N°29 - Avril 2023 (Editorial)

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Avocat / Chambre de l'instruction / Garde à vue / Infraction à la législation sur les étrangers / Organisation frauduleuse d'insolvabilité / Partie civile / Peines / Séquestration ou détention illégale / Tribunal de police et tribunal correctionnel / QPC).

  • Pénal
  • avocat
  • avocat et conseil juridique
  • chambre de l'instruction
  • expert judiciaire
  • garde à vue
  • étranger
  • union européenne
  • droit européen
  • insolvabilité frauduleuse
  • harcèlement
  • action civile
  • association
  • discrimination
  • peines
  • confiscation
  • atteinte a la vie privée
  • enlèvement et séquestration
  • tribunal de police
  • postes et communications électroniques
  • juridictions correctionnelles

EDITORIAL

Sylvie HUBAC

Présidente de section honoraire au Conseil d’État

Présidente de la section de l’intérieur de juillet 2018 à mars 2023

 

La chambre criminelle de la Cour de cassation et la section de l’intérieur du Conseil d’État organisent annuellement une matinée d’échanges pour faire le point sur l’actualité du droit pénal et de la procédure pénale et dialoguer sur des sujets d’intérêt commun. Je suis très reconnaissante au président Bonnal de m’avoir invitée, à la suite de notre rencontre de janvier dernier, à prendre la plume dans la Lettre de la Chambre Criminelle et me donner ainsi l’occasion d’expliquer à ses lecteurs notre rôle et nos méthodes de travail.

La section de l’intérieur est l’une des cinq sections consultatives du Conseil d’État. Elle est appelée à examiner, avant qu’ils ne soient transmis au Parlement ou publiés, les projets de loi, d’ordonnances et de décrets « en Conseil d’État » intervenant dans le champ régalien. Sa compétence porte notamment sur les textes normatifs émanant du ministère de la justice ainsi que sur ceux relatifs aux libertés publiques, à la sécurité intérieure, aux élections politiques, à l’outre-mer, aux collectivités territoriales, à l’immigration et l’intégration, à la culture. Elle a ainsi été associée, par exemple ces dernières années, à la fabrication de trois projets de loi constitutionnelle, plusieurs lois de réforme de l’organisation judiciaire, de la justice civile et de la procédure pénale et à la rédaction, par la voie d’ordonnances, du code de la justice pénale des mineurs et du code pénitentiaire.

Quantitativement, la section de l’intérieur traite de plus du tiers des textes dont le Conseil d’État est annuellement saisi (de l’ordre de 400 sur 1200). Elle s’efforce de rendre ses avis, quand elle n’est pas saisie en urgence, dans un délai de cinq à six semaines.

Elle est ainsi chargée de l’examen de législations nombreuses, sensibles et hautement techniques, mettant en œuvre des politiques publiques porteuses d’objectifs parfois opposés (sécurité vs liberté, caractère contradictoire de la procédure vs efficacité de la recherche des auteurs d’infractions…).  Pour être en mesure d’embrasser au mieux ce vaste champ, sa composition mélange des membres rapporteurs appartenant au corps du Conseil d’État, des magistrats et des fonctionnaires en mobilité et d’anciens magistrats du parquet ou du siège ou préfets accueillis en « service extraordinaire », dont l’expertise est infiniment précieuse à ses travaux.

Sa mission consiste, comme celle des autres sections consultatives, à assurer la sécurité juridique des textes, sur le plan de la procédure comme du fond, leur bonne insertion dans l’ordonnancement normatif et leur qualité rédactionnelle. Sur le fond son contrôle porte en priorité sur la conformité du texte examiné aux normes supérieures. A cet égard son office, dans le domaine du contrôle des textes de  droit pénal et de la procédure pénale, fait appel à des concepts familiers des lecteurs de cette Lettre : respect des principes de nécessité, de légalité et de proportionnalité,  respect des droits fondamentaux dans le cadre d’un procès équitable, respect des frontières - qu’il n’est pas toujours facile de tracer avec certitude - notamment entre siège et parquet, police judiciaire et administrative, pouvoirs coercitifs de l’enquête et respect de la vie privée. L’examen du texte peut aussi comporter des appréciations sur son opportunité administrative : est-il vraiment utile, permettra-t-il d’atteindre les objectifs qu’il s’assigne ?

Ce travail repose en priorité sur le rapporteur, qui engage un dialogue avec l’administration émettrice du texte, pour la questionner et la « challenger » juridiquement. Il lui appartient ensuite de rédiger « son » projet de texte à partir duquel la discussion s’engagera au sein de la section en présence de l’administration. Ce délibéré, comme dans toute communauté juridique, est le moment essentiel de l’examen des questions posées. Il peut déboucher sur de substantielles modifications du texte, voire sur son rejet, éventuellement après un vote. L’avis du Conseil d’État ne s’impose pas au Gouvernement qui est libre de retenir in fine son texte, ou le panacher avec celui sorti du Conseil d’État. Mais il ne saurait retenir un tiers texte qui n’aurait pas été préalablement soumis à l’avis du Conseil. Si, pour les ordonnances et les décrets, les échanges avec l’administration demeurent secrets, ceux qui portent sur les projets de loi font l’objet d’avis publics depuis une décision du président Hollande en 2015.

Dans son rôle de vigilance sur la nécessité et la qualité de la norme pénale, le Conseil d’État a très souvent attiré l’attention du gouvernement  sur la « faitdiversification »  du droit pénal,  l’instabilité de ses règles et de ses procédures génératrice d’une complexité croissante pour les justiciables comme pour les juges,  le maniement  de la norme parfois davantage comme outil de communication politique plutôt que comme  instrument de régulation réfléchi des rapports entre citoyens dans une démocratie complexe aux aspirations nouvelles.

Formons le vœu que l’un des grands chantiers qui devrait s’ouvrir dans les mois à venir, celui du nouveau code de procédure pénale, fasse la démonstration que de ces mauvais plis, il est possible de se défaire…

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.