'inscrit dans la logique du rejet par le Conseil d’État du recours en annulation pour excès de pouvoir formé contre le décret précité (CE, 4ème-1ère ch, 6 mai 2019, n° 417299).

Licenciement disciplinaire et procédure de saisine pour avis de la commission paritaire prévue par convention collective

Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-19.711, FS-B sur le pourvoi principal

Sommaire :

Il résulte des articles 30, 31 et 60 de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010, d'une part, que la faculté, pour le salarié licencié pour faute grave ou lourde, de saisir la commission paritaire ayant uniquement mission de formuler un avis non suspensif sur le caractère « grave » ou « lourd » de la faute invoquée, dans les quinze jours qui suivent la notification de son licenciement, ne constitue pas une garantie de fond et, d'autre part, que les stipulations de la convention collective n'imposent pas à l'employeur d'informer le salarié de sa faculté de saisir la commission paritaire.

Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ne constate ni la violation d'une garantie de fond, ni une irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle.

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question, inédite, de l’interprétation des dispositions de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010 relatives à la faculté pour le salarié, en cas de licenciement disciplinaire, pour faute grave ou lourde, de saisir la commission paritaire.

La chambre sociale a jugé, s'agissant des dispositions identiques de la convention collective nationale de la Bourse, que cette consultation ne constituait pas une garantie de fond (Soc., 2 juillet 2008, pourvois n° 06-44.896 et 06-44.895). Elle a ensuite clarifié dans un arrêt du 8 septembre 2021 (Soc., 8 septembre 2021, pourvoi n°19-15.039, publié) les critères pour retenir l’exigence d’une garantie de fond, en distinguant, d’une part, la consultation rendue obligatoire par convention ou règlement dont l’omission prive de cause réelle et sérieuse le licenciement et, d’autre part, l’irrégularité affectant le déroulement de la procédure disciplinaire qui est assimilée à une garantie de fond à la condition de porter atteinte aux droits de la défense du salarié ou d’exercer une influence sur la décision finale prise par l’employeur.

En l’espèce, la chambre considère que la procédure conventionnelle ne constitue pas une garantie de fond, dès lors que la saisine de la commission paritaire est facultative, à l’initiative du salarié, qu’elle n’est prévue que postérieurement à la notification du licenciement, et que la commission a uniquement pour mission de formuler un avis consultatif non suspensif sur la qualification des fautes professionnelles invoquées. Elle affirme également pour la première fois de manière claire que l’omission par l’employeur d’informer le salarié de sa faculté de saisir la commission paritaire ne constitue pas une irrégularité, dès lors qu’il n’y a pas violation d’une stipulation précise expressément prévue par la convention collective.

Licenciement disciplinaire : nullité en cas de violation de la liberté d’expression du salarié

Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-16.060, FS-B

Sommaire :

Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation énonce expressément pour la première fois que « l'effet contaminant » du motif illicite du licenciement, lorsque la lettre de licenciement vise plusieurs motifs dont l'un porte atteinte à une liberté fondamentale, s'applique lorsqu'il est reproché à un salarié l'exercice non abusif de sa liberté d'expression. Dans ce cas, ce motif illicite entraîne « à lui seul », la nullité du licenciement.

Cette solution s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la chambre sociale, le « motif contaminant » ayant déjà été admis à de nombreuses reprises notamment dans l'hypothèse du droit de grève (Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.139, Bull. 2009, V, n° 172), du droit fondamental d'ester en justice (Soc., 3 février 2016, pourvoi n° 14-18.600, Bull. 2016, V, n° 18) ou plus récemment du lanceur d'alerte (Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-25.989, diffusé).

La chambre a également énoncé de façon très claire que la sanction du licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif de la liberté d'expression est la nullité (Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-10.057, publié ; Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 19-17.871, publié).

Licenciement disciplinaire : harcèlement et preuve par la production du rapport d’une enquête interne

Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-11.437, FS-B

Sommaire :

D'une part, la règle probatoire, prévue par l'article L.1154-1 du code du travail, n'est pas applicable lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement sexuel ou moral.

D'autre part, il résulte des articles L.1152-4, L.1152-5, L.1153-5, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, du code du travail et les articles L.1153-6 et L.1234-1 du même code et du principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale qu'en cas de licenciement d'un salarié en raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question de la preuve par l'employeur de faits de harcèlement sexuel et moral imputés à un salarié licencié pour faute grave et plus particulièrement de la preuve par la production du rapport d'une enquête interne.

En l'espèce, à la suite de la dénonciation de tels faits par des salariés, l'employeur avait mené une enquête interne conformément aux articles L. 1153-5 et L. 1152-4 du code du travail qui lui imposent de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir ces faits, d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur.

