N°7 - Novembre/décembre 2020 (Action en justice)

Lettre de la chambre sociale

Lettre de la chambre sociale

N°7 - Novembre/décembre 2020 (Action en justice)

Préjudice d’anxiété et action en justice : application de la prescription biennale

Soc., 12 novembre 2020, pourvoi n°19-18.490, FS-P+B

Sommaire :

L’action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation du préjudice d'anxiété, au motif qu’il se trouve, du fait de l’employeur, dans un état d'inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, se rattache à l’exécution du contrat de travail.

Il en résulte que cette action est soumise à la prescription de deux ans prévue à l’article L. 1471-1 du code du travail.

 

Commentaire :

Par le présent arrêt, la chambre sociale se prononce pour la première fois sur le délai de prescription applicable à l’action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation de son préjudice d’anxiété.

La question n’était pas explicitement tranchée par la jurisprudence antérieure qui avait pu appliquer au contrat de travail le délai quinquennal de droit commun (Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-50.030, Bull. 2019, V, en cours de publication) ou bien le délai biennal prévu par l'article L.1471-1 du code du travail (Soc., 8 juillet 2020, n°18-26.585, Bull. 2020, V, en cours de publication), mais dans des affaires où le demandeur au pourvoi n'avait pas contesté la nature du délai de prescription retenu par les juges du fond, la chambre sociale n'ayant donc pas eu à se prononcer sur ce point.

Dans la présente affaire, la chambre sociale juge qu’une telle action se rattache à l’exécution du contrat de travail et que, dès lors, elle est soumise à la prescription biennale de l’article L. 1471-1 du code du travail.

Action en paiement d’une créance salariale : dispositions transitoires et prescription triennale

Soc., 9 décembre 2020, pourvoi n°19-12.788, FS-P+B

Sommaire :

Il résulte de la combinaison de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et de l'article 21 V de cette loi, qu'à défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant le 16 juin 2013, les dispositions transitoires ne sont pas applicables, en sorte que l'action en paiement de créances de salaire nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite.

 

Commentaire :

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a modifié le délai de prescription de l’action en paiement d’une créance salariale prévu par l’article L. 3245-1 du code du travail, le réduisant de cinq ans à trois ans.

Pour la première fois, la chambre sociale de la Cour de cassation renseigne sur le délai de prescription applicable, et sur le point de départ, de l’action en paiement d’une créance salariale.

Ainsi, elle a jugé que le défaut de saisine de la juridiction prud’homale dans les trois ans suivant la date d’entrée en vigueur des dispositions transitoires de la loi précitée, rend celles-ci inapplicables, de sorte que l’action est prescrite.

Preuve de la discrimination : recours à l’article 145 du code de procédure civile

Soc., 16 décembre 2020, pourvois n°19-17.637 à 19-17.667, F-P+B

Sommaire :

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui, après avoir constaté que les salariés justifiaient d'un motif légitime à établir avant tout procès la preuve des faits de discrimination dont ils s'estimaient victimes, les déboute de leur demande de production et communication de pièces sous astreinte, au motif que la mesure demandée excède par sa généralité les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile, sans  vérifier quelles mesures étaient indispensables à la protection de leur droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.

 

Commentaire :

Le présent arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui avait déjà admis que des salariés s'estimant victimes de discriminations sont recevables à demander au juge qu’il condamne l’employeur, sur le fondement des mesures d’instruction in futurum de l’article 145 du code de procédure civile, à leur communiquer divers documents concernant d'autres salariés, de nature à établir la différence de traitement injustifiée (Soc., 19 décembre 2012, pourvoi n° 10-20.526, 10-20.528, Bull. 2012, V, n° 341).

Par le présent arrêt, la chambre sociale censure un arrêt de cour d’appel qui a refusé de faire droit à pareille demande, l’estimant trop étendue, tandis qu’il lui appartenait de vérifier, d’une part, si les mesures demandées étaient nécessaires à l'exercice du droit à la preuve de la partie qui les sollicitait et si, d’autre part, elles ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés.

Ce faisant, dans la ligne de la jurisprudence précitée, la chambre sociale précise l'office du juge en la matière, l'invitant à tenir compte des difficultés particulières d’accès à la preuve notamment en matière de discrimination, à procéder dès lors à un contrôle de proportionnalité et au besoin à cantonner le périmètre de la production des pièces sollicitées.

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