N°8 - Janvier/février 2021 (Représentation collective)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°8 - Janvier/février 2021 (Représentation collective)

Élections professionnelles : le recours au vote électronique relève du contentieux de la régularité des opérations électorales

Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-23.533, FS-P+R+I

Sommaire 1 :

Il résulte du premier alinéa de l'article L. 2314-32 du code du travail que les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats en application de l'article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire, et de l'article R. 2314-32 que les contestations prévues à l'article L. 2314-32 sont jugées en dernier ressort.

Le recours au vote électronique, qu'il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur, constitue une modalité d'organisation des élections et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales.

 

Sommaire 2 :

Il résulte des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail que la possibilité de recourir au vote électronique pour les élections professionnelles peut être ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe, et, à défaut d'accord, par une décision unilatérale de l'employeur.

Il ressort de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d'un vote électronique.

Dès lors que le législateur a expressément prévu qu'à défaut d'accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d'une décision unilatérale de l'employeur, cette décision unilatérale peut, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou dans le groupe, être prise par l'employeur sans qu'il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail.

 

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Liberté syndicale et avantages nés d’un accord collectif tenant aux cotisations syndicales

Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-10.672, FP-P+R

Sommaire :

Un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l'activité syndicale dans l'entreprise, et dans ce cadre, en vue d'encourager l'adhésion des salariés de l'entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l'employeur d'une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d'adhérer ou de ne pas adhérer au syndical de son choix, ne permet pas à l'employeur de connaître l'identité des salariés adhérant aux organisations syndicales et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu'aux syndicats non représentatifs dans l'entreprise.

Toutefois, le montant de la participation de l'employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales, au regard du critère d'indépendance visé à l'article L. 2121-1 du code du travail.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

La référence au comité d’entreprise, délégué du personnel ou CHSCT dans un accord antérieur à 2017 ne conduit pas nécessairement à sa caducité.

Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 19-24.400, F-P+I

Sommaire :

En vertu de l'article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les stipulations des accords d'entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application des dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Restent en conséquence applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 9, VII, précité. Lorsqu'une clause de ces accords se réfère aux termes "comité d'entreprise", "délégation unique du personnel", "délégué du personnel" ou "comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail", il y a lieu d'y substituer les termes de "comité social et économique" dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en œuvre de cette clause.

 

Commentaire :

L'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 a prévu en son article 9, VII, que tous les accords collectifs antérieurs à son entrée en vigueur, qui concernent la mise en place et le fonctionnement des anciennes institutions représentatives du personnel et qui ne peuvent plus recevoir application dans le cadre du nouveau comité social et économique, sont caducs de plein droit. La chambre a jugé que restaient cependant en vigueur les accords qui, tout en étant en lien avec la mise en place et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, ne sont pas atteints par les changements induits par la création du comité social et économique (Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-18.401, Bull. 2020, V, en cours de publication).

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que ces accords peuvent continuer à recevoir application même quand ils comportent les termes de « comité d'entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail » dès lors qu'il ne s'agit que d'une simple question de terminologie et qu'il suffit, pour permettre cette application sans en changer le sens, d’y substituer les termes de « comité social et économique ».

Portée de l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 quant à la durée des mandats de représentation en cours au jour de la mise en place du CSE

Soc., 10 février 2021, pourvoi n° 19-14.021, FS-P+I

Sommaire 1 :

Aux termes de l'article 9, III, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, pour assurer la mise en place du comité social et économique, la durée du mandat des délégués du personnel, des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être, pour un établissement ou pour l'ensemble de l'entreprise, prorogée ou réduite, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée, de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de la mise en place du comité social et économique et, le cas échéant, du comité social et économique d'établissement et du comité social et économique central.

Il en résulte qu'un accord qui prévoit la mise en place d'un comité social et économique à une certaine date a nécessairement pour conséquence la réduction des mandats en cours des membres des anciens comités d'entreprise qui prennent fin au jour de la mise en place du comité social et économique.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale tranche une question de droit transitoire née de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, qui a institué le comité social et économique (CSE). L’ordonnance a en effet prévu que le CSE serait mis en place à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, au moment du renouvellement des institutions représentatives du personnel préexistantes et au plus tard le 31 décembre 2019.

Pour faciliter la mise en place de cette institution représentative ainsi créée, il a cependant été prévu la possibilité, par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur, de proroger ou au contraire de réduire la durée des mandats en cours (article 9, III, de l’ordonnance précitée).

