N°8 - Janvier/février 2021 (Contrat de travail / Rupture)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°8 - Janvier/février 2021 (Contrat de travail / Rupture)

Licenciement et protection du salarié : connaissance par l’employeur de l’imminence de la désignation du conseiller du salarié

Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-17.489, FS-P+I

Sommaire :

Pour l’application des articles L. 2411-1, 16°, et L. 2411-21 du code du travail, c'est au moment de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement que l'employeur doit avoir connaissance de l’imminence de la désignation d’un salarié en qualité de conseiller du salarié.

Doit en conséquent être censurée la cour d’appel qui annule le licenciement d’une salariée pour absence d'autorisation administrative de licenciement, aux motifs que celle-ci a informé l'employeur de l'imminence de sa candidature aux fonctions de conseiller du salarié antérieurement à l'entretien préalable au licenciement du 12 novembre 2014, alors qu’il résultait de ses constatations que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 30 octobre 2014 et que l’employeur n’avait eu connaissance de l’imminence de la désignation de l’intéressée en qualité de conseiller du salarié que le 6 novembre 2014, soit postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement.

 

Commentaire :

Dans la présente affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles peut être reconnue une situation d’imminence de la désignation d’un salarié en qualité de conseiller du salarié, pour déterminer si le salarié désigné comme conseiller du salarié bénéficie de la protection statutaire en cas de licenciement.

Elle avait jugé, à propos de salariés protégés au titre de l’imminence de leur désignation comme délégué syndical ou de leur candidature aux élections professionnelles, que l’employeur doit avoir connaissance de l’imminence de la désignation au plus tard à la date de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement (Soc., 1er mars 2005, pourvoi n° 03‐40.048, Bull 2005, V, n° 75).

En l’espèce, elle aligne le régime précité à la protection du salarié désigné conseiller du salarié : la protection statutaire est acquise si l’employeur a connaissance de l’imminence de la désignation du salarié en qualité de conseiller du salarié au moment de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable.

Licenciement pour motif économique et contestation de la rupture du contrat de travail : précision du point de départ du délai de prescription en cas d’adhésion au CSP

Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-16.564, F-P+B

Sommaire :

Il résulte de  l'article L. 1233-67 du code du travail que, lorsqu'un salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, le délai de prescription de douze mois de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail ou de son motif court à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, et non à compter de l’expiration du délai de réflexion de vingt-et-un jours courant à partir de la remise du document proposant le contrat de sécurisation professionnelle, date à laquelle intervient la rupture du contrat de travail.

 

Commentaire :

La Cour de cassation précise le point de départ du délai de prescription pour la contestation de la rupture du contrat de travail en cas d'adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle.

Ce délai court à compter de l'adhésion au contrat ainsi que le prévoit expressément l'article L. 1233-67 du code du travail, et non à compter de l'expiration du délai de réflexion ouvert par la remise du document proposant cette adhésion.

La Cour de cassation met ainsi fin à une divergence d'interprétation qui avait pu naître entre les cours d'appel sur cette question.

Nullité du licenciement : une demande de réintégration tardive peut être abusive

Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-14.050, FS-P+I

Sommaire :

En cas de licenciement nul, le salarié qui sollicite sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration. Toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de cette nullité, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation généralise pour l’ensemble des licenciements nuls une solution énoncée en 2013 pour les salariés dont le licenciement est nul pour violation du statut protecteur (Soc., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-27.996, 11-27.964, Bull. 2013, V, n° 83 ; Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.716, en cours de publication) et admise pour un salarié dont la mise à la retraite d’office est nulle en raison d’une discrimination fondée sur l’âge (Soc., 22 janvier 2020, pourvoi n° 17-31.158, en cours de publication).

Si le salarié dont le licenciement est nul peut demander sa réintégration sans condition de délai, en revanche lorsque cette demande est formulée de manière abusivement tardive, le montant de l’indemnité due à ce titre, en principe égal au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, peut être réduit. L’indemnité n’est plus alors forfaitaire, mais fixée par le juge en fonction des circonstances de la cause et du préjudice réellement subi par le salarié.

Licenciement collectif pour motif économique : conséquences de l’annulation par le juge administratif de la décision de validation de l’accord collectif portant sur le contenu du PSE

Soc., 13 janvier 2021 pourvoi n° 19-12.522, FS-P+I

Sommaire 1 :

Il résulte des articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, que la procédure de licenciement collectif pour motif économique est nulle en cas d'annulation par la juridiction administrative d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 si cette annulation se fonde sur l'absence ou l'insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi.

Tel n'est pas le cas de l'annulation par la juridiction administrative d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au motif de l'erreur de droit commise par l'administration en validant un accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par l’article L. 1233-24-1 du code du travail, qui donne lieu à l'application des dispositions de l'article L. 1235-16 du même code.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise qu’au regard des textes en vigueur, seule l’annulation d’une décision administrative de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi prononcée pour absence ou insuffisance du plan a pour effet l’annulation des licenciements économiques.

Il n’en va pas de même lorsque le plan de sauvegarde a été élaboré et validé ou homologué, mais que la décision administrative est ultérieurement annulée pour un motif autre que celui de son absence ou insuffisance. Dans ce cas, les licenciements économiques ne sont pas nuls. Ils sont assimilés à des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Les salariés peuvent être réintégrés si les parties en sont d’accord, avec maintien des avantages acquis. A défaut, ils ont droit à une indemnité au moins égale à six mois de salaire.

En l’espèce, la décision administrative de validation de l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi avait été annulée en raison d’une erreur de droit commise par l’administration quant au caractère majoritaire de l’accord. C'est un autre motif que celui de l’absence ou d’insuffisance du plan qui a entraîné l'annulation de la décision de validation et ce sont dès lors les dispositions de l'article L. 1235-16 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui s’appliquent ; elles ouvrent droit à réintégration ou à une indemnité de 6 mois de salaire minimum.

Licenciement collectif pour motif économique : insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, manquement de l’employeur à l’obligation de reclassement et indemnisation des salariés licenciés

Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-23.535, FP-P+R+I

Sommaire :

Il résulte de l'article L. 1234-9 du code du travail que l'indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l'employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail.

Il résulte par ailleurs de l'article L.1235-3 du même code que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi.

Dès lors, une cour d'appel qui constate que les salariés licenciés pour motif économique dont l'action en responsabilité était dirigée contre la banque ayant accordé des crédits ruineux à leur employeur, avaient bénéficié d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, en déduit justement que les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et de la perte d'une chance d'un retour à l'emploi optimisé en l'absence de moyens adéquats alloués au plan de sauvegarde de l'emploi avaient déjà été indemnisés.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

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