N°9 - Mars/avril 2021 (Contrat de travail, exécution)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°9 - Mars/avril 2021 (Contrat de travail, exécution)

Validité du certificat E101 et décision de condamnation pénale pour travail dissimulé, devenue définitive

Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 16-16.713, FP-P+R+I

Sommaire :

D’une part, par arrêt du 14 mai 2020 (Bouygues travaux publics e.a., C-17/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit qu’un certificat E 101, délivré par l’institution compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, point 1, sous a), ou de l’article 14, point 2, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71, à des travailleurs exerçant leurs activités sur le territoire d’un autre État membre, et un certificat A 1, délivré par cette institution, au titre de l’article 12, paragraphe 1, ou de l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004, à de tels travailleurs, s’imposent aux juridictions de ce dernier État membre uniquement en matière de sécurité sociale.

Il en résulte que le maintien d’un certificat E101 ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’État membre d’accueil applique les règles nationales de droit du travail relatives à la relation de travail en cause et sanctionne la violation par l’employeur d’obligations que le droit du travail met à la charge de celui-ci.

D’autre part, par arrêt du 2 avril 2020 (CRPNPAC et Vueling airlines, C-370/17 et C-37/18), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que :

1°. l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 574/72 doit être interprété en ce sens que les juridictions d’un État membre, saisies dans le cadre d’une procédure judiciaire diligentée contre un employeur pour des faits de nature à révéler une obtention ou une utilisation frauduleuses de certificats E 101 délivrés au titre de l’article 14, point 1, sous a), du règlement n° 1408/71, à l’égard de travailleurs exerçant leurs activités dans cet État membre, ne peuvent constater l’existence d’une fraude et écarter en conséquence ces certificats qu’après s’être assurées, d’une part, que la procédure prévue à l’article 84 bis, paragraphe 3, de ce règlement a été promptement enclenchée et l’institution compétente de l’État membre d’émission a été mise en mesure de réexaminer le bien-fondé de la délivrance desdits certificats à la lumière des éléments concrets soumis par l’institution compétente de l’État membre d’accueil qui donnent à penser que les mêmes certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et, d’autre part, que l’institution compétente de l’État membre d’émission s’est abstenue de procéder à un tel réexamen et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur ces éléments, le cas échéant, en annulant ou en retirant les certificats en cause.

2°. l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 574/72, et le principe de primauté du droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, dans le cas où un employeur a fait l’objet, dans l’État membre d’accueil, d’une condamnation pénale fondée sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance de ce droit, à ce qu’une juridiction civile de cet État membre, tenue par le principe de droit national de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, mette à la charge de cet employeur, du seul fait de cette condamnation pénale, des dommages-intérêts destinés à indemniser les travailleurs ou un organisme de retraite de ce même État membre victimes de cette fraude.

Doit en conséquence être cassé l’arrêt qui, pour condamner un employeur à payer diverses sommes à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d’activité pour défaut de déclaration aux organismes de sécurité sociale et de dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France, se fonde, en présence d’un certificat E 101 dont la validité a été confirmée par l’autorité émettrice, sur l’autorité de la chose jugée revêtue par une condamnation pénale reposant sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance du droit de l’Union européenne.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Rétrogradation disciplinaire : la signature d’un avenant au contrat de travail ne vaut pas renonciation par le salarié à contester sa sanction

Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-12.180, FS-P

Sommaire :

L’acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction.

Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui retient que le salarié qui a signé l'avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire n'est plus fondé à la remettre en cause, alors qu'il appartenait à la cour d'appel de s'assurer, comme elle y était invitée, de la réalité des faits invoqués par l'employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée.

 

Commentaire :

En rappelant que l'acceptation par le salarié d’un avenant à son contrat de travail, entérinant en réalité une sanction disciplinaire modifiant ce contrat, n'emportait pas renonciation du droit du salarié à contester par la suite la régularité et le bien-fondé de cette sanction, la chambre confirme sa jurisprudence antérieure.

En effet, cette position avait déjà été affirmée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation en chambre mixte. Dans cette affaire où un salarié avait fait l'objet d'une rétrogradation disciplinaire et avait signé en conséquence un avenant à son contrat de travail, la Cour avait jugé que le salarié conservait la faculté de contester la sanction dont il avait fait l'objet (Ch. mixte., 18 mai 2007, pourvoi n° 05-40.803, Bull. 2007, Ch. Mixte, n°3, publié au Rapport annuel de la Cour de cassation)

Un arrêt non publié avait pu prêter à confusion, dans la mesure où la chambre sociale y rappelait le principe selon lequel ‟la modification du contrat de travail par l'employeur, pour quelque cause que ce soit, nécessite l'accord du salarié”, et entérinait la solution rendue en appel considérant que « la salariée, qui n'avait pas évoqué l'existence d'une sanction pécuniaire, avait donné son accord à la modification de son contrat de travail” pour rejeter sa demande en annulation de la sanction disciplinaire (Soc., 30 novembre 2016, pourvoi n°15-14.572).

Le présent arrêt revient donc à la position habituelle de la chambre en matière de sanction disciplinaire, dont le régime l’emporte sur celui de la modification du contrat de travail.

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