N°13 - Janvier/Février 2022 (Durée du travail)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Exécution du contrat de travail, durée du travail, rupture du contrat de travail, représentation des salariés, statut collectif du travail, libertés fondamentales, procédure).

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  • vie personnelle du salarié et libertés individuelles et collectives
  • procédure civile
  • procédure prud'homale

Lettre de la chambre sociale

N°13 - Janvier/Février 2022 (Durée du travail)

Dépassement du forfait en jours par le salarié et fixation de la majoration par le juge

Soc., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.266, FS-B+R

Sommaire :

Lorsque le salarié, soumis à un régime de forfait en jours, accomplit des jours de travail en dépassement de ce forfait malgré l’absence de conclusion de l’accord écrit relatif à la renonciation des jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire, le juge fixe, dans le respect du minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.

Une note explicative de cet arrêt est disponible sur le site internet de la Cour de cassation.

L’arrêt est commenté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 4, février 2022, Actualités.

Dépassement de la durée maximale de travail et ouverture du droit à réparation

Soc., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-21.636, FS-B+L

Sommaire :

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

 

Commentaire :

Par un arrêt du 13 avril 2016 (Soc., 13 avril 2016, pourvoi n° 14-28.293, Bull. 2016, V, n° 72), la chambre sociale de la Cour de cassation, en énonçant que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond », est revenue sur sa jurisprudence dite du « préjudice nécessaire », dont il résultait que certains manquements fautifs de l’employeur étaient considérés comme source d’un préjudice ouvrant droit à réparation, sans que le salarié ait à prouver spécialement l’existence du dommage résultant du manquement constaté.

Toutefois, la chambre sociale a reconnu l’existence de certaines exceptions à l’obligation de prouver la réalité du préjudice subi lorsque celles-ci résultaient clairement de la règle mise en œuvre. C’est notamment le cas en matière de perte injustifiée de son emploi par le salarié (Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-13.578, Bull. 2017, V, n° 136),  d'absence de mise en place des institutions représentatives des travailleurs, sans procès-verbal de carence (Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392, Bull.),  d'atteinte à la vie privée (Soc., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.583, diffusé) ou en cas d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession (Soc., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-16.283, Bull.). Ces exceptions sont justifiées par le fait que la transgression des textes sur lesquels elles reposent constitue, en elle-même, le préjudice.

Par l’arrêt ici commenté, la Haute juridiction apporte une nouvelle exception à la règle posée en 2016 : en matière de dépassement de la durée maximale du travail, l'existence d'un dommage est présumée. Elle fonde sa décision sur un arrêt de la CJUE (CJUE, arrêt du 14 octobre 2010, Fuss, C-243/09) selon lequel les conditions d'application des règles relatives aux durées maximales de travail ne sont pas subordonnées à l'existence d'un préjudice et leur violation doit entraîner une compensation en repos ou pécuniaire.

L’arrêt est commenté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 4, février 2022, Actualités.

Dépassement d’horaires et de travail exceptionnel et compensation en repos

Soc., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-11.861, FS-B

Sommaire :

Il résulte de l’article L. 3121-24 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et des articles 2, 3 et 5 de l'accord collectif d’entreprise n° 45 du 25 juillet 2002 relatif au règlement des dépassements d’horaires et de travail exceptionnel au sein de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest (CRCO), que les repos compensateurs de remplacement, qui ont pour objet de compenser les heures de travail accomplies au-delà de 39 heures par semaine, ne peuvent être confondus avec les jours de repos sur l’année accordés en contrepartie d’heures de travail accomplies entre 35 et 39 heures, ces jours de repos, au titre de la réduction du temps de travail, étant les seuls visés par l’accord collectif, en ce qu’il impose que les jours de repos RTT soient soldés avant le 31 décembre de l’année.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation statue pour la première fois sur la nature des repos compensateurs de remplacement prévus par un accord d'entreprise.

