n°12 - Novembre/Décembre 2021 (Procédure)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation.

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  • procédure prud'homale, procédure civile

Lettre de la chambre sociale

n°12 - Novembre/Décembre 2021 (Procédure)

Procédures collectives et office du juge prud’homal

Soc, 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.529, FS-B

 

Sommaire :

Dès lors que, dans le cadre d’une instance en cours devant la juridiction prud’homale à la date du jugement d’ouverture d’une procédure collective, une cour d’appel constate que les organes de la procédure étaient dans la cause, il lui appartenait de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif de la procédure collective, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

 

Commentaire :

La solution retenue par l’arrêt s’applique aux instances en cours devant la juridiction prud’homale au moment de l’ouverture de la procédure collective et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent (art. L. 622-21 C. Com). En application de l’article L. 625-3 du code de commerce, ces instances en cours se poursuivent après l’ouverture de la procédure collective mais, comme le prescrit l’article L. 622-22 du code de commerce, ne tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Dans cet arrêt, la chambre sociale applique aux créances salariales antérieures à l’ouverture de la procédure collective, la solution retenue par la chambre commerciale (Com., 4 avril 2006, pourvoi n° 05-10.416, Bull. 2006, IV, n°87) en l’adaptant au régime particulier applicable à ces créances, que le salarié est dispensé de déclarer (art. L. 622-24 C.com.) : dès lors que la juridiction prud’homale constate que les organes de la procédure sont dans la cause, il lui appartient de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif de la procédure collective, peu important que les conclusions du salarié aient persisté à solliciter une condamnation au paiement.

En revanche, l’irrecevabilité d’une action en paiement introduite après l’ouverture de la procédure collective à l’encontre du débiteur-employeur, interdite de plein droit, doit toujours être constatée d’office par la juridiction saisie (Com., 12 janvier 2010, pourvoi n° 08-19.645).

Définition de la notion de « prétentions nouvelles en appel »

Soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 20-13.339, FP-B sur le 1er moyen

 

Sommaire :

Les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.

Est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l'indemnisation des conséquences du licenciement qu’un salarié estime injustifié.

 

Commentaire :

La réforme de la procédure prud'homale, introduite par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, applicable aux demandes introduites devant le conseil des prud’hommes à compter du 1er août 2016, a abrogé la règle de l'unicité de l'instance prud'homale et, avec elle, la possibilité de formuler des demandes nouvelles en cause d'appel (art. R. 1452-7 du code du travail). Désormais, le régime de droit commun des articles 564 et 565 du code de procédure civile, relatif à la recevabilité des demandes nouvelles, s’applique.

Par cet arrêt, la chambre sociale résout la question de la recevabilité en appel de demandes nouvelles dans le cadre de ce nouveau dispositif. S’appuyant sur l’approche développée par les autres chambres de la Cour de cassation (voir notamment 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35), la chambre sociale juge qu’au regard de l’article 565 du code de procédure civile, la demande au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle au titre de la nullité du licenciement tendent aux mêmes fins dès lors qu’elles visent à l’indemnisation des conséquences du licenciement dont le salarié soutient qu’il est injustifié. Puisque ces deux demandes tendent aux mêmes fins, le salarié pourra se voir opposer l’autorité de la chose jugée lorsque, débouté de sa demande au titre de la nullité du licenciement par une décision répondant aux conditions de l’article 1355 du code de procédure civile, il engagera une nouvelle action au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il s’agit d’une application du principe de concentration des moyens dégagé par l’arrêt d’Assemblée plénière du 7 juillet 2006 (Ass. plén., 7 juillet 2006, pourvoi n° 04-10.672, Bull. 2006, Ass. Plén., n° 8).

Caducité de la déclaration d’appel en l’absence de signification des conclusions au défenseur syndical constitué

Soc., 8 décembre 2021, pourvoi n° 19-22.810, FS-B

 

Sommaire :

Il résulte de l'article R.1461-1 du code du travail que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical, dans les conditions prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile, selon lequel les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui, ayant relevé que les appelants avaient été informés qu'un défenseur syndical s'était constitué pour le salarié dans le mois de la déclaration d'appel, et constaté qu'ils n'avaient fait signifier leurs conclusions au défenseur syndical que postérieurement au délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile, en a déduit que la déclaration d'appel était caduque.

La caducité de la déclaration d'appel encourue dès lors que les actes n'ont pas été accomplis dans le délai légal ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les parties n'étant pas privées de leur droit d'accès au juge.

 

Commentaire :

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel (Cons. Const., 7 avril 2017, décision 2017-623 QPC; Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-21.349, Bull. 2021, V, publié ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-16.518, Bull. 2021, V, publié, et Soc., 20 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.483, Bull. 2021, V, publié), sur la construction du statut du défenseur syndical crée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. Il répond à la question du délai de transmission des conclusions de l’appelant au défenseur syndical constitué au soutien des intérêts de l’intimé.

La chambre sociale décide que, dès lors que le défenseur syndical s’est régulièrement constitué, l’avocat de l’appelant doit lui notifier ou lui faire signifier ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel, conformément à l’article 911 du code de procédure civile. Le délai de transmission des conclusions au représentant de l’intimé est donc le même que celui-ci soit un avocat ou un défenseur syndical. En effet, si des règles dérogatoires ont été prévues en procédure civile concernant le défenseur syndical (articles 930-2 et 930-3 du code de procédure civile), résultant de son impossibilité d’accéder au réseau privé virtuel des avocats (RPVA), pour le reste, il est assimilé à un avocat.

Par ailleurs, s’agissant de la question de la conventionalité des textes sanctionnant l’absence d’accomplissement de diligences dans le délai légal, par la caducité de la déclaration d’appel, la chambres sociale réaffirme la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle ces dispositions ne sont pas contraires aux exigences de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (2e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n° 13-22.011, Bull. 2014, II, n° 152; 2e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n° 13-22.013, Bull. 2014, II, n° 153; 2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 13-28.017, Bull. 2015, II, n° 207 (2); 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.624, Bull. 2020, II, publié).

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