N°10 - Mai 2021 (Agression sexuelle)

Lettre de la chambre criminelle

Non-dénonciation d’agressions sexuelles commises sur mineur : quand l’obligation de dénonciation cesse-t-elle ?

Crim., 14 avril 2021, pourvoi n° 20-81.196

Il n’existe, en l’état du droit, aucun principe général obligeant les particuliers à dénoncer tous les faits délictueux dont ils peuvent avoir connaissance.

Parmi les exceptions à ce principe, figure l’obligation faite à toute une personne qui a connaissance de l’existence d’agressions sexuelles infligées à un mineur de moins de 15 ans ou à une personne vulnérable d’en informer l’autorité judiciaire sous peine de commettre un délit.     

L’objectif de la loi est d’assurer que l’incapacité de la victime à se protéger elle-même ne constitue pas un obstacle à la saisine de l’autorité judiciaire. Aussi l’obligation de dénoncer les faits perd-elle sa raison d’être lorsque la victime est devenue adulte et n’est plus vulnérable. Elle est alors en capacité de porter plainte et il ne peut être reproché à celui qui prend alors connaissance des faits, notamment parce que la victime s'est confiée à lui, de ne pas les dénoncer à sa place.

Mais si une personne apprend l’existence de faits d’agressions sexuelles sur un mineur de moins de 15 ans ou sur une personne vulnérable à un moment où la victime présente encore un état de fragilité personnelle, elle doit les dénoncer même si les faits lui paraissent prescrits. En effet, elle peut ne pas disposer de tous les éléments nécessaires pour apprécier si la prescription - notion complexe -  est ou non acquise. Au surplus, la loi n’opère pas de distinction sur ce point.

Ainsi, dans l’affaire considérée, les juges ont pu considérer qu’un évêque n’était pas tenu de dénoncer des agressions commises par un prêtre dans les années 1980 et 1990 dont il a eu connaissance en 2014 et 2015, soit à une époque où les victimes, âgées de 34 à 36 ans, insérées au plan familial, social et professionnel, sans maladie ou déficience, étaient en mesure de porter plainte, ce qui justifiait la relaxe de l’évêque poursuivi.

Pour aller plus loin, voir le rapport du conseiller, l’avis de l’avocat général et le communiqué de presse.

Précision : le texte applicable à la cause constitue une version ancienne, antérieure à la loi du 14 mars 2016 ; depuis lors, le texte prévoyant le délit de non-dénonciation d’agression sexuelle sur mineur a fait l’objet de plusieurs modifications par le législateur. 

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