Au cas précis, elle juge que les jours de repos compensateurs de remplacement ne sont pas de même nature que les jours de repos au titre de la réduction du temps de travail (RTT).

En effet, les jours de repos RTT sont accordés en contrepartie d'heures de travail accomplies entre 35 et 39 heures, afin d'éviter le paiement d'heures supplémentaires, puisque, du fait de ces jours de RTT le seuil de déclenchement des heures supplémentaires n’est pas atteint (Soc., 7 septembre 2017, n° 16-11.495, Bull. V, n° 131). Ils constituent ainsi une créance salariale dont l'attribution est conçue comme un outil d'aménagement du temps de travail et pour laquelle une date limite pour leur prise sur l'année peut être prévue, le salarié ne pouvant, par son abstention, imposer la rémunération de ces heures.

Les jours de repos compensateurs de remplacement s'inscrivent au contraire dans une logique de rémunération des heures de travail effectuées au-delà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Ce faisant, les jours de repos compensateurs de remplacement doivent donc nécessairement être rémunérés ou indemnisés s'ils ne sont pas pris, dans la mesure où ils se substituent au paiement des heures supplémentaires, dont le paiement est dû par l‘employeur.

Aussi, les dispositions de l'accord d'entreprises relatives à la prise de jours de repos RTT avant le 31 décembre de l'année ne sont pas applicables aux salariés concernés, et l'accord d'entreprise ne peut donc prévoir une date limite pour leur prise ni en limiter le report d'une année sur l'autre.

Temps partiel modulé, modification du planning individuel par l’employeur et réduction du délai de prévenance

Soc., 26 janvier 2022, pourvoi n° 19-24.257, FS-B+L

Sommaire :

Il résulte des articles L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, 1.2 du chapitre IV « Statuts particuliers » de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 et 2.1 de l'accord d'entreprise de la société Adrexo du 11 mai 2005, que la révision du planning individuel moyennant une information donnée au salarié dans un délai inférieur à sept jours nécessite que la modification intervienne dans les cas déterminés par les dispositions de l'accord collectif applicable.

Ayant constaté que l'employeur avait modifié le planning des salariés dans un délai inférieur à sept jours sans qu'il justifie de l'existence de travaux urgents ou d'un surcroît de travail, une cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'avait pas respecté les délais de prévenance.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les dispositions conventionnelles relatives à la réduction du délai de prévenance qui s’impose à l’employeur qui souhaite modifier les horaires du salarié à temps partiel modulé.

La chambre sociale détermine, à l’aune des textes applicables (article L. 212-4-6, devenu L. 3123-25, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, article 1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 et article 2.1 d’un accord d’entreprise signé le 11 mai 2005), deux cas de réduction du délai de prévenance :

- une réduction de 7 à 3 jours, qui correspond au cas d'espèce : la convention collective prévoit que cette situation peut intervenir exceptionnellement, lorsqu’un accord d'entreprise prévoit une contrepartie pour les salariés. L’accord d’entreprise précise que cette réduction est possible en cas de travaux urgents ou surcroît d'activité, moyennant contrepartie ;

- une réduction inférieure à 3 jours : la convention collective prévoit que, pour faire face à des situations imprévues ou des contraintes exceptionnelles, cette réduction peut intervenir avec l'accord du salarié en cas de surcroît temporaire d'activité, travaux urgents à accomplir dans un délai limité, absence d'un ou de plusieurs salariés. L’accord d’entreprise précise que l’accord du salarié est matérialisé par la signature de la feuille de route et que cette réduction peut intervenir notamment en cas de nécessité impérative de service ou de surcroît exceptionnel d’activité ou de remplacement d’un salarié absent.

La chambre sociale considère que la réduction du délai de prévenance ne peut avoir lieu que dans les conditions prévues par les accords collectifs applicables et que le seul accord du salarié ne saurait permettre à l’employeur de déroger aux dispositions conventionnelles et de s’affranchir des conditions imposées par l’accord collectif.

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