n°12 - Novembre/Décembre 2021 (Discipline dans l'entreprise)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation.

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Lettre de la chambre sociale

n°12 - Novembre/Décembre 2021 (Discipline dans l'entreprise)

Validité d’un dispositif de vidéosurveillance et protection des données personnelles des salariés

Soc., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-12.263, FS-B

 

Sommaire :

En application de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en œuvre d'un traitement de données à caractère personnel, de l'identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégorie de destinataires de données, de l'existence d'un droit d'accès aux données les concernant, d'un droit de rectification et d'un droit d'opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d'exercice de ces droits.

Selon l’article L. 442-6 du code du travail, applicable à Mayotte, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2006 au 01 janvier 2018, le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.

En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Encourt la cassation l'arrêt qui énonce que la loi du 21 janvier 1995 autorise l’utilisation de système de vidéosurveillance dans des lieux ou des établissements ouverts au public particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol afin d’y assurer la sécurité des biens et des personnes, ce qui est le cas d’une pharmacie dans le contexte d’insécurité régnant à Mayotte et ajoute que les salariés ont été informés de la mise en place de ce système par note de service, en sorte que l’utilisation des enregistrements de vidéosurveillance comme mode de preuve est licite alors que le système de vidéosurveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l'entreprise permettait également de contrôler et de surveiller l’activité des salariés et avait été utilisé par l’employeur afin de recueillir et d'exploiter des informations concernant personnellement la salariée, ce dont il résulte que l'employeur aurait dû informer les salariés et consulter le comité d'entreprise sur l'utilisation de ce dispositif à cette fin et qu’à défaut, ce moyen de preuve tiré des enregistrements de la salariée était illicite et, dès lors, les prescriptions et les dispositions des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invocables.

 

Commentaire :

Le pourvoi pose la question de la licéité d’une preuve provenant d’un dispositif de vidéosurveillance installé dans les locaux d’une pharmacie à des fins de sécurité des biens et des personnes, et non de contrôle de l’activité des salariés. Au regard d’une jurisprudence constante, (Soc., 7 juin 2006, pourvoi n° 04-43.866, Bull. 2006, V, n°206 ; Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.792, Bull. 2019. V, publié), dès lors que ce dispositif permettait un contrôle de leur activité, il devait faire l’objet d’une information spécifique des salariés et du comité d’entreprise. L’employeur ne pouvait, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, se prévaloir à l’appui d’une sanction ou d’un licenciement d’un système de surveillance clandestine utilisé a posteriori à d’autres fins que celles déclarées à la CNIL.

Toutefois, l’espèce est factuellement très proche de l’arrêt de la CEDH du 17 octobre 2019 (CEDH, 17 octobre 2019, Lopez Ribalda et autres c. Espagne, n° 1874/13 et n° 8567/13), qui relativise la portée de l’obligation d’information en considérant que le but légitime poursuivi par l’employeur ne pouvait être atteint par des mesures moins intrusives pour les droits des requérantes, dès lors qu’il avait des soupçons raisonnables d’irrégularités graves et compte tenu de l’ampleur des manques de vente constatés à l’encontre de caissières d’un supermarché. Si l’arrêt, qui considère que la preuve n’était pas illicite, encourt la cassation, la chambre invite donc la cour d’appel de renvoi à procéder à un contrôle de proportionnalité entre droit à la preuve et droit au respect de la vie personnelle, dans la continuité de l’évolution de sa jurisprudence élargissant le champ de la preuve légitime, non seulement au regard du droit à la vie privée stricto sensu (Soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, Bull. 2020, V, publié, commenté à la Lettre de la chambre sociale n°6 – septembre/octobre 2020), mais également à la vie personnelle du salarié dans l’entreprise (Soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203, Bull. 2016, V, n° 209 ; Soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, Bull. 2020, V, publié, commenté à la Lettre de la chambre sociale, n°7- novembre/décembre 2020).

La limite à la recevabilité d’une preuve demeure la preuve déloyale ou obtenue par un stratagème.

L’arrêt est décrypté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 2, décembre 2021, Décryptage.

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