N°9 - Mars 2023 (Publicité trompeuse)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Agent commercial / banque / Cautionnement / Concurrence / Impôts et taxes / Procédures collectives / Propriété industrielle / Publicité trompeuse / Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle / Séparation des pouvoirs / Sociétés civiles et commerciales / Transports).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°9 - Mars 2023 (Publicité trompeuse)

Protection des consommateurs - Pratiques commerciales réglementées - Pratiques commerciales trompeuses - Conditions - Incidence sur le comportement économique

Com. 22 mars 2023, pourvoi n° 21-22.925

Cet arrêt répond à la question de savoir si une publicité comparative, pour être trompeuse, et donc illicite, doit être ou non susceptible d’avoir une incidence sur le comportement économique du consommateur auquel elle s’adresse ou s’il suffit qu’elle soit objectivement inexacte.

En l’espèce, la cour d’appel avait écarté le caractère illicite d’une publicité comparant le prix d’un caddie de produits dans un hypermarché d’une enseigne de grande distribution à celui d’un caddie similaire dans un magasin d’une enseigne concurrente, bien qu’elle ait constaté que ladite publicité reposait sur 45 prix erronés sur les 227 produits du panier. Elle avait énoncé à cet effet que la directive 2006/114/CE en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, que l’article L. 121-8 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016) transpose en droit interne, renvoie à l’article 6 de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales, lequel exige, pour être qualifiée d’illicite, que la publicité trompeuse soit de nature à amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Après avoir retenu que, même après correction des prix, le caddie du concurrent restait 13% plus cher (et non 15,9% comme annoncé dans la publicité), la cour d’appel a néanmoins considéré qu’il n’était pas établi que, même partiellement inexacte, ladite publicité aurait été de nature à altérer le comportement économique du consommateur.

Le pourvoi invoquait une violation des articles 2 et 4 de la directive 2006/114/CE, faisant valoir que la définition de la publicité comparative figurant à l’article 2 de cette directive ne formulait pas une telle exigence et qu’était trompeuse et donc illicite au sens de ce texte une publicité comparative utilisant des prix inexacts, dès lors qu’elle portait préjudice ou était susceptible de porter préjudice à un concurrent.

La Cour de cassation rappelle que, selon l’article 4, point a), de la directive 2006/114/CE, pour être licite, une publicité comparative ne doit pas être trompeuse au sens de l’article 2, point b), de cette directive ou de l'article 6 de la directive 2005/29/CE. Cette directive donne donc deux définitions du caractère trompeur de la publicité comparative.

La première renvoie à l’article 6 de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales, laquelle exige, pour qu’une pratique soit trompeuse, qu’elle amène ou soit susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. C’est en l’espèce sur cette définition que s’était appuyée la cour d’appel.

La seconde est prévue à l’article 2, point b), de la directive 2006/114/CE elle-même, qui prévoit qu’est trompeuse toute publicité qui induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent.

Les termes sont donc différents, mais, pour autant, l’incidence potentielle de la publicité erronée sur le choix de la personne auquel elle s’adresse reste une condition nécessaire pour qu’elle soit considérée comme trompeuse, puisque, nonobstant l’ambiguïté rédactionnelle du texte sur l’articulation entre les deux dernières conditions lorsque la publicité est de nature à porter préjudice à un concurrent (« pour ces raisons »), elle doit, dans tous les cas, être susceptible d’induire en erreur ceux qu’elle vise. Même au sens de l’article 2, point b), de la directive 2006/114/CE, le seul caractère inexact de la publicité comparative n’est donc pas suffisant pour la considérer comme trompeuse.

La Cour de cassation en déduit que la publicité comparative n'est trompeuse, et donc illicite, au sens de l'article L. 121-8 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable (devenu l'article L. 122-1 du code de la consommation), interprété à la lumière de l'article 4, point a), de la directive 2006/114/CE, que si elle est susceptible d'avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elle s'adresse.

Le moyen, en ce qu’il soutenait le contraire, est donc rejeté.

Une telle interprétation du caractère trompeur de la publicité comparative est au demeurant conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l‘Union européenne qui rappelle régulièrement que la publicité comparative contribue à mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparables et ainsi à stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services dans l’intérêt des consommateurs, et donc que les conditions exigées d’une telle publicité « doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci », tout en s’assurant que la publicité comparative ne soit pas utilisée de manière anticoncurrentielle et déloyale ou de manière à porter atteinte aux intérêts des consommateurs (arrêts du 25 octobre 2001, Toshiba Europe, C-112/99, points 36 et 37 ; du 19 septembre 2006, Lidl Belgium, C-356/04, point 22 ; du 18 novembre 2010, Lidl, C-159/09, points 20 et 21 et du 8 février 2017, Carrefour hypermarchés, C-562/15, point 21).

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