N°9 - Mars 2023 (Banque)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Agent commercial / banque / Cautionnement / Concurrence / Impôts et taxes / Procédures collectives / Propriété industrielle / Publicité trompeuse / Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle / Séparation des pouvoirs / Sociétés civiles et commerciales / Transports).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°9 - Mars 2023 (Banque)

Paiement - Instrument de paiement - Utilisation frauduleuse par un tiers - Applications diverses - Tiers ayant composé le montant du retrait et s'étant emparé de l'argent

Com., 30 novembre 2022, pourvoi n° 21-17.614

Une banque peut-elle être tenue de rembourser le titulaire d'une carte de paiement si, après que celui-ci a introduit sa carte dans un distributeur automatique de billets et composé son code confidentiel, un tiers saisit à son insu le montant du retrait et s'empare des billets ?

Dans la présente affaire, une personne soutenait qu'alors qu'elle avait introduit sa carte bancaire dans un distributeur automatique de billets et composé son code confidentiel, un individu avait saisi, à son insu, le montant du retrait et s'était emparé des billets. Elle avait en conséquence poursuivi la banque dans lequel se trouvait le distributeur de billets afin d'obtenir le remboursement de la somme ainsi retirée.

Le tribunal judiciaire avait rejeté la demande de remboursement en jugeant que les faits allégués ne constituaient en tout état de cause pas un cas dans lequel le prestataire de services de paiement était tenu de rembourser le titulaire de la carte de paiement - autrement dit le payeur - en application des dispositions du code monétaire et financier.

La chambre commerciale a tout d'abord jugé qu'il résulte des articles L. 133-18 et L.133-19 du code monétaire et financier qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, ce qui est le cas d'une carte bancaire munie d'un code secret, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, c'est-à-dire dans les treize mois à compter de la date de débit, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse à ce dernier le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19 (sa responsabilité pouvant notamment être engagée si les pertes occasionnées par l'opération de paiement non autorisée résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à certaines obligations).

Par ailleurs, la chambre commerciale a jugé qu'il résulte des articles L. 133-3 et L. 133-6 du code monétaire et financier qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si celui-ci a consenti au montant de l'opération.

En conséquence, si lors d'un retrait dans un distributeur automatique de billets, une personne compose à l'insu du titulaire de la carte de paiement le montant du retrait et s'empare des billets, l'opération de paiement n'est pas autorisée. La responsabilité du prestataire de services de paiement peut alors être engagée dans les conditions prévues par les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier.

C'est pourquoi la chambre commerciale a jugé que le tribunal judiciaire ne pouvait rejeter la demande de remboursement sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée, en particulier quant à son montant et, si tel n'était pas le cas, sans rechercher si la responsabilité du payeur était engagée en application de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier.

En conséquence, elle a cassé le jugement objet du pourvoi.

Responsabilité - Chèque - Paiement - Chèque falsifié - Anomalie apparente - Preuve - Charge - Banque tirée

Com., 9 novembre 2022, pourvoi n° 20-20.031

En cas de falsification d'un chèque, sur qui pèse la charge de la preuve de l'absence d'anomalie apparente affectant ce chèque lorsque la banque tirée ne peut produire l'original de ce chèque ?

Le banquier est tenu à une obligation de vigilance. En application de ce devoir, la banque tirée doit relever les anomalies apparentes d'un chèque qui lui est présenté pour paiement et, si elle paye ce chèque alors que la falsification du titre est apparente, elle engage sa responsabilité.

En l'espèce, l'émetteur d'un chèque avait recherché la responsabilité de sa banque à la suite de l'encaissement frauduleux de ce chèque par une personne autre que le bénéficiaire inscrit sur le chèque.

Conformément à l'article 1315 alinéa 2, devenu 1353 alinéa 2, du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation et, conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Par cet arrêt, la chambre commerciale juge que, en application de ces articles, s'il incombe à l'émetteur d'un chèque recherchant la responsabilité de la banque tirée pour manquement à son obligation de vigilance au motif que le chèque payé était falsifié de l'établir, une fois cette falsification établie, il revient à la banque tirée, dès lors qu'elle ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente, à moins que le chèque n'ait été restitué au tireur.

La chambre commerciale constate ensuite que, dans la présente affaire, la cour d'appel a relevé qu'un nom a été substitué par grattage à celui du bénéficiaire initial sur le chèque litigieux, que l'original de ce chèque a été détruit par la banque tirée et que la photocopie du chèque produite est en noir et blanc et de mauvaise qualité, et que la cour d'appel a retenu que cette photocopie ne permet pas de constater l'absence d'anomalie matérielle.

Elle en conclut que la banque tirée ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le chèque n'était pas affecté d'une anomalie apparente et, par suite, la preuve qu'elle a satisfait à son obligation de vigilance. Par ces motifs substitués, elle approuve la cour d'appel pour avoir retenu la responsabilité de la banque tirée.

Crédit documentaire - Obligations du banquier - Banque confirmante - Engagement irrévocable d'honorer - Portée - Opposabilité d'une condition non documentaire

Com, 15 mars 2023, pourvoi n° 20-23.552

Une banque confirmante peut-elle opposer l'exception de compensation légale à raison d'une créance détenue à l'égard du bénéficiaire et, ainsi, honorer son obligation de paiement née d'un crédit documentaire ?

