N°9 - Mars 2023 (Procédures collectives)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Agent commercial / banque / Cautionnement / Concurrence / Impôts et taxes / Procédures collectives / Propriété industrielle / Publicité trompeuse / Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle / Séparation des pouvoirs / Sociétés civiles et commerciales / Transports).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°9 - Mars 2023 (Procédures collectives)

Liquidation judiciaire

Vérification et admission des créances - Contestation d'une créance - Tribunal compétent pour trancher la contestation sérieuse - Appel - Cour d'appel se prononçant sur l'irrégularité de la déclaration de créance - Compétence exclusive du juge-commissaire

 

Com., 27 oct. 2022, pourvoi n° 21-15.026

Quelles sont les limites des pouvoirs de la cour d’appel statuant sur l’appel du jugement du tribunal compétent pour trancher une contestation sérieuse portant sur une créance déclarée au passif d’un débiteur en procédure collective ?

Une créance déclarée au passif d’un débiteur en procédure collective peut faire l’objet de contestations de plusieurs natures. Le débiteur ou le mandataire judiciaire peuvent contester la régularité de la déclaration de créance, par exemple pour avoir été déposée hors délai ou pour avoir été signée par une personne n’ayant pas le pouvoir de le faire. Ils peuvent également contester l’existence, ou le montant de la créance elle-même. Dans tous les cas, le juge-commissaire est exclusivement compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance et pour admettre ou rejeter la créance. Mais l’appréciation du bien ou du mal fondé d’une contestation sur l’existence ou le montant de la créance ne relève pas de sa compétence si cette contestation, qui détermine l’admission ou le rejet de la créance, et en cas d’admission, le montant de cette admission, est sérieuse ou se heurte au principe de la séparation des pouvoirs. Dans ce cas particulier, le juge-commissaire doit attendre, pour exercer ses pouvoirs exclusifs, que le juge du contentieux compétent tranche la contestation.

L’arrêt se situe dans le courant jurisprudentiel assez fourni délimitant les pouvoirs respectifs du juge-commissaire et du juge compétent pour trancher une contestation. Il n’en constitue qu’une illustration supplémentaire dans une espèce où la même cour d’appel était saisie à la fois de l’appel de l’ordonnance d’admission du juge-commissaire et de l’appel du jugement du tribunal de droit commun compétent pour trancher une contestation qui portait sur le calcul du TEG du prêt.

Statuant sur l’appel de l’ordonnance d’admission du juge-commissaire, et donc avec les pouvoirs du juge-commissaire, la cour d’appel avait infirmé l’ordonnance, dit que le juge-commissaire était dépourvu de pouvoir juridictionnel pour trancher la contestation et sursis à statuer sur les demandes jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente.

Statuant par un autre arrêt sur l’appel du jugement du tribunal compétent pour trancher la contestation, la cour d’appel, qui devait par conséquent statuer dans les limites des pouvoirs de ce juge, a dit que les déclarations de créance étaient irrégulières et débouté le créancier de toutes ses demandes. Ces questions relevant des pouvoirs exclusifs du juge-commissaire, la cour d’appel a en conséquence excédé ses pouvoirs et violé l’article L. 624-2 du code de commerce.

Liquidateur - Responsabilité - Faute personnelle du liquidateur - Omission de demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire

Com., 23 nov. 2022, pourvoi n° 21-13.613

Un liquidateur peut-il engager sa responsabilité personnelle s’il omet de demander en temps et en heure à l’administration fiscale un remboursement de crédit de TVA généré par les opérations postérieures au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire ?

L’existence d’une activité économique justifie la qualification d’assujettie à la TVA d’une entreprise, et lui ouvre droit à récupération de la TVA qui lui est facturée. Selon l’article 271 du code général des impôts issu de la transposition des directives européennes successives ayant consacré le principe de neutralité de la TVA, le droit à déduction est subordonné à la condition que les biens et services grevés de la taxe d’amont soient utilisés pour les besoins d’opérations taxées mais la CJCE a décidé que ce droit devait aussi pouvoir s’exercer après la cessation de l’activité économique à la condition que les dépenses grevées de la taxe déductible présentent un lien direct et immédiat avec l’activité, ou aient été effectuées pour mettre fin à l’exploitation, pour autant que la mise en œuvre de ce droit ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives.

