N°6 - Janvier 2021 (Éditorial de Louis Boré, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation Ancien président de l’Ordre)

Lettre de la chambre criminelle

Tous les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation sont formés au droit pénal puisque pour réussir le certificat d’aptitude à la profession, on doit rédiger un mémoire en cette matière qui est affectée du même coefficient que le droit civil et le droit administratif.

Pourtant, ce ne sont pas eux qui forment les pourvois en ce domaine puisqu’ils doivent l’être, dans un délai très bref, devant la juridiction du fond qui a rendu la décision attaquée. Mais la copie de ce pourvoi doit leur être, ensuite, rapidement adressée par le justiciable ou son avocat afin qu’ils puissent se constituer sur celui-ci dans le délai d’un mois.

Commence alors un véritable travail de pédagogie. Beaucoup de justiciables ont, en effet, du mal à comprendre et accepter l’office spécifique du juge de cassation et il faut donc de la patience et de la méthode pour leur expliquer qu’il n’est pas possible de rediscuter devant lui le fond du dossier et que seuls des moyens de droit pourront être invoqués.

Vient ensuite la rédaction du mémoire ampliatif. L’exposé des faits y est bref, encore une fois parce que là n’est pas l’essentiel devant la Chambre criminelle. La rédaction du ou des moyens de cassation répond à une technique spécifique fondée sur le syllogisme. La forme de ces moyens a récemment évolué afin de les rendre plus synthétiques mais ils reposent toujours sur l’exposé d’une majeure, d’une mineure et d’une déduction juridique. Suivent ensuite des développements qui tendent à démontrer le bienfondé du moyen en invoquant la jurisprudence, la doctrine, et tous les arguments qui peuvent conduire à la cassation, totale ou partielle, de la décision attaquée.

On a vu que la formation des avocats aux Conseils était transversale et pluridisciplinaire. A l’occasion de ces développements, ils veillent aussi à attirer l’attention de la Chambre criminelle sur les décisions rendues par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, les autres chambres de la Cour de cassation, mais aussi la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne, qui portent sur des sujets proches de ceux soulevés par le pourvoi afin de veiller à la cohérence des solutions juridiques.

La procédure étant pleinement contradictoire, les adversaires du demandeur au pourvoi peuvent naturellement lui répondre par un mémoire en défense qui tendra à démontrer la rectitude et la complétude juridique du raisonnement des juges du fond.

Le dossier est ensuite transmis à un rapporteur, puis à un avocat général (V. les éditoriaux des mois précédents), et enfin, fixé à une audience. Devant la Cour de cassation, la procédure est écrite. Les plaidoiries y sont donc assez rares mais elles sont un peu plus fréquentes devant la Chambre criminelle, spécialement lorsque l’affaire est jugée par une section ou une plénière de chambre. L’audiencement devant ces formations de jugement montre en effet que plusieurs solutions sont possibles et que la question de droit soulevée présente une importance particulière. La Conférence du stage des avocats aux Conseils prépare à cet exercice car l’éloquence peut être, aussi, juridique.

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