Institution née de la pratique, le crédit documentaire suit un droit qui a la même origine et dont l'essentiel est renfermé dans les « Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires » élaborées par des praticiens sous l'égide de la Chambre de commerce internationale en 1933 et modifiées depuis à plusieurs reprises. Depuis le 1er juillet 2007 est applicable la septième version des Règles et usances 600 (RUU600) adoptée par la CCI le 25 octobre 2006.

Ce type de crédit, fréquent dans le négoce de matières premières, repose sur la présentation de documents qui symbolisent ou incorporent la marchandise ou, au moins, rapportent la preuve que le vendeur a confié la marchandise au transporteur et qu'elle est assurée.

Dans son schéma le plus simple, le crédit documentaire requiert l'intervention d'une banque, la banque émettrice, qui paie le vendeur pour le compte de l'acheteur et sur son invitation. Dans ce cadre, l’autonomie du crédit documentaire par rapport au contrat de base est un principe établi, régulièrement réaffirmé par la jurisprudence (voir notamment Com., 7 oct. 1987, n° 86-13.066, Com., 16 déc. 2008, n° 07-18.729, Bull. N° 205). De même en est-il du caractère irrévocable de l’engagement pris par le donneur d’ordre, dont il a été jugé qu’il lui interdit de se prévaloir, pour faire obstacle à l'exécution de l'engagement pris sur ses instructions par la banque, d'une créance sur le bénéficiaire, fût-elle étrangère à l'exécution du contrat de base (Com., 18 oct. 1988, n° 86-16.683).

Mais parfois, ce schéma requiert l’intervention d’une deuxième banque, banque locale établie dans l’Etat du vendeur et dont l’intervention est exigée par lui, qui procure une deuxième garantie en confirmant le crédit ouvert par la banque émettrice. Or, il peut arriver que la banque confirmante soit elle-même créancière à un autre titre du bénéficiaire. Dans cette hypothèse, peut-elle se payer par compensation avec la dette née du crédit documentaire ?

Cette question, très débattue en doctrine, a donné lieu à deux décisions divergentes de juridictions étrangères : l’une ayant considéré que l'exception de compensation pouvait valablement être invoquée dans le cadre de crédits documentaires (Cour d'appel de Bruxelles du 13 juin 1991), tandis que l'autre a estimé que cette exception était incompatible avec le mécanisme du crédit documentaire (Cour de justice de Genève du 27 avril 1989).

Le litige de l’espèce concernait un désaccord entre, d’un côté, une société de négoce de pétrole, à la fois donneur d’ordre et bénéficiaire de crédits documentaires, et, de l’autre, une banque intervenant à l’égard de cette même société, selon les cas, en tant que banque émettrice ou banque confirmante. C’est en cette dernière qualité que, par ailleurs créancière de la société à un autre titre, elle avait prétendu payer le crédit documentaire par compensation avec sa propre créance.

D’un côté, la société bénéficiaire soutenait que la banque confirmante ne pouvait opposer une condition non documentaire comme la compensation à son engagement de payer autonome et indépendant par rapport à toute autre relation juridique. Plus précisément, elle faisait valoir que les articles 8 et 15 des RUU 600 comportent l'obligation « d'honorer » de la banque confirmante et que l'article 2 définit le terme honorer par « payer ». L'engagement de la banque étant autonome et ferme, l'autonomie devant, selon elle, être appréhendée largement comme devant s’entendre comme tout ce qui est extérieur au crédit documentaire, le donneur d'ordre ne pouvant remettre en cause son engagement en invoquant la compensation qui doit être regardée comme une condition non documentaire.

D’un autre côté, la banque rappelait que la compensation est un mode d'extinction d'une créance et non une condition et que la compensation est compatible avec le mécanisme du crédit documentaire, les RUU 600 ayant une nature contractuelle. Le crédit documentaire étant un contrat unilatéral comme un autre, la compensation devait pouvoir s'appliquer, et constitue un mode d'extinction de l'obligation, alternatif au paiement. Elle soulignait que les règles des RUU ne prévoient rien s'agissant des modalités d'exécution de ses obligations par la banque confirmante.

La cour d’appel a accueilli l’argumentation de la banque en considérant qu'en compensant sa dette résultant de la confirmation du crédit documentaire irrévocable au profit de la société avec la créance, d'un montant moindre, qu'elle détenait contre cette même société, la banque avait effectué un paiement et, en conséquence, honoré son obligation de banquier confirmant du crédit documentaire irrévocable au sens de l'article 8 des RUU 600.

La question était posée pour la première fois à la Cour de cassation. Afin d’enrichir la réflexion de la chambre quant aux enjeux du pourvoi, de connaître les pratiques des places financières étrangères et d’anticiper la portée de la décision pour les acteurs économiques dans un contexte international, le parquet général a sollicité, dans le cadre d’une consultation extérieure, le Haut comité juridique de la place financière de Paris.

La chambre commerciale rappelle d’une part, que selon l'article 1290 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la compensation équivaut à un paiement et, d’autre part, que la banque confirmante prend l'engagement irrévocable d'honorer aux termes des articles 2 et 8 des RUU600. Elle en déduit que la banque confirmante, qui oppose l'exception de compensation légale, honore son obligation de paiement née du crédit documentaire.

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