N°3 - Janvier/février 2020 (Contrat de travail, exécution)

Lettre de la chambre sociale

Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, FS-P+B+I

Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, FS-P+B+I

Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. En application de l’article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance susvisée, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.

Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

 

Commentaire :

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation affirme que l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée ou de contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée s’analyse en une action portant sur l’exécution du contrat de travail. Cette précision est importante au regard de la nouvelle rédaction de l’article L. 1471-1 du code du travail, issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui distingue les actions portant sur l’exécution du contrat de travail, soumises à un délai de prescription de deux ans, et celles portant sur la rupture, soumises à un délai d’un an.

Concernant le point de départ du délai de prescription de cette action, la Cour de cassation opère une distinction selon le fondement de celle-ci : lorsque l’action est fondée sur l’absence d’une mention au contrat, le point de départ de l’action est la date de conclusion du contrat à durée déterminée (Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-26.437, Bull. 2018, V, en cours de publication). Par le présent arrêt, elle décide que lorsque l’action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat. Cette solution s’inscrit dans la continuité d’un arrêt du 13 juin 2012 (Soc., 13 juin 2012, pourvoi n° 10-26.387, Bull. 2012, V, n° 189) par lequel la Cour de cassation avait retenu que le point de départ de l’action du salarié temporaire tendant à faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée ne courait qu’à compter du terme du dernier contrat de mission.

Elle rappelle que lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, le salarié est en droit de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier (Soc., 6 novembre 2013, pourvoi n° 12-15.953, Bull. 2013, V, n° 259 ; Soc., 3 mai 2016, pourvoi n° 15-12.256, Bull. 2016, V, n° 81).

Enfin, la Cour de cassation réaffirme que la demande de rappel de salaire, auquel le salarié peut prétendre au titre des périodes non travaillées entre deux contrats à durée déterminée, s’il justifie se tenir à disposition de l’employeur, est soumise au délai triennal de l’article L. 3245-1 du code du travail (Soc., 22 octobre 2014, pourvois n° 13-16.936, 13-17.209, Bull. 2014, V, n° 250 et Soc., 16 décembre 2015, pourvoi n° 14-15.997, Bull. 2015, V, n° 271).

Soc., 26 février 2020, pourvoi n° 18-10.017, FS-P+B

Soc., 26 février 2020, pourvoi n° 18-10.017, FS-P+B

L’exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l'entreprise.

Ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l'employeur, en conséquence de l'arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières.

 

Commentaire :

L’exercice par le salarié d’une activité pendant un arrêt de travail ne constitue pas, en lui-même, un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste durant la suspension du contrat de travail (Soc., 4 juin 2002, pourvoi n° 00-40.894, Bull. 2002, V, n° 191, publié au rapport annuel). Il existe toutefois deux exceptions à cette règle : lorsque l’activité exercée par le salarié est en situation de concurrence avec l’activité exercée par l’employeur (Soc., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-15.623, Bull. 2017, V, n° 114) ou lorsqu’elle cause un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (Soc., 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-16.649, Bull. 2011, V, n° 231).

En l’espèce, l’activité exercée par le salarié n’étant pas concurrentielle, l’employeur devait, pour fonder un licenciement, justifier d’un préjudice en lien avec l’acte commis par le salarié.

La chambre sociale précise ici qu’un tel préjudice ne peut résulter du seul paiement par l’employeur des indemnités complémentaires aux allocations journalières versées par la sécurité sociale. En effet, le paiement d’indemnités complémentaires par l’employeur est lié à l’arrêt de travail et non à l’activité exercée par le salarié pendant l’arrêt de travail.  

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