N°14 - Novembre 2021 (Editorial de Mattias Guyomar, juge à la Cour européenne des droits de l’homme élu au titre de la France )

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Circulation routière / crime contre l'humanité / détention provisoire / exécution des peines / interdiction professionnelle / mineurs / presse).

 

  • Pénal
  • circulation routière
  • crime contre l'humanité
  • détention provisoire
  • peines
  • étranger
  • mineur
  • presse

Voilà environ 18 mois qu’est née la Lettre de la chambre criminelle. Son succès rapide et confirmé témoigne du rôle crucial que jouent aujourd’hui les outils de communication mis en place par les juridictions. Le temps où celles-ci se réfugiaient dans leurs tours d’ivoire, à l’abri des débats publics mais aussi et surtout éloignées des citoyens et des justiciables, est heureusement révolu. Comme toutes les institutions mais en tenant compte de leur place spécifique, de leurs responsabilités juridictionnelles ainsi que des obligations qui en découlent (en particulier le respect des principes d’indépendance, d’impartialité et du devoir de réserve), les Cours font désormais le choix de communiquer. Au-delà de la nécessaire diffusion de l’information qui prend une autre dimension dans le cadre de l’open data, il apparaît en effet indispensable que les juridictions se dotent de nouveaux vecteurs de communication. La Cour de cassation, dont il faut saluer la remarquable base de données ouverte Jurilibre, s’y emploie de manière variée et efficace. La Lettre de la chambre criminelle s’inscrit avec éclat dans le cadre de cette politique de communication institutionnelle.

Au-delà de sa participation au rayonnement de la Cour tout entière, la Lettre réussit à atteindre, d’un seul mouvement, plusieurs objectifs complémentaires.

Le premier est d’améliorer l’accès au droit. En donnant à voir et à comprendre, en aiguillant, grâce aux liens hypertextes qui permettent aux lecteurs les plus endurants de contextualiser tel arrêt ou d’approfondir telle question, la Lettre contribue à la diffusion et à la correcte appréhension de la jurisprudence. Le respect effectif de l’État de droit comme l’égalité devant la loi supposent que chaque individu soit mis à même d’accéder concrètement à la règle afin de pouvoir la respecter, en revendiquer l’application, contester son principe ou les conditions de sa mise en œuvre. En livrant et en expliquant la jurisprudence en temps réel, en donnant à voir le fil continu de la fabrique du droit (notamment grâce aux rubriques « suite » et « à venir »), la Lettre améliore à la fois la visibilité et la prévisibilité de la règle et de son interprétation prétorienne, conditions requises de leur accessibilité et de leur intelligibilité.

Le deuxième objectif est de rendre compte de l’activité de la chambre criminelle. Une telle restitution est utile à plus d’un titre. Elle permet de saisir la réalité du travail effectué, de mesurer la diversité et, bien souvent, la difficulté des questions posées au juge et de suivre les évolutions de jurisprudence qui s’expliquent par la recherche permanente du juste équilibre à ménager entre la rigueur juridique, la cohérence des solutions à apporter à des litiges qui se nouent de plus en plus souvent dans l’entrelac des réseaux de normes coexistant en Europe ainsi que la nécessaire prise en compte de l’état des consciences et des attentes du corps social. La confiance dans la justice suppose en effet une certaine dose de transparence.

Le troisième objectif consiste à nourrir une forme de dialogue entre les juges et la société. Il ne s’agit en aucun cas de répondre directement aux légitimes interrogations voire aux critiques que suscite toute activité juridictionnelle. Le juge n’est pas dans l’arène et ne peut répliquer aux attaques. Mais il doit écouter et comprendre les réactions, nourrir sa réflexion des débats en cours et remédier aux malentendus et aux incompréhensions. L’enrichissement et l’amélioration de la motivation des décisions juridictionnelles a permis et doit encore permettre de faciliter leur réception. Mais il convient d’accompagner ce processus, à l’œuvre dans toutes les juridictions internes comme à la Cour européenne des droits de l’homme, par un effort d’explication ex post. La Lettre a montré dans quelle mesure il peut s’avérer utile d’apporter des précisions ou des éclaircissements sur un raisonnement ou une solution qui ont été discutés voire contestés.

            En poursuivant ces trois objectifs ensemble, la Lettre de la chambre criminelle, dont l’ergonomie et la maniabilité doivent être soulignées, nourrit une belle ambition : en donnant à voir l’œuvre de justice, en inscrivant son office dans la cité non seulement des juristes mais aussi de tous les acteurs de la société, elle manifeste, alors que l’État de droit et l’indépendance de la justice traversent, dans de nombreux pays, des vents mauvais,  à quel point la prééminence du droit et la démocratie sont intimement liées.

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