N°5 - Décembre 2020 (Éditorial d’Henri de Larosière de Champfeu, conseiller )

Lettre de la chambre criminelle

RAPPORTEUR !

C’est un qualificatif dévalorisant quand il est lancé dans une cour d’école. Mais il faut quitter le monde de l’enfance, pour lui trouver une signification autre. En réalité, ce terme désigne la tâche à laquelle s’attelle, pendant plus des trois quarts de son temps, chaque conseiller ou conseiller référendaire à la Cour de cassation.

Une fois le pourvoi formé, et le dossier transmis à la Cour de cassation par la juridiction qui a rendu la décision attaquée, les avocats à la Cour de cassation produisent les mémoires contenant les critiques, ou moyens, qui saisiront la juridiction. Les demandeurs eux-mêmes peuvent aussi présenter leurs propres mémoires.

Le président de la chambre désigne ensuite, pour chaque affaire, le conseiller ou conseiller référendaire qui sera chargé du rapport.

Ici commence, pour le rapporteur, un travail solitaire d’examen minutieux de l’arrêt attaqué, et des moyens contenus dans les mémoires. Le bien-fondé des griefs doit être analysé en profondeur, sans concession, par une étude rigoureuse de l’affaire. Le rapporteur s’appuie sur les précédents arrêts de la chambre criminelle, les autres rapports qui ont pu être déposés dans des affaires comparables, mais la pertinence de leurs réponses doit être chaque fois confrontée aux données précises de l’affaire à traiter, ainsi qu’à l’évolution des textes. Le rapporteur interroge aussi les banques de données, en quête d’informations sur la jurisprudence des cours européennes et du Conseil constitutionnel, et s’appuie encore sur la doctrine universitaire.

Cette collecte alimente la construction de l’opinion du rapporteur sur chaque moyen, et, en définitive, l’élaboration de la solution qu’il préconise.

Il reste au rapporteur à élaborer trois documents : le rapport, qui présente l’affaire, cite la jurisprudence et explique les différentes solutions possibles, en traçant les voies du raisonnement menant à chacune. Il est communiqué au parquet général, aux parties et à leurs avocats à la Cour de cassation.

Le rapporteur rédige ensuite deux autres écrits réservés à l’usage des magistrats du siège de la formation de jugement : un projet d’arrêt, qui peut présenter plusieurs solutions, et un avis motivé, où il justifie la réponse qu’il préconise.                                                     

Lorsqu’il lui paraît que les moyens présentés ne peuvent conduire à la cassation de la décision critiquée, il en indique les raisons dans un seul document, un rapport de non-admission, motivé, et adressé aux parties.

Ainsi, la recherche et l’écriture forment les deux aspects de la tâche du rapporteur. Un évident souci de cohérence entre de nombreux rédacteurs exige d’adopter un style homogène, dont l’apprentissage mobilise l’énergie des nouveaux arrivés. L’écriture vise la clarté et la précision, ce que l’adoption récente du style direct facilite.

Au terme de ces travaux écrits, après avoir reçu les conclusions de l’avocat général, la Cour de cassation évoquera l’affaire à une audience. Au rapporteur de faire partager à ses collègues sa conviction, parfois son enthousiasme ou ses réticences, ses doutes aussi, pour parvenir, ensemble, à créer la décision de tous. 

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