N°9 - Mars 2023 (Propriété industrielle)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Agent commercial / banque / Cautionnement / Concurrence / Impôts et taxes / Procédures collectives / Propriété industrielle / Publicité trompeuse / Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle / Séparation des pouvoirs / Sociétés civiles et commerciales / Transports).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°9 - Mars 2023 (Propriété industrielle)

Brevets d'invention - Contentieux - Saisie-contrefaçon et secret des affaires - Requête préalable - Juge compétent - Contestation - Exception d'incompétence

Com, 1er février 2023, pourvoi n° 21-22.225

Le juge qui autorise une saisie-contrefaçon peut-il prévoir d’autres modalités pour protéger le secret des affaires que le placement sous séquestre provisoire ?

Dans l’arrêt ici commenté, la chambre commerciale pose le principe selon lequel le juge qui autorise une saisie-contrefaçon ne peut recourir à d’autres modalités de protection du secret des affaires que le placement sous séquestre provisoire des pièces saisies dans les conditions prévues aux articles R. 615-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle et R. 153-1 du code de commerce.

Il s’agit du premier arrêt dans lequel la chambre commerciale statue sur la nouvelle procédure de protection du secret des affaires.

Le dispositif du respect du secret des affaires a été introduit dans le code de commerce et résulte de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires et du décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018, lesquels transposent en droit interne la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

L'article L. 153-1 du code de commerce définit de manière générale les mesures pouvant être prises par le juge pour protéger le secret des affaires à l'occasion de toute instance civile ou commerciale, en particulier pour limiter l'accès aux pièces ainsi que la publicité des débats et de la décision lorsque cela est nécessaire et proportionné.

En droit de la propriété intellectuelle, lors de l’exécution d’une mesure de saisie-contrefaçon, le saisissant muni d’un titre valable doit, en principe, avoir accès à tous les documents permettant de constituer la preuve de la contrefaçon.

Le décret du 11 décembre 2018, précité, a ajouté un alinéa à l'article R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, prévoyant qu’afin d'assurer la protection du secret des affaires, le président peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces saisies, dans les conditions prévues à l'article R. 153-1 du code de commerce. Ce dernier texte prévoit le régime juridique d’une telle mesure et la procédure subséquente.

Dans l'affaire commentée, le président ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon avait ordonné, d’office, non le séquestre provisoire des documents saisis, mais leur placement sous scellés, modalité de protection du secret des affaires habituellement ordonnée de façon prétorienne avant l’entrée en vigueur du décret du 11 décembre 2018.

La cour d’appel a confirmé la décision du juge ayant rejeté la demande en rétractation des ordonnances, au motif que le placement sous séquestre provisoire n’étant qu’une faculté pour le juge, ce dernier n’était pas tenu d’y recourir et pouvait choisir une autre procédure.

La cour de cassation censure cette interprétation. Elle affirme que si le juge a, certes, la faculté d’ordonner, au besoin d’office, le placement sous séquestre provisoire pour protéger le secret des affaires, il ne peut prononcer que cette mesure prévue par les articles résultant du décret du 11 décembre 2018, à l’exclusion de toute autre.

Ainsi, le placement sous séquestre provisoire, seule mesure prévue à l’article R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, est-il exclusif de toute autre modalité d’aménagement des mesures de saisie-contrefaçon, notamment de l’ancienne pratique prétorienne de placement sous scellés.

CCP

Union Européenne - Propriété industrielle - Certificat complémentaire de protection pour les médicaments - Règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 - Produit - Preuve - Désignation d'une substance comme principe actif dans une autorisation de mise sur le marché - Portée - Présomption réfragable

 

Com, 1er février 2023, pourvoi n° 21-15.221

Pour déterminer si une substance constitue un produit au sens de l’article 1er du règlement (CE) n°469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, les mentions de l’autorisation de mise sur le marché (l’AMM) prévalent-elles sur tout autre élément ?

L’arrêt commenté ici est rendu dans une affaire dans laquelle un certificat complémentaire de protection était demandé sur le fondement, d’une part, d’un brevet protégeant une substance, en l’espèce la hyaluronidase humaine recombinante, seule ou en combinaison avec un principe actif et, d’autre part, d’une AMM mentionnant cette substance comme excipient.

Le laboratoire titulaire de l’AMM avait obtenu la modification d’une précédente autorisation qui portait sur la formulation sous-cutanée d'un médicament anti-cancéreux, afin d’être autorisé à le commercialiser sous forme intraveineuse. L’AMM modificative mentionnait donc le même principe actif et citait la hyaluronidase humaine recombinante parmi les excipients.

Le titulaire du brevet de base, souhaitant bénéficier d’un certificat complémentaire de protection pour la hyaluronidase humaine recombinante, reprochait à l’arrêt de s’être borné à relever que l'AMM, assimilant cette substance à un excipient, ne concluait pas à l'existence d'un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre à ce composant, y compris dans son association avec le principe actif visé dans l’AMM. Il prétendait au contraire que les deux substances, combinées, avaient un effet propre constitutif d’un produit au sens du règlement (CE) n°469/2009 du 6 mai 2009.

Il est acquis qu’un excipient, pas plus qu’un adjuvant, ne peut en soi être qualifié de principe actif et, par conséquent, ne peut constituer un produit ouvrant droit à l’octroi d’un certificat complémentaire de protection au sens de l’article 1er du règlement précité.

Par ailleurs, concernant une protéine vectrice qui n’était pas mentionnée comme principe actif dans une AMM, la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 15 janvier 2015 (Forsgren, C-631/13), a dit pour droit que « l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une protéine vectrice conjuguée à un antigène polysaccharidique au moyen d’une liaison covalente ne peut être qualifiée de ‟principe actif”, au sens de cette disposition, que s’il est établi que celle-ci produit un effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques de l’autorisation de mise sur le marché, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier au regard de l’ensemble des circonstances de fait caractérisant le litige au principal ».

La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, en déduit les règles de preuve pour déterminer si une substance constitue un produit au sens de l’article 1er du règlement précité. Elle pose le principe selon lequel une substance, qui n’est pas qualifiée de principe actif par l’AMM, est réputée ne pas constituer un tel produit.

Cependant, l’existence d’un éventuel effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre couvert par les indications thérapeutiques de l’AMM, invoquée par le demandeur à un certificat complémentaire de protection, doit être appréciée au regard de l’ensemble des circonstances de fait caractérisant le litige au principal.

Ainsi, si les mentions de l’AMM font présumer que la substance qui y est présentée comme un excipient n’a pas d’effet pharmacologique, immunologique ou métabolique propre, le titulaire du brevet peut apporter la preuve contraire pour établir qu’elle constitue un produit, lui permettant d’obtenir un certificat complémentaire de protection.

Par arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation a statué sur trois pourvois relatifs à des CCP (pourvois n° 21-13.663 ; 21-13.664 et 21-17.773) et a prononcé des sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, saisie de renvois préjudiciels transmis par un tribunal de commerce de Finlande et la cour suprême d'Irlande, dans trois autres pourvois (pourvois n°18-21.903, 20-20.904 et 19-16.741).

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