Au cas précis, un accord collectif avait été conclu le 15 mars 2018 entre l’employeur et les syndicats représentatifs relatif à la mise en place d’un CSE unique et de ses modalités de fonctionnement. Des élections avaient eu lieu le 2 juillet 2018 instituant ledit CSE. Les syndicats soutenaient que cet accord ne contenant aucune disposition sur les mandats des représentants du comité d’entreprise, ceux-ci restaient toujours en cours jusqu’à leur terme, c’est-à-dire jusqu’au 29 avril 2019.

La chambre sociale de la Cour de cassation fournit la grille de lecture des dispositions transitoires précitées : dès lors qu’un accord collectif prévoit la mise en place d’un CSE à une certaine date, cela entraîne nécessairement la réduction des mandats en cours, ceux-ci prenant fin le jour de la mise en place du CSE.

Limitations à la liberté de circulation des représentants du personnel : alignement au régime de la grève

Soc., 10 février 2021, pourvoi n° 19-14.021, FS-P+I

Sommaire 2 :

La liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux au sein de l'entreprise est un principe d'ordre public, qui ne peut donner lieu à restrictions qu'au regard d'impératifs de santé, d'hygiène ou de sécurité ou en cas d'abus. Elle s'exerce de la même façon en cas de mouvement de grève.

C'est dès lors à bon droit, sans remettre en cause la légitimité d'une action revendicative des représentants du personnel et syndicaux, pouvant s'exercer sous la forme d'une cessation collective et concertée du travail, qu'une cour d'appel qui relève de la part des représentants participant au mouvement de grève des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle d'un hôtel par usage de mégaphones et de sifflets dans les couloirs de l'hôtel, interpellation des salariés non-grévistes, distribution de tracts aux clients, entrée de force dans une chambre occupée, a pu, au regard de ces comportements qu'elle estime abusifs, dire justifiées et proportionnées aux abus constatés les restrictions provisoires imposées par l'employeur, consistant dans un premier temps dans l'interdiction d'accès à l'hôtel, puis, après quelques jours, à conditionner l'accès à l'absence d'utilisation de matériel sonore et d'entrée dans les chambres de l'hôtel.

 

Commentaire :

La présente affaire est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que les conditions d’exercice du droit de grève ne doivent pas dégénérer en abus.

L’article L. 2143-20 du code du travail et les articles L. 2315-5 et L. 2325-11 du même code, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 13 mars 2007, disposent que les représentants du personnel peuvent, tant durant les heures de délégation qu’en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés. Le droit de circuler librement dans l’entreprise est un droit fondamental des représentants du personnel et des représentants syndicaux (Crim., 8 mai 1973, pourvoi n° 72-92.386, Bull. crim. 1973, n° 212). Toutefois, la liberté de circulation peut être restreinte en raison d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité, ou en cas d’abus. Dans cette hypothèse, l’employeur peut imposer des mesures restrictives à condition qu’elles soient justifiées au regard des abus constatés, et proportionnées.

Au cas d’espèce, la chambre sociale précise que ces règles s’appliquent dans le cadre de la participation des salariés à un mouvement de grève. Ainsi un employeur peut il imposer aux grévistes, travaillant au sein d’un hôtel de luxe, de cesser d’apporter une gêne anormale aux clients de l’hôtel et aux autres salariés en leur demandant dans un premier temps de ne pas rentrer dans l’hôtel, puis en conditionnant l'accès à l'absence d'utilisation de matériel sonore et d'entrée dans les chambres de l'hôtel.

Négociation collective des accords interbranches ou de fusion de branche : détermination des syndicats représentatifs en l’absence d’une liste établie par le ministre chargé du travail

Soc., 10 février 2021, pourvoi n° 19-13.383, FS-P+R+I

Sommaire :

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2121-1, L.2121-2 et  L.2122-11 que, sans préjudice de l'application des règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales propres aux accords interbranches ou aux accords de fusion de branches, le ministre chargé du travail est compétent pour, s’il y a lieu, arrêter, sous le contrôle du juge administratif, la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une « branche professionnelle » au sens de l’article L. 2122-11 du code du travail.

Dès lors, les partenaires sociaux qui souhaitent négocier dans un champ professionnel qui n’a pas donné lieu à l’établissement d’une liste des syndicats représentatifs par arrêté du ministère du travail en application de l’article L.2122-11 du code du travail ou à l’issue d’une enquête de représentativité en application de l’article L. 2121-2 du même code doivent, avant d’engager la négociation collective, demander, dans les conditions précitées, à ce qu’il soit procédé à la détermination des organisations représentatives dans le champ de négociation pour s’assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

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