Il en résulte que l’entreprise assujettie en liquidation judiciaire qui a cessé son activité ou qui ne dispose plus de biens dont la cession dans le cadre des opérations de liquidation serait soumise à TVA perd sa qualité de redevable, c’est-à-dire qu’elle se trouve dans l’impossibilité de récupérer par voie d’imputation sur les taxes dont elle est redevable le crédit dont elle pourrait disposer. Mais elle ne perd pas sa qualité d’assujettie. Elle doit pouvoir récupérer la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation, en lien direct et immédiat avec son activité passée, comme notamment, ainsi que cela est reconnu par l’administration fiscale, les honoraires des liquidateurs. Elle bénéficie pour cela de la faculté de demander le remboursement du crédit de TVA par le truchement de son liquidateur.

Si le liquidateur omet de demander ce remboursement ou ne le fait pas dans les délais requis, il peut engager sa responsabilité personnelle.

Dans l’espèce présentée, la cour d’appel a jugé à tort que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire avait fait perdre à la société débitrice sa qualité d’assujettie, pour la simple raison qu’elle ne pouvait plus se livrer à son activité antérieure et qu’aucun bien, stock ou élément d’actif immobilisé n’avait fait l’objet d’une cession dans le cadre d’une opération imposable à la TVA au cours de la procédure de liquidation, et que le liquidateur n’avait donc pas commis de faute, alors que ces éléments ne caractérisaient pas la perte de la qualité d’assujettie de la société et de son droit à récupération du crédit de TVA. Pour aboutir à une telle conclusion, théoriquement possible, la cour d’appel devait s’assurer concrètement, ce qu’elle n’a pas fait, que les dépenses engagées et facturées à la société débitrice après sa mise en liquidation judiciaire ne présentaient pas de lien direct et immédiat avec l’activité antérieurement exercée ou avec des opérations nécessaires pour mettre fin à l’exploitation.

Clause compromissoire - Insertion dans un contrat - Continuation - Société en sauvegarde - Effets - Détermination

Com., 23 nov. 2022, pourvoi n° 21-10.614

A la suite de la réception d’une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite d’un contrat en cours stipulant une clause d’arbitrage au profit de la Chambre de commerce internationale, délivrée par le co-contractant, l’administrateur d’une entreprise en procédure de sauvegarde peut-il décider de ne pas exiger la poursuite de la seule clause compromissoire, indépendamment de l’option prise sur la continuation du contrat lui-même ? S’il le fait, cette décision permet-elle, en cas de litige, de faire obstacle à la compétence de l’arbitre ?

C’est à ces différentes questions que l’arrêt commenté apporte des réponses, dont les enjeux sont importants en pratique.

En premier lieu, la clause d’arbitrage figurant dans un contrat en cours à la date du jugement d’ouverture - ici, il s’agissait d’un contrat de franchise en cours à la date de l’ouverture de la procédure de sauvegarde du franchisé - ne peut pas être qualifiée de contrat en cours au sens de l’article L. 622-13 du code de commerce.

En effet, même si l’article 1447 du code de procédure civile confère une indépendance à la convention d’arbitrage par rapport au contrat auquel elle se rapporte, les effets de cette autonomie sont limités à sa survie en cas de d’inefficacité du contrat. L’autonomie juridique de la clause compromissoire ne signifie pas qu’elle relève, de manière autonome, du régime des contrats en cours, ce qui supposerait, si tel était le cas, la délivrance d’une mise en demeure d’opter spécifique, et une divergence possible entre le sort réservé au contrat principal et celui de la clause compromissoire.

