N°8 - Mars 2021 (Éditorial d’Elisabeth Pichon, conseillère référendaire chargée de mission du président)

Lettre de la chambre criminelle

Au mois de mars 2020, l’arrivée du coronavirus SARS-CoV-2 a bouleversé la vie de chacun d’entre nous qui s’est notamment vu confiné à domicile. La chambre criminelle de la Cour de cassation n’a naturellement pas été épargnée par ces évènements.

Dès ce moment, la chambre - président, conseillers, premier avocat général, avocats généraux, directeur et personnels de greffe - s’est mise en ordre de marche, en concertation active avec l’Ordre des avocats aux Conseils, afin de ne pas interrompre le cours de la justice pénale de cassation. Nombre d’affaires ont continué à être préparées par ses membres travaillant en grande partie chez eux. Il a fallu innover, adapter sans tarder les procédures, penser à l’instant présent mais également au lendemain, en anticipant le retour à un fonctionnement normal. Le recours massif aux moyens technologiques a facilité la poursuite des échanges au sein de la chambre et avec les avocats aux Conseils. La présence des services de greffe, sans lesquels rien n’aurait été possible, a permis le maintien de cette activité.

Chaque semaine des mois de mars, avril et mai 2020, des audiences en présentiel se sont tenues sur l’île de la Cité, à la Cour de cassation, afin de juger tous les pourvois urgents, en particulier ceux formés contre des décisions rendues en matière de détention provisoire, comme tous les dossiers dans lesquels était invoquée une atteinte aux droits constitutionnels par le moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Il y a un an, s’est ainsi posée la question de savoir si le délit de non-respect du confinement, constitué en cas de répétition de plusieurs verbalisations, était conforme à la Constitution. Dès le 13 mai, la chambre criminelle interrogeait le Conseil constitutionnel sur ce point.

Il y a un an, sur tout le territoire, des juges se sont interrogés sur le sens et la portée des prolongations automatiques des titres de détention provisoire décidées par le Gouvernement dans le cadre d’une habilitation accordée par le législateur pour faire face à l’épidémie. Dans des délais rapides et après un travail préparatoire particulièrement approfondi, la chambre criminelle s’est, le 26 mai, prononcée sur l’interprétation à donner à ce texte et sur sa compatibilité avec les engagements internationaux de la France. Ces prolongations n’ont été jugées conformes à ces derniers qu’à la condition que le juge examine à bref délai, s’il ne l’avait pas déjà fait, la nécessité de la détention. Veillant à la dimension effective de cette garantie, il a été rappelé qu’en l’absence d’un tel contrôle, la personne détenue devait être libérée.

Elle a également dit qu’en aucun cas, il ne pouvait être reproché à des juges des libertés et de la détention de ne pas avoir appliqué le droit issu de l’état d’urgence sanitaire lorsqu’ils avaient été en mesure de tenir des débats contradictoires au sein des tribunaux judiciaires, conformément au droit commun, et d’avoir ainsi pleinement exercé leur office de gardien de la liberté individuelle.

Depuis un an, nombre d’interrogations sont remontées à la chambre criminelle : comment s’appliquent, et quelles difficultés soulèvent certaines des dispositions adoptées dans le cadre de la crise sanitaire, notamment l’allongement des délais légaux pour statuer sur des recours en matière de mesure de sûreté, le doublement de ceux qui s’appliquent à l’exercice d’une voie de recours, la faculté de tenir des débats en publicité restreinte ou à huis clos, ou encore l’utilisation généralisée de la visioconférence ? Est-il possible de recourir à la notion de force majeure pour déroger à la loi lorsque des justiciables n’ont pu se déplacer dans les juridictions ou que ces dernières ont rencontré une difficulté de fonctionnement ?

L’année à venir ne s’annonce pas nécessairement plus sereine tant les enjeux en matière pénale restent au cœur des préoccupations de la société et peuvent se trouver exacerbés en période de crise, qu’elle soit sanitaire ou d’une autre nature.

Quant à son fonctionnement, la chambre criminelle se réforme : elle cherche à mieux dématérialiser la procédure suivie devant elle. Il ne s’agit que d’un aspect d’un mouvement plus vaste de modernisation de ses méthodes de travail au sein d’une Cour de cassation qui évolue.

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