n°12 - Novembre/Décembre 2021 (Contrat de travail, durée déterminée)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation.

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Lettre de la chambre sociale

n°12 - Novembre/Décembre 2021 (Contrat de travail, durée déterminée)

CDD successifs, et remplacement de salariés absents : autonomie des délais de carence

Soc., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-18.336, FS-B

 

Sommaire :

Lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu’il y ait lieu à application d’un délai de carence.

Dès lors, viole le texte susvisé la cour d’appel qui requalifie en un contrat à durée indéterminée quatre contrats à durée déterminée successivement conclus par un même salarié en remplacement de quatre salariés absents au motif qu’un délai de carence n’avait pas été appliqué entre ces contrats.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, qui s’inscrit dans le prolongement d’une jurisprudence constante sur la succession des contrats à durée déterminée pour remplacement de salariés absents (Soc., 16 septembre 2009, pourvoi n° 08-40.187 ; Soc., 4 décembre 2013, pourvoi n° 12-29.170 ; Soc., 14 février 2018, pourvoi n° 16-17.966, Bull. 2018, V, n° 19), la chambre sociale marque la distinction à faire entre les conditions d’application du délai de carence, qui doit séparer certains CDD successifs, des conditions de recours à des CDD successifs conclus pour pourvoir le même poste.

La règle posée à l’article L. 1243-11, alinéa 1er, du code du travail, selon laquelle, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée, ne fait pas obstacle, selon l’article L. 1244-1 du même code, à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu notamment pour le remplacement d'un salarié absent ou encore pour le remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu.

Dans ce cas, n’est pas applicable la règle posée par l’article L. 1244-3 du code du travail qui prescrit, à l’expiration d’un contrat à durée déterminée, un délai de carence. Il n’y a pas en effet l’obligation de respecter un délai de carence entre deux contrats successifs, aux termes de l’article L. 1244-4 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu’il s’agit de contrats successifs conclus sur le même poste, lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé. Et cette même dispense de délai de carence s’applique également lorsqu’il s’agit de remplacer successivement plusieurs salariés absents de l’entreprise, la seule limite à cette succession tenant au fait que celle-ci ne doit pas tendre à satisfaire un besoin structurel de main d'œuvre et donc à pourvoir un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Au cas d’espèce, la cour d’appel, qui avait constaté que plusieurs contrats de travail à durée déterminée avaient été conclus successivement avec un même salarié, aurait dû faire application du seul article L. 1244-1, qui permet cette succession sans délai de carence, dès lors qu’il s’agissait du remplacement de plusieurs salariés absents.

L’arrêt est commenté dans le podcast « La Sociale, le Mag’ » n° 2, décembre 2021, Actualités.

CDD requalifiés et modification unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée

Soc., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.526, FS-B

 

Sommaire :

La conclusion de contrats de travail à durée déterminée, même compris dans la période objet de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, ne constitue pas une modification unilatérale du contrat de travail.

 

Commentaire :

Cet arrêt est une application de la jurisprudence issue de l’arrêt rendu par la chambre sociale le 9 octobre 2013 (Soc., 9 octobre 2013, pourvoi n° 12-17.882, Bull. 2013, V, n° 226), dont il résulte que les effets de la requalification en contrat à durée indéterminée sont limités au terme du contrat et n’affectent pas les autres dispositions contractuelles.

La chambre sociale censure ainsi la cour d’appel qui a retenu l’existence d’une modification unilatérale de la durée de travail et de la rémunération du salarié, en raison de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

En effet, nonobstant cette requalification, les variations de durée de travail ou de rémunération issues des divers contrats conclus pendant la relation de travail résultent de la volonté des parties et ne sont en rien affectées par la requalification de la relation de travail en CDI qui ne porte que sur le terme des CDD requalifiés. Dès lors, sauf vice du consentement, dont la preuve incombe au salarié, la qualification de modification unilatérale du contrat est exclue, le juge devant apprécier la valeur et la portée des diverses modifications contractuelles.

Cette autonomie des autres dispositions contractuelles avait déjà été soulignée en 2017 (Soc., 5 octobre 2017, pourvoi n° 16-13.581, Bull. 2017, V, n° 172). Mais alors que cette décision s’articulait autour de l’appréciation, par le juge, des conséquences de la requalification en matière de rémunération, le cas précis, relatif au même thème, impose au juge d’apprécier la nature et la portée d’éventuelles modifications contrat par contrat.

