N°7 - Novembre/décembre 2020 (Contrat de travail, rupture)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°7 - Novembre/décembre 2020 (Contrat de travail, rupture)

Licenciement pour motif économique : le contrôle de la faute de l’employeur à l’origine de la menace sur la compétitivité de l’entreprise n’est pas un contrôle sur ses choix de gestion

Soc., 4 novembre 2020, pourvois n° 18-23.029 à 18-23.033, FS-P+B+R+I

Si la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Licenciement pour motif économique : compétence du juge judiciaire pour examiner la demande de dommages-intérêts du salarié en cas de faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité

Soc., 25 novembre 2020, pourvois n° 18-13.771 et 18-13.772, FP-P+B+I

Sommaire :

La décision d’autorisation de licenciement prise par l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi.

Dès lors, encourt la cassation l’arrêt qui, pour débouter le salarié protégé de sa demande de dommages-intérêts au titre de la faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, retient que le préjudice découlant de la perte de son emploi ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce en faveur de la compétence du juge judiciaire s’agissant de l’examen d’une demande de dommages-intérêts du salarié licencié, après autorisation de l’inspecteur du travail à raison d’une liquidation judiciaire, au titre de la faute de l’employeur à l’origine de ladite cessation d’activité.

Elle s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’État, qui décide qu’il n’appartient pas à l’inspecteur du travail de rechercher si la cessation d’activité d’une entreprise est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l’employeur, et que la décision de l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle « à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l’exécution du contrat de travail » (CE, 8 avril 2013, n° 348559, publié au Recueil Lebon).

La chambre sociale de la Cour de cassation étend ainsi au licenciement économique les solutions qu’elle avait déjà énoncées s’agissant du licenciement pour inaptitude. Elle avait en effet pu décider qu’un employeur responsable d’un harcèlement moral ayant conduit au licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé pouvait être condamné à payer des dommages-intérêts à ce dernier en réparation de la perte de son emploi (Soc., 27 novembre 2013, pourvoi n° 12-20.301, Bull. 2013, V, n° 286 ; Soc., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-15.775, Bull. 2017, V, n° 108). Elle avait en outre pu affirmer que le juge judiciaire demeure compétent pour rechercher si l’inaptitude du salarié avait ou non une origine professionnelle et accorder, dans l’affirmative, les indemnités spéciales prévues à l’article L. 1226-14 du code du travail (Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-14.971, en cours de publication).

Licenciement pour motif économique : contrôle du juge en cas de refus de l’accord de mobilité interne par le salarié

Soc., 2 décembre 2020, pourvois n° 19-11-986 à 19-11.994, FS-P+B+R+I

Sommaire 1 :

Selon l’article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs. Une cour d’appel, qui constate que l’accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d’effectifs au niveau de l’entreprise afin d’apporter des solutions à des pertes de marché sur certains territoires, en déduit exactement que cette réorganisation constituait une mesure collective d’organisation courante au sens du texte précité, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes.

 

Sommaire 2 :

Selon l’article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique. Dès lors la rupture du contrat de travail résultant d’un tel refus constitue un licenciement pour motif économique sans qu’il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur.

 

Sommaire 3 :

Si le refus par le salarié d’accepter l’application à son contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne constitue, en application de l’article L. 2242-23 du code du travail alors applicable, un motif économique, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard, d’une part, de la conformité de l’accord aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du code du travail et, d’autre part, conformément aux dispositions des article 4, 9.1 et 9.3 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail, de la justification de l’accord par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise.

Voir aussi la note explicative relative à cet arrêt.

Licenciement disciplinaire : le salarié licencié pour faute grave est éligible à l’octroi de dommages-intérêts si le licenciement est vexatoire

Soc., 16 décembre 2020, pourvoi n° 18-23.966, F-P+B+I

Sommaire :

Même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Cette solution s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle bien établie de la chambre sociale (Soc., 19 juillet 2000, pourvoi n° 98-44.025, Bull. civ. 2000, V, n° 306).

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