N°8 - Janvier/février 2021 (Durée du travail)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°8 - Janvier/février 2021 (Durée du travail)

Durée du travail : caractérisation de la notion d’astreinte

Soc., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-10.956, FS-P+I

Sommaire :

Selon l'article L. 3121-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.

Dès lors, le salarié qui, aux termes de ses contrats de travail, était tenu d'être disponible un certain nombre de jours par mois pour pouvoir être joint afin de répondre à une éventuelle demande d'intervention immédiate au service de l'entreprise, était contractuellement soumis à des astreintes.

 

Commentaire :

Le présent arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence relative à la caractérisation de l’astreinte assurée par le salarié.

Ainsi, la Cour avait-elle pu décider que pouvaient constituer des périodes d’astreinte les périodes durant lesquelles les salariés restaient à leur domicile ou en tout lieu leur de choix dès lors qu’ils pouvaient être joints par l’employeur, notamment, à l’aide des moyens de téléphonie mobile mis à leur disposition en vue de répondre à un appel de l’employeur pour effectuer un service urgent au service de l’entreprise (Soc., 10 juillet 2002, pourvoi n° 00-18.452, Bull. 2002, V, n° 238).

Au cas précis, le salarié avait la possibilité de choisir les périodes de disponibilité durant lesquelles des missions pourraient lui être proposées et pouvait les annuler. Mais durant les périodes choisies, il devait se tenir à la disposition de l’employeur. La chambre sociale décide dès lors que, nonobstant cette souplesse d’organisation, le temps de disponibilité que le salarié devait contractuellement à l’employeur constituait une astreinte.

Durée du travail : régime probatoire des heures supplémentaires et fixation des créances salariales par le juge

Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 17-31.046, FP-P+R+I

Sommaire 1 :

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Fait peser sur le seul salarié et viole l’article L. 3171-4 du code du travail, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande au titre des heures supplémentaires, retient que le décompte produit est insuffisamment précis en ce qu'il ne précise pas la prise éventuelle d'une pause méridienne, alors qu’il résultait de ses constatations, d’une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, d’autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Durée du travail : requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet

Soc., 17 février 2021, pourvoi n° 18-16.298, FS-P+I

Sommaire :

Il résulte des articles L. 3123-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, L. 3123-25 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, et de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, que, sauf exception résultant de la loi, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d'exécution, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu'il devait travailler selon des horaires dont il n'avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu'il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l’année ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l’accord d’entreprise, ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n’a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement.

Dès lors, est censurée une cour d’appel qui, pour requalifier les contrats de travail à temps partiel modulé en contrats à temps complet en raison d’une durée de travail supérieure à celle prévue par le contrat de travail, n’a pas vérifié si les salariés n’avaient pas eu connaissance de leurs horaires de travail de sorte qu’ils étaient placés dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler et qu’ils se trouvaient dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

 

Commentaire :

Cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence relative au contrat à temps partiel modulé (Soc., 12 septembre 2018, pourvoi n° 16-18.030, 16-18.037, en cours de publication ; Soc., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.447, en cours de publication)

La chambre sociale précise ainsi les règles en matière de charge de la preuve lorsque le salarié sollicite la requalification de son contrat à temps partiel en temps plein, en raison des conditions d'exécution du contrat, en dehors des exceptions résultant de la loi (à savoir, le non-respect des conditions et des délais de notification des horaires, le non-respect de la communication du programme indicatif ou l'exécution d'une durée de travail égale à la durée légale ou conventionnelle, cas dans lesquels il est institué une présomption simple de temps complet que l’employeur peut renverser).

Le seul dépassement des horaires contractuels ne justifie la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet que si les salariés démontrent ne pas avoir eu connaissance de leurs horaires de travail, si bien qu’ils n’ont pas pu prévoir ces horaires et qu’ils ont dû se tenir constamment à disposition de leur employeur.

 

Soc., 17 février 2021, pourvoi n° 18-26.545, PS-P+I

Sommaire :

Il résulte de l’article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, et des articles 1134 alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil, qu’en cas d’avenant ou de nouveau contrat à temps partiel modulé conforme aux exigences légales et conventionnelles, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d’exécution, la requalification de ce contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu’il devait travailler selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu’il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Dès lors, est censurée une cour d’appel qui,  pour requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, n’a pas recherché, comme il le lui était demandé, si après la conclusion d’un avenant qui avait augmenté la durée mensuelle du travail, le salarié avait eu connaissance de ses horaires de travail de sorte qu’il n’était plus placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il ne se trouvait plus dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise qu’en cas d’avenant ou de nouveau contrat à temps partiel modulé conforme aux exigences légales et conventionnelles, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d’exécution, la requalification de ce contrat à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu’il devait continuer, après cet avenant, à travailler selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu’il était placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il se trouvait dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

La chambre sociale censure l’arrêt qui n’a pas procédé à ces vérifications et qui avait transposé à la durée du travail la solution retenue dans le domaine de la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée selon laquelle la requalification produisait ses effets à compter de la première irrégularité jusqu’à la fin de la relation contrat de travail  (Soc., 6 novembre 2013, pourvoi n° 12-15.953, Bull. 2013, V, n° 259), peu important la conclusion entre-temps de nouveaux contrats à durée déterminée ou une longue interruption entre ces contrats, sans qu’il soit démontré que le salarié se soit tenu à la disposition de l’employeur (Soc., 3 mai 2016, pourvoi n° 15-12.256, Bull. 2016, V, n° 81).

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