n°11 - Septembre/Octobre 2021 (Action en justice)

Lettre de la chambre sociale

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation (Contrat de travail à durée déterminée, durée du travail, rémunération en frais professionnels, santé au travail, rupture du contrat de travail, représentation des salariés, statut collectif du travail, action en justice, statut particulier).

  • Travail
  • contrat de travail à durée déterminée
  • travail réglementation, durée du travail
  • travail réglementation, rémunération
  • etat de santé - accident du travail et maladie professionnelle
  • contrat de travail, rupture
  • représentation des salariés
  • statut collectif du travail
  • action en justice
  • statuts professionnels particuliers

Lettre de la chambre sociale

n°11 - Septembre/Octobre 2021 (Action en justice)

Article 145 du code de procédure civile en cas de discrimination et contrôle de proportionnalité par le juge

Soc., 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-26.144, F-B

Sommaire n° 1 :

La procédure prévue par l'article 145 du code de procédure civile ne peut être écartée en matière de discrimination au motif de l'existence d'un mécanisme probatoire spécifique résultant des dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail.

 

Sommaire n° 2 :

Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Il appartient dès lors au juge saisi d'une demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, d'abord, de rechercher si cette communication n'est pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s'il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que la procédure prévue par l’article 145 du code de procédure civile est applicable en matière de discrimination, même s’il existe un régime de preuve spécifique dans ce cadre.

La chambre sociale définit en outre le mode opératoire que doit suivre le juge saisi sur ce fondement en synthétisant les conditions d’une demande de communication de preuve in futurum en matière de discrimination.

Elle distingue ainsi, dans le contrôle de proportionnalité que doit exercer le juge, selon que la demande porte sur des documents non personnels, ou des documents personnels. Dans le premier cas, le juge doit rechercher si cette communication est « nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée », alors que dans le second cas, il doit vérifier quelles mesures sont « indispensables à l’exercice du droit à la preuve ».

Effets de l’abrogation du principe d’unicité de l’instance prud’homale sur la recevabilité des demandes

Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-10.634, FS-+B sur le 1er moyen

 

Sommaire :

En application de l'article 2 du code civil, la loi nouvelle ne peut modifier les effets légaux d'une situation juridique définitivement réalisée lors de son entrée en vigueur.

Si le principe de l'unicité de l'instance a été abrogé par l'article 8 du décret du 20 mai 2016 pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016, cette abrogation ne peut aboutir à rendre recevables des demandes qui, au jour de l'entrée en vigueur dudit décret, étaient irrecevables.

Encourt dès lors la cassation un arrêt qui, en déclarant recevable une demande, formée dans le cadre d'une action introduite postérieurement au 1er août 2016, portant sur des rémunérations échues antérieurement à la clôture des débats d'une instance précédente, a remis en cause les effets juridiques d'une situation définitivement réalisée.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur la question inédite de savoir si, lorsqu’une nouvelle instance n’est plus soumise au principe de l’unicité de l’instance, comme introduite devant le conseil de prud’hommes à compter du 1er août 2016, les demandes relatives à des créances échues antérieurement à la clôture des débats intervenue dans une précédente instance, soumise à ce principe, sont recevables.

La chambre sociale considère que les demandes non présentées lors de la première instance sont irrecevables dans le cadre de la nouvelle instance, en vertu du principe de non-rétroactivité des règles procédurales : la suppression du principe de l’unicité de l’instance ne peut pas remettre en cause une situation juridique acquise antérieurement.

Mentions de l’acte de notification d’un jugement prud’homal et modalités de recours : application au défenseur syndical

Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-16.518, FS-B

Sommaire :

Il résulte des articles 680 du code de procédure civile et L. 1453-4 du code du travail que l'acte de notification d'un jugement de conseil de prud'hommes rendu en premier ressort doit, pour faire courir le délai de recours, indiquer que le défenseur syndical que peut constituer l'appelant est soit celui qui l’a assisté en première instance soit un défenseur syndical territorialement compétent pour exercer ses fonctions devant la cour d’appel concernée.

 

Commentaire :

Selon l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente notamment le délai d'appel « ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ».

Il a été jugé que le délai d'appel n'a pas commencé à courir quand la notification du jugement ne comportait pas l'indication que l'avocat constitué par l'appelant ne peut être qu'un avocat admis à postuler devant un tribunal de grande instance dépendant du ressort de la cour d'appel concernée (2ème Civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-18.772, Bull. 2015, II, n° 91).

Dans cette affaire, la question posée à la chambre sociale était relative à l’application de la disposition précitée à l'appel formalisé par le défenseur syndical : dans l’affirmative, le défaut d’indication, dans l’acte de notification, des modalités selon lesquelles le recours peut être exercé par un défenseur syndical, est-il de nature à conduire à ce que l'acte de notification ne fasse pas courir le délai de recours ?

 

Par le présent arrêt, la chambre sociale étend aux défenseurs syndicaux cette jurisprudence relative aux avocats en l'adaptant aux spécificités concernant la compétence territoriale du défenseur syndical, laquelle est prévue par l'article L.1453-4 du code du travail, et en prenant en compte l'interprétation donnée à ce texte par le Conseil constitutionnel dans une décision récente (Cons. constit., décision n° 2019-831 QPC du 12 mars 2020) rendue sur question prioritaire de constitutionnalité de la chambre (Soc., 18 décembre 2019, pourvoi n° 19-40.032, publié).

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