N°16 - Janvier 2022 (Éditorial de Christophe Soulard, président de la chambre criminelle)

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Abandon de famille / appel / cumul de qualifications / détention provisoire / douanes / mineur / peines / QPC).

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  • avocat

Retour sur le délibéré

Christophe Soulard, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation

La question du délibéré a été déjà traitée dans le numéro 3 de la lettre, sous forme … d’un dessin dû au talent de Gildas Barbier, conseiller référendaire. Si l’on y revient c’est que la collégialité est au cœur de l’activité juridictionnelle. Elle donne du sens à la mission du juge et sa légitimité à la solution adoptée. Lorsque celle-ci s’impose, on peut s’en tenir à un délibéré au sein d’une formation de trois magistrats de la chambre criminelle ; lorsque tel n’est pas le cas, la formation de jugement réunit, suivant les cas, entre dix et quarante magistrats, qui prennent toujours le temps nécessaire pour un délibéré approfondi.

Du dessin de Gildas Barbier émane une atmosphère à la fois concentrée et paisible. Le cadre mêle la tradition, qu’incarne le buste de Faustin Hélie, et la modernité, dont témoignent les ordinateurs qui ont été discrètement insérés dans la belle table de la salle du conseil de la chambre criminelle et qui permettent à chaque conseiller d’avoir accès tant aux pièces des dossiers traités qu’à l’ensemble de la doctrine et de la jurisprudence.

La fluidité et la sérénité, conditions préalables d’un délibéré de qualité, sont le fruit d’un apprentissage et d’une méthode. L’habitude du délibéré exerce ceux qui y participent à se départir de leurs affects. L’atmosphère, empreinte de confiance mutuelle, est ici déterminante. Chacun accepte que ses arguments soient contestés dans leur pertinence ou leur cohérence parce qu’il sait que cette contestation n’est jamais ad hominem.

La méthode est en partie prescrite par le code de procédure pénale, qui prévoit que le rapporteur s’exprime le premier, puis le doyen, suivi, dans l’ordre d’ancienneté, des conseillers et des conseillers référendaires, le président s’exprimant en dernier. Mais, pour le reste, tout est affaire de bonne pratique. Le rapporteur avait déjà donné un avis écrit, dont seuls les membres de la formation de jugement ont eu connaissance, mais il le complète et, le cas échéant, le modifie au vu notamment de celui de l’avocat général. Le doyen expose sa propre vision du contexte et des enjeux de l’affaire avant de donner son avis sur la solution, comme le font ensuite tous les membres de la formation, y compris les conseillers référendaires qui, bien que n’ayant pas voix délibérative en dehors des dossiers qu’ils rapportent, peuvent, par leur force de conviction, avoir une influence décisive.

Le président donne aussi son avis mais il a également pour tâche de dégager les lignes de force qu’a fait apparaître ce premier tour de table, de classer les arguments qui ont été échangés, de réduire le nombre des options qui restent ouvertes après que certaines voies, qu’il était nécessaire d’explorer, se sont révélées être des impasses. Il ouvre ainsi le deuxième tour de table.

Ce deuxième tour et parfois un troisième sont nécessaires car ils permettent à chacun d’intégrer dans sa réflexion les arguments qui ont été avancés après qu’il a pris la parole et de faire part de sa réflexion renouvelée, qui alimentera à son tour celle des autres.

Vient alors le temps de la rédaction, qui s’appuie sur des projets que le rapporteur avait établis à l’avance et à laquelle tout le monde s’attelle, y compris ceux dont l’opinion est restée minoritaire. Il arrive cependant que la rédaction réserve des surprises. On pensait s’être entendu sur un principe mais la phase de rédaction révèle des ambiguïtés. Parfois même, ce n’est pas l’absence d’accord qui est ainsi mise à jour mais certaines failles de la solution adoptée. Il faut alors remettre l’ouvrage sur le métier, toujours dans un esprit de réflexion collective.

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