N°8 - Janvier/février 2021 (Action en justice)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°8 - Janvier/février 2021 (Action en justice)

Péremption de l’instance prud’homale et étendue des pouvoirs traditionnels du juge de la mise en état

Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-21.422, FS-P+I

Sommaire :

Si, en application de l'article 446-2 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010, le juge ne peut fixer les délais et conditions de la communication entre parties de leurs prétentions, moyens et pièces, qu'après avoir recueilli l'accord des parties comparantes, il peut toujours, pour mettre l'affaire en état d'être jugée, prescrire des diligences à la charge des parties, telles que le dépôt au greffe de la cour d'appel de leurs conclusions écrites et pièces.

Dès lors, une cour d'appel qui constate que des ordonnances du magistrat chargé d'instruire l'affaire prévoyaient que chaque partie devait adresser à la cour d'appel ses conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat, et que les appelants n'avaient pas conclu pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, en déduit justement que la péremption d'instance est acquise.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise l’articulation de l’ancien article R. 1452-8 du code du travail, avec les dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010.

L’article R. 1452-8 du code du travail, abrogé par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, prévoyait qu’« en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ». L’article 446-2 du code de procédure civile dispose que le juge ne peut fixer les délais et conditions de la communication entre parties de leurs prétentions, moyens et pièces, qu’après avoir recueilli l’accord des parties comparantes.

La chambre sociale décide que les dispositions de cet article, qui ont introduit, devant les juridictions civiles soumises à la procédure orale, la possibilité d’une mise en état empruntant à la procédure civile écrite, n’épuisent pas les pouvoirs traditionnels du juge de mettre une affaire en état d’être jugée. Le juge peut donc toujours prescrire, sans l’accord des parties, des diligences telle que le dépôt au greffe de conclusions écrites et de pièces. Ces injonctions constituant, en dépit du caractère oral de la procédure, des diligences au sens de l’article R. 1452-8 du code du travail (Soc., 11 juin 2002, pourvoi n° 00-42.654, Bull. 2002, V, n° 202 ; Soc., 9 mars 2005, pourvoi n° 02-46.319, Bull. 2005, V, n° 82), la péremption d’instance est acquise lorsque les parties s’abstiennent de les accomplir pendant le délai de deux ans.

Action en justice d’un syndicat : violation de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire et atteinte à l’intérêt collectif de la profession

Soc., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-16.283, FS-P+I

Sommaire 2 :

Selon l’article L. 2132-3 alinéa 2 du code du travail, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

La violation des dispositions d’un accord de branche cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession.

La cour d’appel qui après avoir retenu que les dispositions de l’accord avaient été violées doit évaluer le préjudice en résultant.

 

Commentaire :

Le présent arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence (Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n°19-12.775, publié au Bulletin des chambres civiles),par laquelle la chambre sociale de la Cour de cassation considère que la violation des dispositions d’un accord collectif constitue une atteinte à l’intérêt collectif de la profession et cause ainsi nécessairement un préjudice aux organisations syndicales en charge de sa défense.

Il appartient aux juges du fond d’évaluer ce préjudice.

Portée de la clause générale de renonciation à toutes actions insérée dans une transaction, en cas de conflit ultérieur sur les obligations des parties au titre d'une clause de non-concurrence

Soc., 17 février 2021, pourvoi n° 19-20.635, FS-P+I

Sommaire :

Il résulte des dispositions des articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 2048 et 2049 du même code, que les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence sont comprises dans l'objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relative à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail .

 

Commentaire :

La présente affaire posait la question de la portée d’une transaction comportant une clause de renonciation générale à toutes actions, en cas de conflit ultérieur relatif au paiement de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence. Une telle clause fait-elle échec à la demande en paiement de cette contrepartie alors même que l'employeur n'a pas expressément renoncé à l'obligation de non-concurrence ?

S’agissant de la portée d’une transaction, il est de jurisprudence constante que dès lors qu’une partie a, aux termes d’une transaction, renoncé à toutes réclamations de quelque nature qu'elles soient à l'encontre de son employeur relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail, toute action en justice devient irrecevable (Ass. plén., 4 juillet 1997, pourvoi n° 93-43.375, Bull. 1997, Ass. plén. n° 10 ; Soc., 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-18.984, Bull. 2014, V, n° 260 ; Soc., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-20.040, Bull. 2017, V, n° 7 ; Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-25.426, Bull. 2018, V, n° 96).

Il résulte du présent arrêt que l’autorité de la chose jugée attachée à une transaction par laquelle les parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relative à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, fait obstacle à la demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, une telle clause entrant dans l’objet de la transaction.

La chambre sociale précise plus généralement dans cet arrêt que sont comprises dans l'objet de la transaction toutes les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.