N°10 - Mai 2021 (Peines)

Lettre de la chambre criminelle

Prohibition des peines d’emprisonnement ferme d’un mois

Crim., 11 mai 2021, pourvoi n° 20-85.464

La loi « réforme pour la justice » du 23 mars 2019, entrée en vigueur un an plus tard, le 24 mars 2020, prévoit que si, comme auparavant, le juge peut toujours prononcer une peine d’emprisonnement ferme ou assortie en tout ou partie du sursis pour une durée inférieure à celle qui est prévue par la loi, il ne peut dorénavant plus prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.

Ce texte doit-il être lu comme une loi plus sévère, instituant une peine minimale à l’instar d’une peine plancher ?

Non, car l’intention du législateur a été d’inciter le juge à remplacer les très courtes peines d’emprisonnement par d’autres peines comme, par exemple, le travail d'intérêt général ou la peine de stage.

Dès lors, la prohibition des peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois constitue une loi moins sévère qui, comme telle, doit être appliquée quelle que soit la date des faits et de la décision de condamnation.

Pour aller plus loin, voir la note explicative, le rapport du conseiller, et l’avis oral de l’avocat général.

Peines d’emprisonnement : feuille de route pour l’application de la loi nouvelle

Crim., 11 mai 2021, pourvoi n°20-84.412

Crim., 11 mai 2021, pourvoi n°20-85.576

Crim., 11 mai 2021, pourvoi n°20-83.507

Les conditions du prononcé des peines d’emprisonnement ont été profondément modifiées par la loi « réforme pour la justice » du 23 mars 2019, entrée en vigueur un an plus tard, le 24 mars 2020. Les nouveaux textes sont tout à la fois complexes, compte tenu de la diversité des situations qu’ils régissent, et dispersés, étant insérés tant dans le code pénal que dans le code de procédure pénale.

Il convenait donc, pour faciliter leur application par le juge, de les interpréter en les coordonnant entre eux dans un souci de cohérence et de sécurité juridique, tout en respectant, bien sûr, l’intention du législateur.

Le législateur exigeait déjà du juge une motivation spéciale lorsque celui-ci choisissait de prononcer une peine de prison. La loi nouvelle a renforcé cette exigence.

Ainsi, le juge doit désormais établir, au regard non seulement des faits commis, de la personnalité de la personne condamnée (à savoir son casier judiciaire, sa psychologie etc), mais aussi de sa situation personnelle, que la gravité de l’infraction et cette personnalité la rendent indispensable - et non plus seulement nécessaire -, et que toute autre sanction est manifestement inadaptée.

Par ailleurs, la loi nouvelle a entendu faciliter l’aménagement des courtes et moyennes peines d’emprisonnement, confier à la juridiction de jugement cet aménagement et, en l’absence d’un tel aménagement, assurer l’incarcération effective du condamné.

Que signifie « aménager » une peine d’emprisonnement » ? Il s’agit, par exemple, de placer une personne en semi-liberté afin qu’elle puisse sortir de prison la journée pour exercer une activité professionnelle ou suivre une formation ou des soins, ou encore de la soumettre au port d’un bracelet électronique à son domicile, au lieu de l’incarcérer en détention ordinaire.

Le législateur a prévu des régimes différents selon la durée de la peine prononcée : si la peine est inférieure ou égale à six mois, sauf impossibilité, l’aménagement est désormais obligatoire ; si elle est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, l’aménagement reste, comme auparavant, le principe.

Lorsque le juge refuse cet aménagement, il doit s’expliquer particulièrement au regard des faits, de la personnalité et de la situation personnelle. En outre, il doit prévoir l’incarcération de la personne condamnée soit, dans les cas où cela est possible et opportun, immédiatement, soit de façon différée.

Dans les cas où l’aménagement de l’emprisonnement supérieur à un an et inférieur ou égal à deux ans est possible en application des textes anciens, il est régi par les mêmes dispositions que celles applicables à la peine supérieure à six mois (Voir le commentaire « Aménagement des peines : la loi nouvelle est plus sévère », Lettre n° 4, p. 4).                                                                                  

La feuille de route du juge pénal en la matière est ainsi clarifiée, afin qu’il puisse se conformer à la volonté du législateur.

Pour aller plus loin, voir la note explicative.

Pour aller plus loin, voir également les rapports des conseillers et les avis des avocats généraux.

L’aménagement de la courte peine d’emprisonnement avant tout

Crim., 14 avril 2021, pourvoi n° 21-80.829

Selon la volonté du législateur, l’emprisonnement ferme doit demeurer le dernier recours. C’est en ce sens que la loi « réforme pour la justice » du 23 mars 2019, entrée en vigueur un an plus tard, le 24 mars 2020, a rendu obligatoire, sauf impossibilité, l’aménagement de l’emprisonnement d’une durée comprise entre un mois et six mois.

Lorsque le juge ordonne cet aménagement, par exemple sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, peut-il, notamment à l’occasion d’une comparution immédiate, ordonner également le maintien en détention de la personne condamnée, dans l’attente de la mise en place concrète de cet aménagement ?

Non, car la loi nouvelle prévoit que ce n’est que dans l’hypothèse où l’aménagement de la peine est impossible que le juge doit assurer l’exécution rapide de la décision en prescrivant l’incarcération de la personne condamnée.

Ainsi, dès lors que la peine d’emprisonnement ferme est aménagée dans sa totalité, aucune mesure d’incarcération ne peut être décidée ou maintenue.

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