N°23 - Octobre 2022 (Editorial)

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Détention provisoire / Environnement / Instruction / Nullités / Peines / Saisies pénales).

  • Numérique
  • Pénal
  • appel correctionnel ou de police
  • détention provisoire
  • protection de la nature et de l'environnement
  • environnement et pollution
  • instruction
  • peines
  • saisies
  • banque
  • terrorisme
  • indemnisation des victimes d'attentat terroriste

Editorial

Lionel Ascensi

conseiller référendaire,

professeur associé à l’Université d’Angers  

Organisé par le décret n° 85-733 du 17 juillet 1985 relatif aux maîtres de conférences et professeurs des universités associés ou invités, le statut d’enseignant associé à mi-temps est accessible aux magistrats de la Cour de cassation. Nombreux sont d’ailleurs ceux, du siège ou du parquet général, qui sollicitent leur recrutement en cette qualité par goût de l’enseignement et de la recherche en droit.

Après s’être porté candidat au poste d’enseignant associé créé par l’université, l’impétrant – qui n’aura pas omis de justifier de son activité professionnelle principale de magistrat et de l’autorisation que lui aura délivrée le premier président de la Cour de cassation en application de l’article 8 de l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 – sera entendu par le comité de recrutement ad hoc. Si l’issue de cette procédure lui est favorable, et après avis du conseil académique de l’établissement, l’intéressé sera nommé pour une durée de trois ans par arrêté du président de l’université s’il est recruté en qualité de maître de conférence associé, ou bien de trois à neuf ans par décret du président de la République s’il est appelé à exercer les fonctions de professeur associé.

Membre à part entière de la section de droit privé et de sciences criminelles de la faculté de droit où il sera installé, le magistrat exercera à mi-temps les fonctions ordinaires d’un enseignant-chercheur, professeur ou maître de conférences. Il dispensera chaque année soixante-quatre heures de cours magistraux ressortissant à ses compétences et conduira, individuellement ou collectivement au sein de son laboratoire de rattachement, des projets de recherche en rapport avec ses domaines de spécialité. Ces travaux aboutiront à des publications scientifiques de formes diverses, ouvrages, articles de doctrine ou actes de colloques.

À la fois juges et professeurs, les magistrats de la Cour de cassation exerçant les fonctions d’enseignant associé s’efforcent très humblement de s’inscrire dans une tradition forgée jadis par certains de leurs plus illustres prédécesseurs. Oserons-nous seulement évoquer le président Faustin Hélie, dont le buste orne la salle de délibéré de la chambre criminelle, et qui a publié au milieu du XIXème siècle certains traités déterminants dans la construction de la doctrine pénale française, ou bien encore le président Marc Ancel, dont la pensée humaniste et universaliste a construit intellectuellement plusieurs générations de pénalistes, et dont le rôle fut majeur dans le développement de l’enseignement et de la recherche en droit comparé ?

De même qu’il y a des professeurs-juges (éditorial de Bertrand de Lamy, La lettre n° 19 – Avril 2022), l’existence de juges-professeurs ne saurait surprendre. Il a en effet été montré, lors d’une célèbre conférence prononcée en Grand’chambre, combien la fonction du juge de cassation et celle de l’École partagent une même nature herméneutique, qu’au reste l’un comme l’autre exercent par voie non pas d’autorité, mais de motivation (F. Zenati, « La nature de la Cour de cassation », BICC, 15 avr. 2003, n° 575, p. 3). Tout comme la pertinence d’une opinion doctrinale est fonction de la qualité des arguments qui la soutiennent, la légitimité des arrêts de la Cour de cassation se mesure à la force de leurs motifs qu’elle inscrit dans un espace public de discussion : leur légitimité véritable est argumentative (en ce sens : Ch. Soulard, « Le juge et les valeurs fondamentales : pour une éthique de la discussion », Les cahiers de la Justice, 2022/1, p. 65). Sans doute l’interprétation de la Cour de cassation, à la différence de celle des juristes-savants, constitue-t-elle l’interprétation officielle à l’usage des cours et tribunaux, mais cette spécificité est sans emport sur la nature profonde de son office. L’on comprend donc qu’il soit naturel que juges et professeurs partagent une même appétence – tout à la fois – pour l’office de cassation, l’enseignement et la recherche en droit, et se plaisent à cheminer ensemble du quai de l’Horloge vers la montagne Sainte-Geneviève.

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