N°7 - Novembre/décembre 2020 (Représentation collective)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°7 - Novembre/décembre 2020 (Représentation collective)

Désignation du représentant de la section syndicale : annulation judiciaire du premier tour des élections et inapplicabilité subséquente de l’article L. 2142-1-1 du code du travail

Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-13.151, FS-P+B

Sommaire :

Les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du code du travail, qui interdisent de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat, dès lors que la nouvelle désignation intervient à la suite des élections professionnelles organisées en exécution d'un jugement ayant procédé à l'annulation des élections professionnelles à l'issue desquelles le salarié avait précédemment été désigné en qualité de représentant de section syndicale.

 

Commentaire :

Selon les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du code du travail, le salarié désigné représentant de section syndicale ne peut être désigné à nouveau aux mêmes fonctions si, à l’issue des nouvelles élections, son syndicat n'a pas obtenu 10% des suffrages.

En jugeant que ces dispositions n'empêchaient pas de désigner à nouveau un salarié comme représentant de section syndicale après la tenue d'élections organisées en exécution d'un jugement ayant annulé un premier scrutin, la Cour de cassation donne toute leur portée à ces dispositions en considérant qu’elles ont pour objectif d'interdire qu'un même représentant de section syndicale soit désigné sur deux cycles électoraux successifs lorsque malgré son action, son syndicat n’a pu devenir représentatif, mais ne s’appliquent pas au cas spécifique de nouvelle organisation d'élections suite à une annulation contentieuse.

Elections professionnelles partielles en cas de réduction du nombre d’élus : preuve par le salarié et responsabilité de l’employeur

Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-12.775, FS-P+B+I

Sommaire :

La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392, publié), qu’il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l'article 8 § 1 de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

En revanche, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

 

Commentaire :

La Cour juge de manière bien établie que la carence de l’employeur dans la mise en place d’institutions représentatives du personnel est constitutive d’une faute causant nécessairement un préjudice aux salariés qui, de fait, se trouvent privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 852 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392, Bull. 2018, V, en cours de publication).

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que sa jurisprudence ne s’applique pas au préjudice causé aux salariés dans l’hypothèse de la nécessité d’organiser des élections partielles en raison de la réduction du nombre de membres élus de l’institution représentative du personnel.

La chambre sociale considère qu’en pareil cas, les salariés ne sont pas privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts, de sorte qu’il leur appartient de démontrer le préjudice résultant de cette absence d’organisation d’élections partielles requises.

Elections professionnelles : inapplication de la condition relative à la parité aux candidatures libres du second tour

Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-60.222, FS-P+B+I

Sommaire :

Aux termes de l'article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes présentées aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale.

Les dispositions de l'article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s'appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s'appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que le principe de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, qui oblige les organisations syndicales à présenter lors des élections professionnelles des listes comportant un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale, ne s’applique pas aux candidatures libres qui peuvent être présentées au second.

Les candidatures libres sont souvent en effet des candidatures individuelles de salariés.

Or, s’agissant des listes présentées par les organisations syndicales, la chambre sociale avait décidé,  afin de donner toute sa portée au principe de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, qu’il ne pouvait plus y avoir de candidature unique sur une liste sauf cas exceptionnel (Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 19-10.826, en cours de publication ; Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 19-10.855, en cours de publication ; Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-23.513, en cours de publication).

Au regard de la particularité des candidatures libres, de la rédaction du texte et des travaux parlementaires, la chambre sociale considère que les candidatures libres du second tour ne sont pas soumises à cette obligation édictée par les dispositions de l’article L. 2314-30 précité du code du travail.

Présidence du comité d’entreprise et conditions de validité de la délégation au profit d’un salarié mis à disposition de l’employeur par une entreprise tierce

Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-18.681, FS-P+B

Sommaire :

En application de l'article L. 2325-1, alinéa 2, du code du travail, alors applicable, le comité d'entreprise est présidé par l'employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative.

L'employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l'employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l'information et à la consultation de l'institution représentative du personnel, de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l'employeur par une autre entreprise.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation était amenée à se prononcer sur la possibilité pour l’employeur de se faire représenter devant le comité d’entreprise par un salarié mis à disposition par une autre entreprise.

Dans la lignée de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, la chambre sociale précise que cette délégation est possible, la condition essentielle à la désignation du représentant de l’employeur délégué tenant à ce que le délégataire dispose de la qualité et du pouvoir lui permettant d’assurer l’information et la consultation de l’institution représentative du personnel dans des conditions permettant de garantir les prérogatives de cette dernière.

Accord collectif : indemnité de licenciement, inaptitude et discrimination

Soc., 9 décembre 2020, pourvoi n°19-17.092, FS-P+B

Sommaire :

En l'absence d'élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l'état de santé du salarié la disposition d'une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude de l'indemnité de licenciement qu'elle institue.

C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel, constatant que n'étaient exclus du bénéfice d'une indemnité de licenciement prévue par un accord d'entreprise que les salariés licenciés pour un motif disciplinaire d'une part, et pour inaptitude physique ou invalidité d'autre part, a décidé que cette clause était inopposable à la salariée licenciée en raison de son inaptitude.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la Cour de cassation entérine le raisonnement d’une cour d’appel qui a déclaré inopposable la clause d’un accord d’entreprise opérant une différence de traitement entre, d’une part, les salariés licenciés pour faute et pour inaptitude et, d’autre part, les salariés licenciés pour une autre cause.

Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui avait pu juger que la disposition conventionnelle qui exclut les seuls salariés licenciés pour inaptitude du bénéfice de l’indemnité conventionnelle, caractérise une discrimination fondée sur l’état de santé (Soc., 8 octobre 2014, pourvoi n° 13-11.789, Bull. 2014, V, n° 232) et est, dès lors, prohibée.

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