En procédure de sauvegarde comme en redressement judiciaire, les contrats en cours sont protégés par le régime institué par l’article L. 622-13 pour permettre de trouver une issue favorable aux difficultés de l’entreprise. Ils sont essentiels à son activité et leur continuation facilite la poursuite de l’exploitation. En revanche, la clause d’arbitrage ne crée pas de droits substantiels mais organise simplement les modalités du droit d’action relativement aux droits créés par le contrat principal ; cet objet la rend inéligible à la catégorie des contrats en cours.

Il découle de cette règle que l’administrateur ne peut, en réponse à la mise en demeure délivrée par le co-contractant, résilier la seule clause compromissoire, et que s’il le fait, cette résiliation n’a aucun effet de sorte qu’en cas de différend entre les parties au contrat, il convient de saisir l’arbitre, les juridictions étatiques étant incompétentes pour en connaître, sauf le cas de la nullité manifeste de la clause ou de son inapplicabilité manifeste. Il sera rappelé à cet égard que l’impécuniosité d’une partie qui ne pourrait supporter le coût de l’arbitrage n’est pas, en soi, sanctionnée par l’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire, de sorte que les juridictions étatiques ne sauraient la relever avant toute saisine de l’arbitre. C’est à ce dernier qu’il appartiendra de s’efforcer de trouver une solution à l’impécuniosité d’une partie et ce n’est qu’en cas d’impasse qu’il s’estimera dessaisi et que les juridictions étatiques pourront considérer l’inapplicabilité manifeste de la clause et recouvrer leur compétence pour régler le litige.

Prescription civile - Interruption - Causes - Citation en justice - Déclaration des créances - Portée - Caution

Com., 23 nov. 2022, pourvoi n° 21-13.386

Le plan de redressement du débiteur principal en redressement judiciaire met-il un terme à l’interruption de la prescription à l’égard de la caution par la déclaration de créance ?

La déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l’égard de la caution et cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective. Cette règle n’est pas nouvelle. L’arrêt commenté y apporte une précision inédite en cas d’adoption d’un plan de redressement à l’égard du débiteur principal en redressement judiciaire.

En application de l’article L. 631-20 du code de commerce, les poursuites contre la caution, qui ne peut se prévaloir des délais du plan, sont possibles. Pour autant, cela ne signifie pas que la procédure collective est clôturée, que l’interruption de la prescription cesse et qu’un nouveau délai de prescription court. L’interruption de la prescription par la déclaration de créance se prolonge jusqu’au constat de l’exécution du plan ou, en cas de résolution de celui-ci et d’ouverture d’une liquidation judiciaire à l’égard du débiteur principal, jusqu’à la clôture de cette procédure.

Sauvegarde - Période d'observation - Déclaration de créances - Délai - Augmentation de deux mois - Bénéficiaires - Représentant légal ou délégataire de celui-ci - Absence de l'établissement en France

Com., 26 oct. 2022, pourvoi n° 20-22.416

L’article R. 622-24 du code de commerce, qui fixe à deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture, le délai dans lequel le créancier doit déclarer sa créance, accorde un délai supplémentaire de deux mois au créancier qui ne demeure pas sur le territoire de la France métropolitaine.

Le lieu où demeure un créancier est difficile à déterminer, spécialement lorsque ce créancier est une personne morale ayant son siège social à l’étranger mais possédant un ou plusieurs établissements en France.

Par un arrêt du 5 novembre 2013 (Com., 5 novembre 2013, pourvoi n° 12-20.234, Bull. 2013, IV, n° 159), la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel ayant retenu qu’une société créancière, dont le siège était en Arabie saoudite, devait bénéficier de l’allongement du délai de déclaration de créance bien qu’elle possédât un établissement à Paris, aux motifs que les contrats en cause avaient été discutés et signés à Jeddah, que l’établissement parisien n’avait pas d’activité en lien avec le litige et que son autonomie n’était pas démontrée. Ce faisant, l’arrêt a pu être compris a contrario comme consacrant les critères retenus par la jurisprudence dite des gares principales (le critère du lieu du siège social s’efface au profit de celui du lieu de l’établissement lorsque cet établissement présente une autonomie suffisante et exerce une activité en lien avec le litige) pour déterminer si un créancier doit être considéré comme demeurant ou non sur le territoire français métropolitain et lui appliquer le délai de déclaration de créance correspondant à sa situation.

