N°14 - Mars/Avril 2022 (Représentation des salariés)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat de travail, durée du travail, transfert d'entreprise, santé au travail, libertés fondamentales, représentation des salariés, conflits collectifs du travail, procédure, QPC)

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  • représentation des salariés
  • conflits collectifs du travail (grève / lock-out...)
  • procédure civile et sociale

Lettre de la chambre sociale

N°14 - Mars/Avril 2022 (Représentation des salariés)

Représentants du personnel et action en nullité d’une convention ou d’un accord collectif

Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.002, FP-B+R

Sommaire n° 1 :

Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicable en l'espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

L'exception d'illégalité d'une convention ou d'un accord collectif ne relève pas des dispositions de l'article 1185 du code civil.

Lorsque l'illégalité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif est invoquée par voie d'exception, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de la demande.

La reconnaissance de l'illégalité d'une clause d'une convention ou d'un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l'exception.

 

Sommaire n° 2 :

Selon l'article L. 2323-7, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2232-12, peut définir les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que sur la politique sociale de celle-ci, les conditions de travail et d'emploi.

Il en résulte qu'un accord d'entreprise peut définir, dans les entreprises comportant des établissements distincts, les niveaux auxquels les consultations récurrentes sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

Viole ce texte la cour d'appel qui retient qu'à la date de la signature le 25 mai 2017 d'un accord d'entreprise sur le dialogue social, l'article L. 2323-7 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015 applicable aux accords collectifs définissant les modalités d'organisation des consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel, ne prévoyait pas la possibilité de conclure un accord dérogatoire quant au niveau de la consultation et que, par suite, les dispositions de l'accord du 25 mai 2017 réservant au seul comité central d'entreprise les consultations périodiques sur la politique sociale et la situation économique et financière de l'entreprise n'étaient pas conformes aux dispositions légales alors applicables.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation.

Elections professionnelles et action en nullité d’une convention ou d’un accord collectif

Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-18.442, FP-B+R

Sommaire :

En premier lieu, eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une organisation syndicale non signataire d'un accord collectif est recevable à invoquer par voie d'exception, sans condition de délai, l'illégalité d'une clause d'un accord collectif lorsque cette clause est invoquée pour s'opposer à l'exercice de ses droits propres résultant des prérogatives syndicales qui lui sont reconnues par la loi.

En second lieu, aux termes de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques.

Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux.

Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation.

Information-consultation des représentants du personnel et conséquences de l'exception d'illégalité d'un accord collectif

Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-20.077, FP-B

Sommaire :

Eu égard au droit à un recours juridictionnel effectif garanti tant par l’article 16 de la Déclaration de 1789 que par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, applicable en l’espèce du fait de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, un comité social et économique est recevable à invoquer par voie d’exception, sans condition de délai, l’illégalité d’une clause d’un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi.

La reconnaissance de l’illégalité d’une clause d’une convention ou d’un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l’exception.

Viole dès lors l’article L. 2262-14 du code du travail, le tribunal judiciaire qui, pour rejeter l’exception d’illégalité de l’avenant du 11 septembre 2019 à un accord collectif d’entreprise sur le dialogue social, retient que, l’accord collectif étant un acte de droit privé, la sanction du non-respect des conditions d’adoption de cet accord collectif est la nullité qui doit être soulevée par voie d’exception et non l’inopposabilité et que, l’avenant litigieux n’étant pas annulé, il est opposable au comité social et économique d’établissement.

 

Commentaire :

Dans cette affaire, la chambre sociale était invitée à se prononcer sur les conditions de l'exception d'illégalité d'un accord collectif.

Rappelant la possibilité pour un comité social et économique d'invoquer par voie d'exception l’illégalité d’une clause d’un accord collectif sans restriction de délai, la chambre sociale juge inopposable à celui qui a soulevé l'exception une telle clause reconnue illégale.

Elle en déduit que le tribunal judiciaire qui, pour rejeter l’exception d’illégalité d'un avenant à un accord collectif d’entreprise sur le dialogue social, retient que, l’accord collectif étant un acte de droit privé, la sanction du non-respect des conditions d’adoption de cet accord est la nullité devant être soulevée par voie d’exception et que, l’avenant litigieux n’étant pas annulé, il est opposable au comité social et économique d’établissement, viole les dispositions de l’article L. 2262-14 du code du travail.

Elections professionnelles : membre du CSE et désignation en qualité de délégué syndical (deux arrêts)

Soc, 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269, FS-B (premier arrêt)

Sommaire :

Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

 

Commentaire :

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) (et auparavant un délégué du personnel) comme délégué syndical. Les textes ne réservent pas cette possibilité au seul délégué du personnel, et désormais membre du CSE, titulaire.

Mais ce délégué syndical ne disposant pas, sauf disposition conventionnelle, d’un crédit d’heures, la chambre sociale en a déduit, dès 2001, que le délégué du personnel suppléant ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical (Soc., 30 octobre 2001, pourvoi n° 00-60.313, Bull. 2001, V, n° 336), sous réserve de conventions ou accords d’entreprise plus favorables accordant au suppléant un crédit d’heures (Soc., 24 septembre 2008, n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184). Il a toutefois été jugé que le délégué du personnel suppléant remplaçant le titulaire, bénéficiant à ce titre d’heures de délégation, pouvait être désigné délégué syndical pour la durée du remplacement (Soc., 20 juin 2012, n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).