Contrats d’accompagnement dans l’emploi, manquement à l’obligation de formation et prescription de l’action en requalification

Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 19-14.018, FS-B sur le premier moyen

 

Sommaire :

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Il résulte de la combinaison des articles L. 5134-20, L. 5134-22, L. 1242-3 et L. 1245-1 du même code que l'obligation pour l'employeur d'assurer, dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi, des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue une des conditions d'existence de ce contrat, à défaut de laquelle il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée. L'exécution de l'obligation pour l'employeur d'assurer de telles actions s'apprécie au terme du contrat.

Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié sollicite la requalification de contrats d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière d'orientation et d'accompagnement professionnel, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience, court à compter du terme de chacun des contrats concernés.

 

Commentaire :

La chambre sociale se prononce pour la première fois sur le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pour manquement de l'employeur à son obligation de formation.

Au regard de l'importance de cette obligation, qui est une condition de validité de ces contrats aidés, la chambre sociale énonce le principe selon lequel l'exécution de l'obligation pour l'employeur d'assurer dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi, des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié, s'apprécie au terme de ce contrat.

En outre, elle précise que dans le cas où plusieurs contrats d’accompagnement se sont succédés dans le temps, le point de départ du délai de prescription de l'action, fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations de formation, par laquelle un salarié sollicite la requalification de contrats d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée, court à compter du terme de chacun des contrats concernés.

Contrats d’accompagnement dans l’emploi, calcul de la rémunération et durée légale hebdomadaire

Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 19-14.017, FS-B sur le troisième moyen

 

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 5134-26 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012, la durée hebdomadaire du travail du titulaire d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi ne peut être inférieure à vingt heures, sauf lorsque la décision d'attribution de l'aide le prévoit en vue de répondre aux difficultés particulièrement importantes de l'intéressé. Lorsque le contrat de travail, associé à l'attribution d'une aide à l'insertion professionnelle accordée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, a été conclu pour une durée déterminée avec une collectivité territoriale ou une autre personne de droit public, la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat, sans être supérieure à la durée légale hebdomadaire. Cette variation est sans incidence sur le calcul de la rémunération due au salarié.

Selon l'article R. 5134-36 du code du travail, en application de l'article L. 5134-26 pour le calcul de la rémunération, le nombre d'heures hebdomadaires de travail accomplies est réputé égal à la durée du travail contractuelle. Le programme prévisionnel de la répartition de la durée du travail sur l'année ou sur la période couverte par le contrat de travail est indiqué dans le contrat de travail.

Doit en conséquence être approuvée la cour d'appel, qui après avoir constaté, d'une part, que le contrat avait été conclu avec une personne morale de droit public en sorte que la durée du travail pouvait varier dans les conditions prévues par les articles L. 5134-26 et R. 5134-36 du code du travail, d'autre part, que la durée du travail n'avait jamais été supérieure à la durée légale et que la variation du temps de travail n'avait pas eu d'incidence sur le calcul de la rémunération due à la salariée, a décidé que l'article L. 5134-26 du code du travail ne s'opposait pas à ce que cette variation du temps de travail aboutisse sur certaines semaines à une inactivité totale.

 

Commentaire :

La chambre sociale se prononce pour la première fois sur l'application de l'article L. 5134-26 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012.

En effet, si, en application de ce texte, dans sa rédaction antérieure à la loi précitée du 26 octobre 2012, la chambre sociale a jugé que l'ancien article L. 322-4-7, I, alinéa 7, devenu L. 5134-26 du code du travail, n'autorisait pas l'employeur à faire varier la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de la période couverte par le contrat d'accompagnement dans l'emploi, de sorte que le salarié pouvait remettre en cause des horaires modulés pour réclamer le paiement d'heures complémentaires (Soc., 25 janvier 2012, pourvoi n° 09-42.985, Bull. 2012, V, n° 26), le législateur a expressément prévu dans la nouvelle rédaction de cet article que « la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat, sans être supérieure à la durée légale hebdomadaire. Cette variation est sans incidence sur le calcul de la rémunération due au salarié ».

Ainsi, au cas précis, la chambre sociale approuve la cour d'appel qui a considéré que cet article ne s'opposait pas, dans les circonstances de l'espèce, à ce que cette variation du temps de travail aboutisse à une inactivité totale durant certaines semaines. Cet arrêt donne toute sa portée à la réforme issue de la loi du 26 octobre 2012 et permet de prendre en compte les variations de durée du travail de salariés recrutés au profit de personnes publiques dont l’activité est suspendue ou largement réduite pendant les périodes de vacances scolaires.

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