La présente espèce a fourni à la Cour de cassation l’occasion de marquer une rupture avec cette interprétation et de définir le critère à mettre en œuvre concrètement pour déterminer le lieu où demeure le créancier au sens de l’article R. 622-24 du code de commerce. S’agissant d’un texte permettant l’allongement du délai de déclaration au bénéfice des créanciers étrangers pour compenser, à l’égard de la personne qui a le pouvoir de déclarer, la contrainte résultant de son éloignement, il convient, sans s’arrêter au lieu du siège social, de rechercher où se trouve cette personne, qu’elle soit le représentant légal du créancier, titulaire par hypothèse de ce pouvoir, ou un délégataire, à la date de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective qui marque le point de départ du délai.

La déclaration de créance qui émanerait d’une personne titulaire du pouvoir de déclarer se trouvant dans un établissement situé sur le territoire de la France métropolitaine doit, pour être régulière, avoir été faite dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture, quel que soit le degré d’autonomie et l’activité de cet établissement.

Liquidation judiciaire - Maintien de l'activité - Exploitation agricole - Fin - Moment - Détermination

Com., 14 déc. 2022, pourvoi n° 21-18.549

Après avoir autorisé le maintien de l’activité d’une entreprise agricole en liquidation judiciaire, le tribunal peut-il mettre un terme anticipé à ce maintien de l’activité, le cas échéant avant la fin de l’année culturale ?

L’entreprise concernée était une exploitation viticole. Le jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire avait autorisé le maintien de son activité jusqu’au 19 septembre 2020. Mais, saisi par le liquidateur, le tribunal avait mis fin à cette autorisation dès le 4 septembre. La cour d’appel avait confirmé le jugement après avoir relevé l’ensemble des éléments démontrant que l’entreprise n’était pas en capacité financière d’assumer les charges liées à la poursuite d’activité jusqu’aux vendanges.

Le pourvoi attaquant cet arrêt est rejeté, la solution se recommandant des termes de l’article L. 641-10 du code de commerce qui permet le maintien de l’activité d’une entreprise agricole en fonction de l’année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées, mais qui subordonne cette autorisation à la condition que la cession de totale ou partielle de l’entreprise soit envisageable ou que l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige. Dès lors qu’il était démontré que l’entreprise viticole en question ne pouvait financer son activité jusqu’aux vendanges, l’intérêt public ou celui des créanciers exigeait qu’il soit mis un terme immédiat à l’autorisation initialement donnée jusqu’à la récolte, la condition requise par le texte ayant permis initialement d’accorder un maintien de l’activité en fonction de l’année culturale en cours faisant alors défaut. C’est exactement que la cour d’appel en avait tiré la conséquence qu’il devait être mis fin à l’activité.

L’allongement du délai accordé aux entreprises agricoles, pour tenir compte de la spécificité du cycle cultural, n’est pas de droit. Même dans l’hypothèse où il a été décidé, le tribunal peut revenir sur sa décision si l’évolution de la situation de l’entreprise l’exige, à charge pour les juges du fond de caractériser ce changement de circonstances par une motivation contrôlée par la Cour de cassation.

Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 - Paiement effectué pendant la période suspecte - Interprétation conforme de l'article L. 632-2 du code de commerce - Restructuration préventive - Nécessité

Com., 14 déc. 2022, pourvoi n° 21-14.206

Premier arrêt intéressant la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, transposée en droit français par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

L’article 18 de la directive assure la protection des conventions qui ont pour objet la restructuration de l’entreprise ou sa recherche, et ceci même en cas d’échec de cette restructuration. Sont notamment protégés les honoraires et frais pour la négociation, l’adoption ou la validation d’un plan de restructuration, et les honoraires et frais pour la recherche de conseils professionnels en liaison étroite avec la restructuration. Il est prévu que les Etats membres doivent veiller à ce que, en cas d’insolvabilité ultérieure d’un débiteur, les transactions qui sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d’un plan de restructuration ne soient pas déclarées nulles, annulables ou inopposables.