La cour d'appel, saisie par le salarié d'une contestation de son licenciement, avait écarté des débats, pour déloyauté, le rapport de l'enquête interne, et n'avait pas examiné les autres éléments de preuve produits par l'employeur.

L'arrêt est cassé par la chambre sociale de la Cour de cassation qui rappelle, en préambule, que lorsqu’un litige concerne la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral ou sexuel, les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ne sont pas applicables (Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-17.393, Bull. 2012, V, n° 56 ).

Elle rappelle également qu'en matière prud'homale la preuve est libre (Soc., 27 mars 2001, pourvoi n° 98-44.666, Bull. 2001, V, n° 108 (1) ; Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.342, Bull. 2013, V, n° 245).

Il en résulte que le rapport de l'enquête interne peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié et que les juges du fond doivent en apprécier la valeur probante, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.

Cet arrêt complète une décision du 17 mars 2021 (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 18-25.597, publié) selon laquelle « l'enquête effectuée au sein d'une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d'un procédé clandestin de surveillance de l'activité du salarié ».

Rupture conventionnelle : existence et exigibilité de la créance de l’indemnité

Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-21.103, FS-B

Sommaire :

Il résulte des articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail que la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, le salarié est décédé entre l’homologation de la convention par l’autorité administrative et la date de rupture fixée par les parties dans la convention. L’employeur a refusé de verser l’indemnité de rupture conventionnelle aux ayants droit du salarié, au motif que le contrat de travail avait été rompu non par l’effet de la convention, mais par l’effet du décès du salarié à une date antérieure. La question est donc de savoir à quelle date le droit à cette indemnité est entré dans le patrimoine du salarié (voir par exemple Soc., 29 octobre 2002, pourvoi n° 00-41.269, Bull. 2002, V, n° 323, ou Soc., 2 février 2006, pourvoi n° 05-41.811, Bull. 2006, V, n° 61 (2)).

Les dispositions du code du travail reconnaissent à l’homologation de la convention par l’autorité administrative une portée certaine, puisque c’est à partir de cette date que l’article L. 1237-14 de ce code fixe le point de départ du délai de l’action en contestation de la rupture conventionnelle.

La chambre sociale juge par ailleurs que ni le décès du salarié pendant l’exécution du préavis, postérieur au licenciement, ni la faute grave commise par celui-ci pendant cette période, n’ont d’incidence sur le droit à l’indemnité de licenciement (Soc., 1er février 1983, pourvoi n° 80-41.766, Bull. 1983, n° 61 ; Soc., 8 juillet 1992, pourvoi n° 89-40.619, Bulletin 1992, V, n° 451).

En conséquence, la chambre décide qu’en matière de rupture conventionnelle, la rupture du contrat de travail et, avec elle, le droit à l’indemnité de rupture conventionnelle, sont définitivement acquis à la date d’homologation de la convention par l’autorité administrative (seule son exigibilité étant repoussée à la date d’effet de la convention de rupture).

Résiliation judiciaire et contrat de travail à durée déterminée

Soc., 22 juin 2022, pourvoi n° 20-21.411, FS-B

Sommaire :

Il résulte des articles 1224 et 1227 du code civil qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui prononce la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée aux torts exclusifs de l'employeur pour faute grave à la date à laquelle avait été commise par celui-ci l'atteinte physique portée au salarié constitutive de cette faute, alors qu'à cette date le contrat n'avait pas été rompu et que le salarié, mis, en raison de l'atteinte subie, en arrêt de travail jusqu'au terme du contrat de travail, était demeuré au service de son employeur.

 

Commentaire :

Dans la présente affaire, un salarié engagé en contrat à durée déterminée, avait été victime, au cours de la relation de travail, de violences de la part de son employeur, ce qui l’avait conduit à être en arrêt de travail jusqu’à la fin de son contrat. Il avait saisi la juridiction prud’homale d'une demande en résiliation judiciaire dudit contrat avant le terme de celui-ci. L’arrêt de cour d'appel avait accueilli sa demande et fixé les effets de la résiliation au jour des faits de violences.

La chambre sociale de la Cour de cassation, faisant application d’une jurisprudence constante (Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-10.346, Bull. 2017, V, n° 154 (2) ; Soc., 21 septembre 2016, pourvoi n° 14-30.056, Bull. 2016, V, n° 169 (2)), applicable en matière de contrats à durée déterminée, censure la décision en rappelant que la date des effets d’une résiliation est fixée à la date à laquelle la résiliation est prononcée et qu’il ne peut être dérogé à cette règle que si le contrat a été rompu avant cette date ou si le salarié ne se trouvait plus au service de l’employeur.

En l’espèce, tel n’était pas le cas : le contrat n’avait pas été rompu avant son terme et la situation d’un salarié en arrêt de travail n’est pas assimilable à celle d’un salarié ne se trouvant plus au service de l’employeur.

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