Les ordonnances de 2017 ayant prévu la possibilité pour les membres titulaires de la délégation du personnel du CSE de répartir entre eux et avec les suppléants, chaque mois, le crédit d’heures de délégation dont ils disposent, la chambre sociale précise les règles applicables à la désignation d’un membre suppléant du CSE en qualité de délégué syndical qui découlent de la nécessité, réaffirmée, que ce suppléant dispose d’un crédit d’heures lui permettant d’exercer effectivement les fonctions de délégué syndical. Seul un membre du CSE suppléant disposant d’un crédit d’heures de délégation peut être désigné en qualité de délégué syndical, ce crédit d’heures pouvant résulter:

  • de la répartition des heures de délégation des titulaires avec les suppléants (article L. 2315-9 du code du travail ) ;
  • des clauses du protocole préélectoral (qui peut modifier le volume des heures de délégation : article L. 2314-7) ;
  • des clauses d’un accord collectif dérogatoire (article L. 2315-2) ;
  • du fait que le membre du CSE suppléant remplace momentanément un membre  titulaire (article L. 2314-37).

 

Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-16.333, FS-B (second arrêt)

Sommaire :

Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

Dès lors, le tribunal, qui constate que le salarié a été élu en qualité de suppléant et que l'accord de partage des heures de délégation avec le membre titulaire du comité social et économique ne comporte aucune indication sur le nombre d'heures de délégation réparties mensuellement et est établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, en déduit exactement qu'il ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical.

 

Commentaire :

Cet arrêt doit être mis en relation avec le premier arrêt prononcé le même jour (Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.269).

En l’espèce, un accord de répartition des heures de délégation entre titulaire et suppléant existait, mais il ne respectait pas les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail. Il était en effet établi pour toute la durée du mandat et ne comportait pas d’indication sur le nombre d’heures de délégations réparties mensuellement.

Ce suppléant ne pouvait donc pas être désigné en qualité de délégué syndical.

Les arrêts sont décryptés dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 6, avril 2022, Décryptage.

Elections professionnelles et vote électronique

Soc, 23 mars 2022, pourvoi n° 20-20.047, FS-B

Sommaire n° 1 :

Il résulte des articles R. 2314-8,  R. 2314-16, alinéa 1, R. 2314-17 du code du travail et 5 de l'arrêté du 25 avril 2007 du ministre du travail pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail, qu'après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition.

 

Sommaire n° 2 :

Il résulte des articles L. 2314-18 et L. 2314-19, alinéa 1, du code du travail qu'en cas de recours à un vote électronique se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d'ancienneté dans l'entreprise pour être électeur et éligible s'apprécient à la date du premier jour du scrutin. Si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées par les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces conditions.

 

Sommaire n° 3 :

Il résulte de l'article R. 2314-24 du code du travail que la contestation de l'éligibilité fondée sur le caractère injustifié de l'inscription sur une liste électorale est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant l'élection.

 

Commentaire :

Dans cet arrêt, la chambre sociale réaffirme sa jurisprudence selon laquelle la contestation de l’éligibilité fondée sur le caractère injustifié de l’inscription sur une liste électorale porte sur la régularité de l’élection et est donc recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant l’élection.

Elle poursuit par ailleurs la détermination des règles applicables en matière de vote électronique en se prononçant sur la date d’appréciation de la condition d’ancienneté et les conditions d’accès aux listes d’émargement.

La chambre sociale a déjà rendu deux arrêts publiés en la matière :

Salariés protégés, droit fiscal et indemnisation de la victime du dommage

Soc., 6 avril 2022, pourvoi n° 20-22.918, F-B

Sommaire :

Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime.

 

Commentaire :

Il résulte de l'article L. 2422-4 du code du travail, que le salarié protégé, licencié sur le fondement d'une décision d'autorisation de l'inspecteur du travail par la suite annulée, à droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration.

Dans la présente affaire, le salarié réclamait, en application de cet article, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la majoration de son impôt sur le revenu. En effet, il faisait valoir que, le versement en une seule fois de cette indemnité représentant près de deux années de salaire, avait pesé sur une seule et même année d'imposition, alors que cette somme, s'il n'y avait pas eu éviction, aurait été étalée sur plusieurs années et n'aurait pas engendré ce surcoût d'impôt.

La chambre sociale de la Cour de cassation, faisant application d'une jurisprudence constante (2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-16.173, Bull. 2004, II, n° 392 ; 2e Civ., 16 novembre 1994, pourvoi n° 93-14.554, Bull. 1994, II, n° 233 ; 2e Civ., 28 octobre 1992, pourvoi n° 91-12.135, Bull. 1992, II, n° 254 ) selon laquelle « les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime. », en déduit que ce surcoût d'impôt, consécutif à des règles fiscales, ne constitue pas un préjudice réparable.

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