La procédure de conciliation à la française ne constitue pas une procédure de restructuration préventive au sens de la directive, et ce pour plusieurs raisons :

  • elle n’a pas pour objet, en tant que telle, de préparer un plan de restructuration de l’entreprise au sens de la directive ;
  • elle aboutit dans le meilleur des cas à un plan de conciliation qui ne revêt pas les caractéristiques d’un plan de restructuration au sens de la directive ;
  • il n’existe pas de parties affectées au sens de la directive ;
  • elle n’est pas le siège choisi de la transposition, qui est la procédure de sauvegarde accélérée.

Une société spécialisée dans le management de crise a fourni des conseils à une autre société, en procédure de conciliation, en vue de la mise en place d’un « prepack cession » qui a échoué. La rémunération des prestations a été payée pendant la procédure de conciliation mais alors que la société bénéficiaire de la conciliation était en cessation des paiements, celle-ci ayant été, ensuite, mise en liquidation judiciaire.

Il était soutenu par le pourvoi, que l’ordonnance de transposition n’était pas applicable à la situation de l’espèce, mais que l’article L. 632-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021, devait être interprété à la lumière de la directive, ce qui avait pour conséquence que les paiements litigieux, intervenus en exécution d’une convention de conseil s’inscrivant dans la recherche d’un plan de cession, bénéficiaient de la protection de la directive et ne pouvaient être annulés.

Or, le contrat avait été conclu pendant la procédure de conciliation et les paiements étaient intervenus pendant la même procédure. Il n’était d’ailleurs pas soutenu, devant la cour d’appel, que la société destinataire des prestations bénéficiait, à la date de la conclusion de la convention et des paiements, d’une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive. L’arrêt commenté en déduit que la cour d’appel n’était pas tenue d’interpréter l’article L. 632-2 à la lumière de la directive, dont la transposition n’a pas modifié ce texte.

Liquidation judiciaire

Contrat en cours - Bail commercial - Résiliation à l'initiative du bailleur - Causes postérieures au jugement d'ouverture - Défaut de paiement des loyers - Délai d'action - Point de départ - Applications diverses - Liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan - Date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire

 

Com., 18 janv. 2023, pourvoi n° 21-15.576

Cet arrêt apporte plusieurs précisions, inédites, relatives à la mise en œuvre du « délai d'attente » de trois mois imposé, par la législation des procédures collectives, au bailleur commercial qui entend obtenir la résiliation du bail consenti à son locataire ultérieurement mis en liquidation judiciaire.

En vertu du principe de continuation des contrats en cours, le contrat de bail n'est pas résilié ou résolu du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective, toute disposition contraire étant réputée non écrite (V. les articles L. 622-13, L. 631-14, alinéa 1er, et L. 641-11-1 du code de commerce). Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles L. 622-14, 2° et L. 641-12, 3° du code de commerce que le bailleur qui demande au juge-commissaire la résiliation ou le constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, ne peut agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement. L'application concrète de ces textes soulevait, en l'espèce, plusieurs interrogations, auxquelles répond la chambre commerciale.

D'abord, quel est le point de départ de ce « délai d'attente » de trois mois dans l'hypothèse particulière où le débiteur, qui a bénéficié d'un redressement judiciaire ayant abouti à un plan, voit son plan résolu avec ouverture d'une liquidation judiciaire ? Est-ce la date du jugement ayant ouvert le redressement judiciaire, ou la date du jugement ayant résolu le plan de redressement et ouvert une liquidation judiciaire ? La chambre commerciale opte pour la seconde branche de l'alternative, en vertu de la jurisprudence ancienne et constante (v. en dernier lieu : Com. 28 Juin 2017, n° 16-11171 ; Com. 15 mai 2019, n° 18-12441, publié ; Com. 8 avr. 2021, n° 19-22580, publié), consacrée par la loi (v. l'art. L. 626-27, III du code de commerce), selon laquelle le jugement qui prononce la résolution du plan d'un débiteur et met ce dernier en liquidation judiciaire ouvre une nouvelle procédure collective, distincte de la précédente qui avait abouti à l'arrêté du plan.

