N°2 - Septembre 2020 (Chronique d’Anne-Sophie de Lamarzelle, conseiller référendaire)

Lettre de la chambre criminelle

Lettre de la chambre criminelle

N°2 - Septembre 2020 (Chronique d’Anne-Sophie de Lamarzelle, conseiller référendaire)

Comment pourrait-on présenter la Cour de cassation à celui, professionnel du droit, citoyen curieux ou justiciable, qui ne la connaît que par la lecture de ses décisions ou les comptes rendus médiatiques ?

Nous pourrions commencer par expliquer que le mot « Cour » débute par une majuscule parce qu'installée au sein du Palais de justice de Paris sur l'île de la Cité, et contrairement aux trente-six cours d'appels, avec un c minuscule, réparties sur le territoire, la Cour de cassation est unique.

Nous décririons ensuite la forte impression produite par ce lieu lorsqu'on le découvre pour la première fois : les larges couloirs dont le sol marbré fait résonner le claquement des pas dans le silence des vieilles pierres ont largement de quoi intimider le visiteur. Il en est de même des salles d'audience chargées de dorures et d'allégories de la justice, parées de lustres gigantesques et bordées de rangées de bureaux en bois massif, éclairés par des lampes aux délicats abat-jours d'opaline ayant échappé aux troupes allemandes pendant la seconde guerre mondiale.

Au gré du parcours, on croisera une statue colorée de Saint-Louis sous son chêne, un escalier monumental et plusieurs dizaines de bustes et tableaux de présidents de chambre à la mine sévère, en hermine et robe rouge. Malgré cela, la timidité s'effacera peu à peu, laissant la place, pour les amateurs d'histoire, à un immense ravissement et, pour d'autres peut-être, à une forme d'étonnement : est-ce donc cela, la Cour de cassation ? Un lieu vieillot, figé hors de son temps, où pourtant se décide, parfois dans une actualité brûlante, le sort de personnes ayant exercé leur ultime recours ?

Que l'on se rassure : l'endroit est certes chargé d'histoire mais bien ancré dans son époque. À la réflexion, les murs s'accordent même parfaitement à la mission de la Cour chargée de veiller à l'application uniforme du droit, dans le respect des textes nationaux et des traités internationaux. Ces locaux solennels invitent à l'élaboration de la pensée, rappelant aux magistrats les fondements de la règle de droit invoquée devant eux, tandis qu'ils ne manquent jamais d'évoquer, pendant leur délibéré, les conséquences concrètes des textes sur la vie de tous et leur impact sur nos libertés fondamentales.

Plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, la Cour, parfois qualifiée de juge du droit, n'est pas une juridiction de jugement. Elle est chargée, lorsqu'un justiciable forme un pourvoi contre une décision, de contrôler l’exacte application de la loi par le tribunal ou la cour d’appel, mais en aucun cas, elle ne se prononce elle-même sur les faits, dont la détermination relève de l'office des juges du fond - ceux du premier et du second degrés. À part dans de rares exceptions où la solution s'impose d'elle-même, la Cour, lorsqu'elle casse la décision qui lui est soumise, renvoie le dossier à une nouvelle cour d'appel chargée de rejuger les faits.

Dès lors, la lisibilité de la jurisprudence de la Cour de cassation est un enjeu majeur. C'est la raison pour laquelle la rédaction des arrêts sous la forme d'attendus désuets a été abandonnée voici quelques mois au profit d'une présentation plus compréhensible. La présente Lettre de la chambre criminelle illustre quant à elle la volonté de rendre les décisions importantes rapidement accessibles au plus grand nombre.

Ces initiatives, qui sont des exemples parmi d'autres, montrent que l'imposant décor suranné, loin de retenir les professionnels dans les liens du passé, stimule la créativité et la volonté de développer des liens avec l'extérieur. Au-dessus du sol qui résonne sous les pas et dans l'écho que renvoient les murs dorés, l'institution et les hommes sont en perpétuelle évolution.

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