Ensuite, à quelle date le juge doit-il se placer pour apprécier le respect, ou non, du délai d'attente de trois mois ? Est-ce à la date de la saisine du juge-commissaire, ou à la date à laquelle ce juge statue ? Dans l'arrêt commenté, la chambre commerciale décide qu'il convient de se placer à la date à laquelle le bailleur saisit le juge-commissaire, soit à la date de la requête en résiliation du bail. Plusieurs cours d'appel avaient déjà retenu cette solution avant l'arrêt ici commenté.

Enfin, lorsque le bailleur a saisi le juge-commissaire prématurément, soit avant l'expiration du délai d'attente de trois mois, peut-il, si ce délai a expiré à la date de l'audience devant le juge-commissaire, former une nouvelle demande tendant à la résiliation du bail ? La chambre commerciale refuse cette possibilité. Elle juge, en effet, que la demande de résiliation du bail doit être formée par voie de requête. Cela signifie que, si le bailleur a déposé sa requête sans attendre l'expiration du délai de trois mois, il ne lui est plus possible, par la suite, d'utiliser l'instance en cours devant le juge-commissaire, qu'il a introduite prématurément, pour y former une nouvelle demande, orale ou écrite, devant ce juge. Par cette décision, la chambre commerciale entend donner son plein et entier effet au délai d'attente de trois mois, en imposant au bailleur une totale « immobilité » pendant toute la durée de ce délai.

Redressement et liquidation judiciaires

Créances - Contrat conclu entre un professionnel et un consommateur - Prêt immobilier - Décision d'admission - Autorité relative de la chose jugée - Saisie immobilière - Audience d'orientation - Contestation portant sur le caractère abusif d'une clause du prêt - Pouvoirs du juge en matière de clauses abusives - Etendue

 

Com., 8 fév. 2023, pourvoi n° 21-17.763

L'autorité de la chose jugée fait-elle obstacle au contrôle, par le juge de l'exécution, du caractère abusif d'une clause ?

L'arrêt commenté, rendu en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), apporte une solution, inédite et majeure, concernant l'office du juge en matière de clauses abusives.

En principe, les décisions de justice irrévocables sont revêtues de l'autorité de la chose jugée, même si elles reposent sur un vice de fond pour méconnaissance d'une règle légale, fût-elle d'ordre public (v. article 1355 du code civil). Il en va ainsi, entre le débiteur et le créancier, de la décision d'admission d'une créance rendue par le juge-commissaire, s'agissant de l'existence, la nature et le montant de la créance admise. L'arrêt commenté rappelle, dans un premier temps, ce principe, en le transposant à un cas de figure, jusqu'à présent inédit : celui de la procédure d'orientation organisée devant le juge de l'exécution, à la suite de l'introduction d'une saisie immobilière.

Toutefois, il en est autrement en matière de clauses abusives. En effet, après avis la deuxième chambre civile sur ce point, l'arrêt commenté précise, dans un second temps, que ce principe connaît désormais une exception en matière de clauses abusives. En application de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la CJUE a rendu plusieurs arrêts récents dont il résulte que l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée (v. not. : CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, C-421/14, Banco Primus ; CJUE, arrêt du 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco ; CJUE, arrêt du 17 mai 2022, affaires jointes C-693/19 SPV Project 1503 Srl, et C-831/19 Banco di Desio e della Brianza e.a.). En l'espèce, la cour d'appel ne pouvait donc, en se fondant sur l'autorité de chose jugée attachée aux ordonnances d'admission des créances du créancier poursuivant, se refuser à examiner la contestation du débiteur relative au caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée des prêts notariés, puisque le juge-commissaire n'avait pas exercé son contrôle sur ce point.

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